Les Finances de l’Italie
Revue des Deux Mondes3e période, tome 49 (p. 92-106).
◄  01
LES
FINANCES DE L'ITALIE

II.[1]
LE RÉTABLISSEMENT DE L’ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE ET LES RÉFORMES ÉCONOMIQUES.


I.

La guerre de 1866 contre l’Autriche, qui fut suivie de l’annexion de la Vénétie, est le dernier grand effort que l’Italie ait eu à faire pour réaliser son unité : aussi les dépenses de cette année furent-elles plus que doubles des recettes. Les charges supplémentaires imposées au budget, en 1870, par l’occupation de Rome et de la campagne romaine et par les mesures de précaution que commandait la situation du continent ne dépassèrent pas une cinquantaine de millions. Néanmoins, comme il faut tenir compte des dépenses que nécessitaient l’assimilation et l’organisation des. nouvelles provinces, on doit considérer les années comprises entre &866 et 1871 comme appartenant encore à la période d’agrandissement et de formation, et voici le résumé des charges que cette œuvre capitale imposa à la nation italienne :

Recettes Dépenses Déficit
1866 617,131,071 l,338,578,250 721,447,179
1867 714,453,756 928,600,641 214,146,884
1868 768,557,777 l,014,354,438 215,796,650
1869 870,693,802 1,019,567,574 148,874,l 72
1870 865,980,244 1,080,747,118 214,766,874

Ainsi, pendant cette période de cinq années, malgré le supplément de recettes apporté par les nouvelles provinces, les dépenses dépassèrent les ressources d’environ 1 milliard 550 millions. Comment un pays déjà chargé de dettes fit-il face à cet énorme excédent de dépenses? En s’obérant de plus en plus, jusqu’à ce que la voie des emprunts lui fut fermée par les conditions trop onéreuses qu’il lui aurait fallu subir : en effet, la rente italienne descendit fréquemment au-dessous de 45 francs et elle tomba même, à Paris, en 1866, à 36 francs. On eut recours, sous le nom d’emprunt national, à un véritable emprunt forcé que la banque nationale a été, plus tard, chargée de rembourser au moyen de l’aliénation de rentes perpétuelles ; enfin, on multiplia les émissions de papier-monnaie inconvertible, qui atteignaient, à la fin de 1870, le chiffre de 445 millions.

Un budget présentant un déficit régulier de 20 à 25 pour 100, une dette en accroissement constant, un crédit avili, l’émigration des métaux précieux et l’augmentation continuelle du papier-monnaie à cours forcé : voilà donc quelle était la situation financière de l’Italie. On en pouvait difficilement imaginer une qui fût plus déplorable. Comment l’Italie en est-elle sortie? Par l’économie en premier lieu : par une économie qui pourrait être qualifiée de sordide si elle était pratiquée par une nation riche et prospère, mais qui empruntait à la situation de l’Italie le caractère d’une généreuse et patriotique abnégation. Les dépenses indispensables furent rigoureusement réduites à leur minimum ; beaucoup de dépenses nécessaires, comme le renouvellement du matériel de la marine et de l’armée, furent ajournées ; tous les services publics furent mis à la portion congrue, et les traitemens des fonctionnaires fixés à des taux invraisemblables, que réduisirent encore le paiement en papier-monnaie et la retenue opérée à titre d’impôt sur le revenu. En même temps qu’on s’attachait à contenir la dépense dans les limites les plus restreintes, on cherchait à développer les recettes. On allait au plus pressé, qui était de trouver de l’argent, et dans l’établissement des nouveaux impôts que chaque budget voyait éclore, on n’avait nul égard aux critiques plus ou moins fondées que les économistes de profession pouvaient élever contre eux. En même temps que des droits de sortie frappèrent l’exportation des produits nationaux, on soumit à des taxes tout ce qui entrait dans l’alimentation du peuple ou contribuait à ses jouissances : le pain, la viande, le sel, les liquides, les tabacs. Dans cette hâte à créer de nouvelles ressources, on commit même une mauvaise action, dont les conséquences financières pourraient servir de leçon aux gouvernemens qui voudraient entrer dans la même voie. Les biens du clergé et des congrégations religieuses parurent à des financiers peu scrupuleux une proie facile dont la dévolution à l’état permettrait de combler les déficits du budget. A l’aide des argumens traditionnels empruntés aux abus de la mainmorte et à l’administration défectueuse des biens ecclésiastiques, on consomma la dépossession du clergé et des ordres religieux ; mais cette loi de désamortistion, sur laquelle on fondait de si grandes espérances, aboutit à une déception. Parmi ces propriétés qu’on avait prisées si haut, il s’en trouva un grand nombre : églises, chapelles, oratoires, dont la valeur historique ou artistique était incontestable, mais qui, loin de pouvoir produire le moindre revenu, exigeaient un entretien fort onéreux: la conversion des couvens en prisons ou en casernes entraîna des dépenses d’appropriation considérables sans donner des résultats satisfaisans, puisqu’à Rome même, où les édifices inoccupés ne manquent pas, on vient de décider l’évacuation de plusieurs de ces casernes improvisées et la construction de bâtimens neufs. On ne pouvait, sans infliger à la nation une humiliation profonde, aliéner les objets d’art, les bibliothèques, les collections de toute nature, dont on dépouillait les ordres religieux, et pour n’en point priver le monde savant, il fallut en ordonner le transfert et la réunion aux musées nationaux. Ces opérations ont amené d’innombrables détournemens qui ont fait disparaître quelques-uns des vestiges les plus précieux de l’antiquité. Pendant presque toute cette année 1881, l’accès du célèbre musée Kircher et des autres collections réunies au Collège romain a été interdit rigoureusement au public pour permettre, disait-on, des réparations intérieures; mais ce n’était là, dans l’opinion générale, qu’un prétexte : le motif réel de cette fermeture prolongée devrait être cherché dans des détournemens qui venaient d’être constatés et qui donnaient lieu à d’activés investigations. La nomination officielle d’une commission d’enquête est venue, depuis lors, justifier ces suppositions des Romains. Eût-on même épargné à l’art et à la science bien des pertes regrettables, le trésor italien n’eût retiré aucun avantage des richesses artistiques enlevées au clergé; quant aux immeubles et aux biens susceptibles d’être mis en location, le revenu qu’ils ont donné a toujours été loin découvrir les traitemens qu’il a fallu assurer au clergé paroissial et les pensions viagères, quelque minimes qu’elles soient, qu’on sert aux membres des congrégations dépossédées. Il faut, tous les ans, prélever sur les fonds du budget plusieurs millions pour combler les déficits de l’administration des cultes et de l’asse ecclesiastico. L’extinction des pensions à servir allégera ce fardeau, et s’il est mis un terme aux aliénations qui se poursuivent, l’état se trouvera un jour en possession non-seulement de trésors artistiques d’un prix inestimable, mais d’un domaine public assez important ; mais pendant bien des années encore, la désamortisation n’aura eu d’autres conséquences financières que d’ajouter aux charges du budget.

