Traduction par Victor Courdaveaux.
Didier (p. 119-120).

CHAPITRE III




Sur ceux qui recommandent quelqu’un aux philosophes.

Diogène eut raison de dire à quelqu’un qui lui demandait des lettres de recommandation : Rien qu’en te voyant, il saura que tu es un homme. En es-tu un bon ? En es-tu un méchant ? Il le saura, s’il a le talent de distinguer les bons et les méchants. S’il n’a pas ce talent, il ne le saura pas, alors même que je le lui écrirais mille fois. Tu ressembles à une drachme qui demanderait qu’on la recommandât à quelqu’un pour qu’il l’appréciât. « S’il se connaît en monnaies, lui dirait-on, il reconnaîtra ta valeur ; car tu te recommandes par toi-même. » Nous devrions avoir dans les choses de la vie un moyen d’apprécier les gens, à l’instar de la monnaie ; nous pourrions alors dire comme celui qui se connaît à la monnaie : « Apporte-moi quelle drachme tu voudras, et je jugerai ce qu’elle vaut. » Quand il s’agit de syllogismes aussi, je dis : « Apporte-moi quel homme tu voudras, et je verrai bien s’il sait les analyser. » Pourquoi ? C’est que je sais analyser les syllogismes, et que par conséquent j’ai les connaissances qu’il faut avoir pour reconnaître les gens qui s’y entendent. Mais dans les choses de la vie, qu’est-ce que je fais ? Je dis d’un même homme tantôt qu’il est bon, tantôt qu’il est mauvais. Et d’où cela vient-il ? C’est que, contrairement à ce qui se passe pour les syllogismes, je manque ici de savoir et d’expérience.