Les Fleurs du mal/1868/Le Rebelle

Spleen et idéal
Les Fleurs du mal (1868)Michel Lévy frèresŒuvres complètes, vol. I (p. 229).

XCV

LE REBELLE


Un Ange furieux fond du ciel comme un aigle,
Du mécréant saisit à plein poing les cheveux,
Et dit, le secouant : « Tu connaîtras la règle !
(Car je suis ton bon Ange, entends-tu ?) Je le veux !

Sache qu’il faut aimer, sans faire la grimace,
Le pauvre, le méchant, le tortu, l’hébété,
Pour que tu puisses faire à Jésus, quand il passe,
Un tapis triomphal avec ta charité.

Tel est l’Amour ! Avant que ton cœur ne se blase,
À la gloire de Dieu rallume ton extase ;
C’est la Volupté vraie aux durables appas ! »

Et l’Ange, châtiant autant, ma foi ! qu’il aime,
De ses poings de géant torture l’anathème ;
Mais le damné répond toujours : « Je ne veux pas ! »