Malgré cet échec, juste châtiment d’un acte aussi contraire à la bonne politique qu’à l’équité, les efforts du gouvernement italien pour restreindre les dépenses et pour accroître les recettes publiques ne demeurèrent pas sans résultat. Les impôts de consommation sont, de la part de certains économistes, l’objet de critiques spécieuses, mais l’expérience a toujours démontré que, malgré les objections qu’ils peuvent soulever, ils sont les seuls dont la productivité soit assurée et dont la progression ne s’arrête pas. Les finances italiennes en ont fourni une nouvelle preuve. Si lourdes que fussent les taxes qui grevaient l’alimentation populaire, leur produit ne cessa de s’accroître régulièrement; l’ingénieuse fécondité des ministres des finances découvrait tous les ans quelque impôt nouveau qui atteignait quelqu’une des branches de l’activité nationale sans ajouter sensiblement au revenu public, mais que le patriotisme des chambres n’hésitait pas à adopter, tant était impérieuse, aux yeux de tous les esprits, la nécessité de sortir de l’abîme financier dans lequel la jeune monarchie menaçait de disparaître. Il serait superflu de faire la critique soit de la nature de quelques-uns de ces impôts, soit de leur assiette ; tous avaient la meilleure des justifications : la nécessité. Le parlement se préoccupait en même temps d’introduire l’ordre dans les finances et de soumettre la gestion des deniers publics aux règles d’une comptabilité sévère : ce fut l’objet de la loi de 1809 sur la comptabilité générale dont les traits principaux ont été indiqués plus haut. La progression constante des recettes en présence de dépenses qui demeuraient presque stationnaires devait avoir pour conséquence de conduire au rétablissement de l’équilibre budgétaire. Ce rétablissement fut l’œuvre des cinq années qui suivirent l’occupation de Rome et la fin de la période d’agrandissement.

¬¬¬

Recettes Dépenses Déficit
1871 966,936,127 1,040,948,450 74,012,322
1872 1,014,039,216 1,097,618,432 83,579,215
1873 1,047,240,357 1,136,248,580 89,008,232
1874 1,077,115,610 1,090,499,517 13,383,900
1875 1,096,319,804 1,082,449,403

L’année 1875 donna donc un excédent des recettes sur les dépenses de 13,870,406 francs, et, depuis lors, aucun budget ne s’est soldé en déficit, bien que l’année 1878 ait eu à supporter une crise commerciale et que la récolte de 1879 ait été insuffisante.

Cette même année 1875, — et c’est là le progrès le plus notable qu’il y ait lieu de constater, — ne vit pas seulement un excédent de recettes succéder au déficit du budget, elle vit aussi cesser les créations de papier-monnaie par lesquelles le gouvernement italien subvenait à ses besoins de trésorerie. De 450 millions en 1870, la circulation du papier-monnaie arriva en 1875 à 940 millions, chiffre le plus haut qu’elle ait atteint, mais auquel il n’a été rien ajouté. Les hommes d’état italiens ne se dissimulaient pas qu’il faudrait quelque jour retirer de la circulation ce papier-monnaie et que chaque émission était un emprunt déguisé, contracté sous la garantie de l’honneur national ; ils ne se faisaient point illusion sur l’apparente gratuité de ces sortes d’emprunts. Indépendamment du crédit qu’ils étaient contraints d’inscrire au budget de chaque année pour la dépense d’agio qu’entraînaient les paiemens du trésor à l’extérieur, le pays payait à un taux usuraire les intérêts de ce milliard en papier par la perte que la disparition des métaux précieux l’obligeait à subir dans ses transactions avec l’étranger. Il faut donc louer les hommes d’état italiens de s’être rendu compte des dangers que la multiplication du papier-monnaie faisait courir à la fortune de leur pays et de ne s’être pas laissé séduire par ce moyen facile de faire face à leurs embarras financiers. Ils se préoccupèrent de bonne heure de prévenir la dépréciation du papier-monnaie en entourant de garanties sa fabrication et sa mise en circulation, et ils essayèrent de suppléer par des expédiens ingénieux à la convertibilité qui pouvait seule le ramener et le maintenir au pair. Tel fut l’objet de la loi du 30 avril 1874, dite loi du consorzio, qui constitua en syndicat les six banques déjà investies du droit d’émission, la Banque nationale, les Banques de Rome, de Naples, de Sicile, de Toscane et la Banque toscane de crédit, et remit à ce syndicat, moyennant un abonnement, la tâche d’émettre et de renouveler les billets de toute coupure, depuis 50 centimes jusqu’à 1,000 francs, qui devaient être reçus comme espèces par toutes les caisses publiques et privées. Un article de cette loi, introduit par la chambre avec l’assentiment du ministre des finances, M. Minghetti, prescrivait au gouvernement de présenter au parlement, dans le délai de six mois, un rapport sur l’étendue de la circulation fiduciaire et sur les mesures propres à amener la cessation du cours forcé. Ce vote trahissait des espérances dont la réalisation ne pouvait être prochaine, mais il avait le mérite d’indiquer très clairement au gouvernement la voie dans laquelle il fallait marcher. On peut considérer comme une des conséquences de ce vote le renoncement à toute émission nouvelle, à partir des derniers mois de 1875.

L’instabilité des ministères, qui n’arrivaient au pouvoir par l’effort d’une coalition que pour en être immédiatement précipités par une coalition nouvelle, et dont aucun ne dépassait la durée d’une session, n’avait pas permis jusque-là d’apporter dans la conduite des finances ces vues d’ensemble et cette suite qui, seules, peuvent produire des résultats sérieux. Cet état de choses changea avec l’année 1876, qui marque le début d’une période nouvelle. La droite parlementaire essuya dans les élections une défaite assez complète pour lui enlever toute possibilité de ressaisir le pouvoir. La gauche s’empara de la direction du gouvernement et elle l’a conservée depuis lors. Ce n’est pas que les crises ministérielles soient devenues beaucoup moins fréquentes : les rivalités personnelles et les querelles privées jouent un rôle trop considérable dans la vie parlementaire de l’Italie pour qu’aucun cabinet soit jamais assuré du lendemain ; mais les oscillations politiques se sont réduites au déplacement de quelques ministres : elles n’ont point porté atteinte à la prépondérance de la gauche. Les chefs du parti sont arrivés au pouvoir, en mars 1876, avec un programme qui leur était commun à tous et dont l’exécution, pour être parfois confiée à des mains différentes, n’a jamais été interrompue.

A côté des réformes politiques dont nous n’avons pas à nous occuper, le programme des chefs de la gauche annonçait des réformes économiques et financières en tête desquelles figuraient la suppression de l’impôt sur la mouture et la suppression du cours forcé. L’année 1876 avait donné des résultats encore plus favorables que ceux de l’année 1875 ; l’excédent des recettes sur les dépenses s’était élevé de 13 à 20 millions. M. Depretis, alors ministre des finances, s’autorisa de ce nouveau progrès pour présenter, le 27 mars 1877, un projet de loi destiné à préparer l’abolition du cours forcé. M. Depretis proposait d’inscrire annuellement au budget un crédit de 20 millions affecté au retrait graduel du papier-monnaie, en attendant que la situation budgétaire permît de contracter un emprunt dont le produit serait consacré au retrait de tous les billets en circulation. Tout le monde rendit justice aux vues de M. Depretis; néanmoins, il ne fut point donné suite à son projet. La rente italienne oscillait entre 70 et 75 ; la possibilité de contracter un emprunt considérable à des conditions qui ne fussent pas trop onéreuses pour le budget paraissait encore fort éloignée, et il ne semblait pas que le retrait annuel de 20 millions de billets pût de longtemps exercer une action sensible sur une circulation qui approchait de 1 milliard. M. Depretis ne tarda pas à prendre la direction d’un autre département ministériel et, dans une nouvelle combinaison, le portefeuille des finances échut à M. Magliani, qui l’a conservé depuis lors, sauf un court intervalle de quelques mois.

M. Magliani a fait son apprentissage dans les postes secondaires du ministère des finances, et sous un financier émérite, M. Bastogi ; c’est dire qu’il possède, avec une expérience précieuse, la connaissance parfaite des moindres rouages de l’administration à laquelle il préside. Il lui a donc été possible d’en améliorer le fonctionnement par des réformes pratiques et mûrement étudiées. Esprit exact, laborieux, appliqué, amoureux de la précision, M. Magliani éprouve le besoin de se rendre compte des moindres détails et il ne se laisse point rebuter par les calculs les plus arides et les plus minutieux. On ne saurait contester ni la sûreté de son coup d’œil, ni la fermeté de son jugement, ni la décision de son caractère, et, en défendant l’équilibre du budget contre les exigences de ses collègues, il a donné plus d’une preuve de cette énergie, de cette férocité qu’un homme d’état illustre mettait au premier rang des qualités d’un ministre des finances. M. Magliani n’est pas seulement un financier, c’est aussi et plus encore un économiste éminent, familier avec tous les grands problèmes qui se rattachent à la production de la richesse, sachant envisager les questions sous toutes leurs faces, mais habitué à penser par lui-même et sans s’asservir aux doctrines d’aucune école. La régénération financière de l’Italie est son œuvre : s’il lui est donné d’aller jusqu’au bout de son entreprise et de mettre fin au cours forcé, il aura acquis les titres les plus sérieux à la reconnaissance de ses compatriotes.

M. Magliani comprit, dès le premier jour, que, pour mettre fin aux inconvéniens du cours forcé, il était indispensable de ramener en Italie une quantité notable de métaux précieux et de retirer d’un seul coup la plus grande partie, sinon la totalité, du papier-monnaie. Un emprunt contracté à l’étranger et payable uniquement en espèces pouvait seul conduire au but. Or le crédit de l’Italie n’était pas encore suffisamment affermi pour permettre la négociation d’un emprunt de l’importance nécessaire. Il jugea donc que, malgré la bonne volonté des chambres, malgré leurs vœux fréquemment répétés, il valait mieux ajourner le premier point du programme financier de la gauche, et, pour satisfaire aux engagemens pris par le gouvernement, s’occuper d’abord de réaliser un autre point de ce programme : la suppression de l’impôt sur la mouture. Ce fut à cette tâche qu’il consacra ses premiers efforts. Cette suppression ne constituait pas seulement un problème financier très ardu, elle avait acquis toute l’importance d’une question politique. Quelles que soient les critiques qu’on puisse lui adresser en théorie, le droit sur la mouture n’était pas un mauvais impôt : il était léger, il se percevait facilement et économiquement, et il produisait beaucoup ; il ne donnait lieu à aucune plainte dans les régions de l’Italie où il existait de longue date et où il était entré dans les habitudes de la population. Le paysan qui avait conduit plusieurs sacs de grain au moulin le plus proche ne discernait point dans les quelques mesures de farine que le meunier lui retenait la quantité qui représentait la rémunération du travail effectué et celle qui représentait l’impôt dû au gouvernement. Il n’en était pas ainsi dans les provinces où le droit sur la mouture avait été introduit comme une des conséquences de leur annexion au royaume d’Italie : là cet impôt était réellement impopulaire. Les provinces napolitaines, habituées à ne payer que 6 francs d’impôts par tête sous le gouvernement des Bourbons et dont les taxes avaient plus que quadruplé, mettaient le droit sur la mouture au premier rang de leurs griefs contre le nouveau régime; mais c’était en Sicile que les plaintes les plus vives se faisaient entendre. Pour les députés siciliens, le droit sur la mouture était un des principaux prétextes de l’opposition systématique qu’ils faisaient à tous les ministères quels qu’ils fussent, à ceux de gauche comme à ceux de droite. On pouvait donc considérer cet impôt comme une cause permanente de désaffection au sein des nouvelles provinces : c’était, dans tous les cas, une arme redoutable que les républicains et les partisans des dynasties déchues s’accordaient à employer contre le gouvernement et qu’il importait d’enlever à ces ennemis de la nouvelle monarchie.

On se trouvait en face d’un obstacle sérieux et que nombre de gens regardaient comme insurmontable : cet impôt produisait plus de 80 millions par an, soit un dixième des recettes ordinaires; les financiers prudens faisaient remarquer que ce produit s’accroissait aussi régulièrement que les autres recettes du trésor, et ils en tiraient cette double conclusion qu’il n’avait rien d’excessif et qu’il entrait peu à peu dans les habitudes des populations. A leur avis, toute hostilité cesserait avec le temps, et il fallait y regarder à deux fois avant de sacrifier un revenu considérable qu’on ne saurait comment remplacer. Non-seulement ces considérations, qui avaient pour interprètes, dans les deux chambres, des hommes investis d’une légitime autorité étaient de nature à foire hésiter le parlement, mais le problème à résoudre se compliquait d’une autre difficulté. Les principales administrations ne pouvaient demeurer plus longtemps dans l’état d’indigence où on les laissait depuis dix ans ; le service public et même le revenu en souffraient; il fallait accroître le personnel et aussi améliorer sa situation, ne fût-ce que pour se mettre à l’abri de la négligence et de la corruption. Loin de songer à sacrifier aucune recette, on devait donc prévoir d’indispensables augmentations de dépenses ; mais, indépendamment des justes demandes de toutes les administrations, il était une dépense bien plus considérable que la politique imposait : c’était le développement des voies ferrées. Entrepris par les gouvernemens déchus, les chemins de fer italiens avaient été étudiés au point de vue des intérêts régionaux : aucune vue d’ensemble n’avait présidé à leur établissement. Des soudures, exécutées à la hâte, avaient relié les uns aux autres ces petits réseaux ; mais la Lombardie était la seule partie du royaume qui fût convenablement desservie, et les villes les plus importantes ne communiquaient avec Rome que par des voies tortueuses et au prix de longs détours. L’exécution de nombreuses voies ferrées était donc indispensable pour que l’action du pouvoir central pût s’exercer sur tous les points avec une égale rapidité et une égale efficacité : c’était le seul moyen de lutter contre la persistance des tendances particularistes et de rendre sensible l’unité de la monarchie. Cette considération primait toutes les autres ; car si les nouveaux chemins de fer pouvaient aider à développer la prospérité de quelques provinces, on ne pouvait, d’autre part, se dissimuler qu’ils mettraient en péril une des branches les plus importantes de l’activité nationale. La plupart des villes importantes d’Italie sont situées sur les côtes ou à peu de distance de la mer; c’était par cette voie qu’elles expédiaient leurs produits et qu’elles recevaient ceux de l’étranger, la construction de chemins de fer parallèles aux côtes, qui a porté en France un coup mortel au cabotage, ne pouvait manquer d’avoir les mêmes effets en Italie; elle y a ruiné la navigation, jusque-là très florissante.

L’importance de la dépense, l’incertitude du produit, l’expérience malheureuse qu’on avait faite de l’intervention de l’industrie privée : tout concourait à imposer à l’état la construction des nouveaux chemins. On pouvait, à bon droit, se montrer effrayé de la dépense. La configuration de la péninsule entraînait l’établissement de chemins d’une très longue étendue; les lignes parallèles aux côtes avaient à couper d’innombrables vallées; les lignes transversales avaient à traverser des chaînes de montagnes qui ne pouvaient être franchies qu’au prix de travaux fort difficiles et dispendieux : le seul transport des matériaux, dans un pays dépourvu de routes, entraînait une dépense considérable. On devait donc calculer sur un prix kilométrique très élevé, et ce prix, multiplié par le nombre de kilomètres à construire, représentait des centaines de millions. Où les trouver avec un budget péniblement ramené à l’équilibre et lorsqu’on semblait avoir épuisé toutes les ressources de la fiscalité pour grossir le revenu public? Cependant, l’intérêt politique exigeait impérieusement que cette œuvre s’accomplît. On ne pouvait laisser Rome isolée au milieu de ce royaume dont on voulait qu’elle devînt la capitale effective ; on ne pouvait davantage s’exposer au mécontentement des provinces qui se plaignaient déjà que le nouveau gouvernement fût plus impuissant pour le bien que ceux qu’il avait remplacés. Il fallait donc résoudre cette question des chemins de fer avant de songer à aucune réforme financière. On commença par dresser un tableau d’ensemble de toutes les lignes dont la construction était nécessaire pour compléter le réseau national et donner à toutes les provinces une égale satisfaction. Il fut décidé que l’exécution de ce vaste programme, qui devait coûter près d’un milliard, serait répartie sur dix années. Les lignes furent divisées en deux classes, suivant leur degré d’importance; et il fut spécifié que, pour les lignes de la première catégorie, les provinces supporteraient un dixième des dépenses de construction et un cinquième pour celles de la seconde. L’empressement des provinces à voter ce concours financier et celui des villes à offrir des subventions devaient être des motifs déterminans pour fixer l’ordre dans lequel les lignes seraient entreprises. Quant à la part de dépense qui devait demeurer à la charge de l’état, bien qu’elle fût limitée au chiffre maximum de 60 millions par an, il était impossible de songer à y faire face avec les maigres excédens du budget; mais cette dépense ne pouvait pas non plus être assimilée aux autres charges budgétaires : elle n’était pas irrécouvrable. Elle avait, au contraire, pour résultat certain et même immédiat d’accroître le domaine public et de mettre aux mains de l’état une propriété qui, soit qu’il l’exploitât lui-même, soit qu’il en affermât l’exploitation, deviendrait une nouvelle source de revenu. Le capital consacré aux chemins de fer recevrait donc tôt ou tard sa rémunération : il tenait donc de la nature d’un placement plutôt que d’une dépense. Pourquoi l’état ne suivrait-il point l’exemple des particuliers qui empruntent pour améliorer leur domaine et comptent sur l’augmentation de leur revenu pour l’amortissement de leurs emprunts? N’était-il pas juste, d’ailleurs, de faire participer l’avenir à des sacrifices dont il recueillerait le profit tout entier? La construction des nouvelles voies ferrées a donc été classée au premier rang des dépenses extraordinaires, et il y est pourvu, chaque année, par rémission de rentes 5 pour 100 jusqu’à concurrence du capital nécessaire : il est pourvu aux autres travaux d’utilité publique, classés comme travaux extraordinaires, par l’émission d’obligations à terme, gagées sur les biens ecclésiastiques et remboursables sur le produit de la vente de ces biens. On ne peut évaluer à moins de 80 ou 90 millions le capital annuellement employé à ces travaux neufs et à la construction des chemins de fer ; mais les charges du budget n’en ont point été sensiblement accrues, à cause de l’importance des amortissemens qui s’effectuent chaque année sur les dettes antérieures et compensent les créations de dettes nouvelles.


II.

La question des chemins de fer résolue par un expédient qui peut donner prise à la critique, mais qui paraîtra bien timide en face des plans de M. de Freycinet et de nos énormes émissions de rentes amortissables, le gouvernement italien put s’occuper de l’abolition du droit sur la mouture. La situation financière s’améliorait lentement, mais d’une façon continue. En 1876, les recettes ordinaires avaient dépassé les dépenses ordinaires de 79,932,000 livres, ce qui avait permis de couvrir le déficit de 59,486,000 présenté par le budget extraordinaire, en laissant un excédent définitif de 20,446,000 livres, qui fut appliqué à la construction des chemins de fer. L’exercice 1877, bien qu’ayant à faire face à un accroissement notable de dépenses tant ordinaires qu’extraordinaires pour l’armée, donna un excédent de 23 millions, sur lesquels 10 furent appliqués à éteindre des dettes qui auraient dû être acquittées par des aliénations de biens domaniaux, et 13 furent affectés aux travaux de chemins de fer. Enfin 1878 donna un excédent des recettes ordinaires sur les dépenses ordinaires de 102,496,000 livres qui couvrit le déficit de 87,950,000 présenté par le budget extraordinaire, en laissant un excédent définitif de 14,546,000 livres qui fut employé partie en amortissemens, partie en travaux, et partie à compenser des créances douteuses ou irrécouvrables, qu’on fit disparaître de l’actif du trésor.

On remarquera le progrès constant qu’accusent les recettes ordinaires, tandis que les dépenses ordinaires sont maintenues stationnaires. Ce progrès était dû, pour la plus grande part, aux sacrifices que le gouvernement avait le courage de demander au pays pour relever la fortune publique et que le patriotisme des chambres savait accepter. L’importance du but à atteindre était si manifeste qu’elle imposait silence à l’esprit de parti. Les adversaires des ministres ne cherchaient point à acquérir, en combattant les projets d’impôts, une popularité de mauvais aloi. Un tel désintéressement est assez rare pour qu’on ne marchande pas aux hommes d’état italiens les louanges que mérite leur conduite. Quelques chiffres, donneront une idée des charges nouvelles imposées à la nation italienne. Une loi du 6 janvier 1877 ordonna un recensement général des immeubles bâtis afin de réviser l’assiette de la taxe à laquelle ils étaient soumis, et produisit une augmentation permanente de recettes de 7 millions et demi. Une loi du 20 juin de la même année établit sur les fabriques et les raffineries de sucre un impôt qui donna une nouvelle recette de 16 millions. Une loi du 30 mai 1878 approuva un nouveau tarif de douane établi en vue d’accroître le produit des droits d’entrée de plus de 4 millions et demi et qui servit de base à de nouvelles conventions commerciales avec l’Autriche, la France et la Suisse. Enfin, le 15 avril 1879, le prix des tabacs fut notablement élevé en vue d’obtenir une augmentation de recettes de 24 millions. Voici donc, pour ne prendre que les mesures les plus importantes, 52 millions ajoutés aux charges permanentes des contribuables ; mais il convient d’en déduire environ 10 millions pour le dégrèvement accordé à trois cent mille petits contribuables déchargés de l’impôt sur la richesse mobilière, pour l’abolition d’un certain nombre de droits de sortie au grand avantage de la production nationale, et enfin pour la suppression de toutes les taxes sur la navigation intérieure.

Ces 42 millions de ressources nouvelles, s’ajoutant à l’accroissement annuel des recettes, ne pouvaient manquer d’améliorer la situation financière ; aussi la chambre s’était-elle préoccupée d’assurer aux contribuables une compensation des charges qu’elle leur imposait, et par un ordre du jour, en date du 7 juillet 1878, elle avait imposé au gouvernement l’obligation, que celui-ci avait acceptée, de mettre à l’étude la suppression du droit sur la mouture. Le ministre des finances se prépara à remplir cet engagement et il en comprit l’accomplissement dans les prévisions du budget de 1879. L’impôt avait produit, en 1878, 83 millions, soit 2 millions de plus que l’année précédente; mais, comme les frais de perception s’élevaient à 8 millions, c’était une recette nette de 75 millions qu’il s’agissait d’abandonner. On ne pouvait songer à faire un pareil sacrifice d’une seule fois. M. Magliani proposa de le répartir sur quatre exercices. Les grains dits inférieurs, qui entrent dans l’alimentation du peuple ou servent à certaines industries, le maïs, le seigle, l’orge, l’avoine, devaient être complètement affranchis à partir du 1er juillet 1879 ; le droit sur le froment devait être réduit de 25 pour 100 à partir de la même époque et du 1er janvier de chacune des trois années suivantes; l’exercice 1883 eût été le premier à supporter la perte totale des 75 millions produits par l’impôt.

Non-seulement il fallait combler le vide que l’abandon de 75 millions de recettes devait faire dans le trésor italien, mais il était nécessaire de pourvoir aux augmentations de dépenses qui devaient résulter des améliorations à introduire dans les divers services publics, et d’une nouvelle loi sur les chemins de fer dont le parlement était saisi et qui avait pour objet le classement et la construction de lignes complémentaires. Le ministre des finances était donc contraint d’étendre son regard au-delà de l’exercice en cours ; il était dans l’obligation de démontrer que la réforme qu’il proposait ne détruirait l’équilibre du budget ni en 1879, ni dans les années suivantes. Il lui fallait donc tenir compte, année par année, des dépenses nouvelles que devaient entraîner des lois déjà votées ou soumises au parlement, et comme il était le premier à reconnaître l’impossibilité de réduire les crédits, déjà trop restreints, accordés aux divers services publics, force lui était de demander des augmentations d’impôts assez considérables. Indépendamment de l’élévation déjà votée du prix de vente des tabacs, M. Magliani, dans son exposé financier du 16 mai 1879, proposait d’augmenter les droits d’entrée sur les sucres bruts et raffinés et de porter de 30 francs à 60 francs par hectolitre les droits sur les spiritueux. La première de ces deux mesures devait lui procurer 11 millions, et la seconde 8. Il comptait obtenir 4 millions et demi au moyen d’une légère augmentation des droits d’entrée sur les cafés, le poivre, la cannelle et le pétrole, et il attendait 3 millions d’un remaniement des droits de timbre et d’enregistrement. La révision des tarifs d’octroi, dont le produit devait être partagé, dans une certaine mesure, entre l’état et les villes, devait fournir un supplément de recettes de 6 millions; enfin une série de menues taxes sur les cartes à jouer, les permis de chasse, les ports d’armes, les places dans les théâtres, les autorisations ministérielles, et la suppression de quelques immunités et de quelques exemptions d’impôts devaient donner encore 4 millions. L’administration évaluait donc à 36 millions et demi les recettes nouvelles qui résulteraient de l’adoption de ces propositions ; mais le ministre, par prudence, ne les faisait figurer dans ses calculs que pour 30millions. Avec cette addition au revenu public et quelques économies qu’il attendait de la réduction de la dette flottante et du taux plus élevé auquel se placeraient les rentes à émettre pour la construction des chemins de fer, M. Magliani se faisait fort de mener à bonne fin la suppression du droit sur la mouture.

Le tableau que le ministre traçait des progrès accomplis par l’Italie et le programme de réformes financières qu’il esquissait étaient de nature à frapper l’attention du parlement. Les déficits budgétaires avaient pris fin et M. Magliani exprimait la confiance, que l’événement a justifiée, qu’ils ne se renouvelleraient plus : les recettes croissaient, lentement encore, mais avec régularité et sans interruption, les créations de dettes nouvelles étaient compensées par les extinctions de dettes anciennes d’un service plus onéreux, en sorte que la charge définitive allait diminuant; enfin, le capital que procuraient ces dettes nouvelles était consacré à des dépenses reproductives, à la construction de chemins de fer et de routes destinés à procurer un revenu à l’état, soit directement, soit indirectement à raison du développement qu’en recevrait la fortune publique dont les progrès se traduiraient nécessairement par un accroissement dans le produit des impôts, a Ainsi donc, disait le ministre, aux applaudissemens de la chambre des députés, tandis que, d’une part, nous allégeons les charges du budget, de l’autre nous améliorons sensiblement la situation générale du pays. Je crois donc que nous faisons une œuvre avantageuse non-seulement au point de vue économique, mais aussi au point de vue financier. » Quel était le devoir qui découlait pour le gouvernement de cette amélioration de la situation financière ? « N’est-il pas raisonnable, disait M. Magliani, de nous demander, en présence de cette situation, quelle doit être désormais notre politique financière, quelle est celle qui peut le mieux assurer le développement des intérêts économiques du pays? Maintenant que l’équilibre du budget est obtenu, le pays réclame un système fiscal qui pèse moins durement sur les populations et crée moins de difficultés à la production et au travail : il demande que les impôts soient répartis avec une proportionnalité plus équitable et qu’on inaugure une transformation raisonnée qui, sans compromettre le budget, permette l’abolition des taxes qui grèvent les substances alimentaires les plus indispensables à la vie, ou qui apportent des entraves à l’industrie et au travail national. » Au premier rang des impôts à faire disparaître le ministre plaçait tout naturellement les droits sur la mouture, dont la suppression était un devoir d’équité pour le gouvernement et un engagement d’honneur pour le ministère après les promesses qu’il avait faites et après le vote du 7 juillet 1878. Il démontrait que ces droits étaient un véritable impôt de capitation et un impôt progressif à rebours, parce qu’il atteignait le pauvre en raison de sa misère. Il contestait que les ouvriers en obtinssent la compensation sous la forme d’une augmentation de leur salaire, et il faisait valoir la situation des millions de pauvres, de paysans, de petits employés et de petits rentiers dont le revenu demeurait invariable. L’impôt avait pour effet de rendre le pain plus cher en Italie que partout ailleurs, et, dans un pays qui avait besoin de travailler et de produire, il était indispensable que le pain fût à bon marché. « Je soutiens, disait-il en terminant cette argumentation, que l’abolition de cet impôt fera gagner à l’ouvrier l’équivalent du salaire de huit à quinze jours, je soutiens que les autres consommations en seront accrues, que le travail augmentera, que de nouvelles matières imposables se produiront, et que de cet ensemble de faits découleront des conséquences certainement favorables pour l’état, parce que l’amélioration de la situation économique tourne toujours à l’avantage des finances nationales. J’en conclus que l’abolition du droit sur la mouture n’est pas seulement un acte de justice, mais aussi un acte de sage économie. »

Malgré les applaudissemens qui accueillirent ces paroles, M. Magliani n’eut point gain de cause. La chambre des députés pouvait se croire liée par ses votes antérieurs ; le 28 mars précédent, elle avait par un vote formel approuvé le programme financier du ministère et confirmé l’ordre du jour du 7 juillet 1878, qui avait condamné le droit sur la mouture. Néanmoins le nombre et l’importance des nouveaux impôts qu’il fallait établir n’étaient pas sans inquiéter les députés pour leur popularité personnelle; et le ministre, avec autant de franchise que de fermeté, ne leur laissait aucune illusion et ne leur offrait aucune issue. « C’est un devoir, disait-il, de revenir à la règle ancienne, un peu oubliée depuis quelque temps, que toutes les fois qu’une augmentation de dépenses est présentée à l’approbation de la chambre et que le budget n’offre pas le moyen d’y faire face, il convient de la compenser par une économie équivalente ou par une recette nouvelle, afin que cette dépense ne puisse jamais porter atteinte à l’équilibre du budget, qui est obligatoire. » Rien ne pouvait être plus sage et plus conforme au devoir d’un véritable ministre des finances que le principe si nettement posé par M. Magliani; et cependant le seul énoncé de cette règle rigoureuse, bien que salutaire, produisit une vive émotion au sein de la chambre. Quant au sénat, dont la liberté d’appréciation était entière, les adversaires du projet de loi y étaient plus nombreux qu’au sein de la chambre.

On y objecta au ministre des finances que l’année 1878 n’avait pas été bonne, que beaucoup d’industries avaient souffert et s’en ressentaient encore; que la récolte de 1879 s’annonçait mal et qu’il était à craindre que le progrès des recettes du trésor ne s’arrêtât et même ne fît place à un recul. On contesta l’exactitude de ses calculs, bien qu’il les eût appuyés sur les considérations les plus probantes et qu’il en eût mis tous les élémens sous les yeux des chambres à l’aide de tableaux dressés avec autant d’intelligence que de clarté. On lui reprocha surtout de n’avoir pas tenu un compte suffisant des augmentations de crédits qu’il était indispensable de prévoir. Pour ménager les finances, on n’avait point renouvelé les approvisionnemens de munitions dans les arsenaux, on

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1881.