Librairie Plon (1p. 232-233).


XIV


Cependant la demoiselle du Lac, menant en laisse ceux que chacun tenait pour des lévriers, gagnait un bois proche où elle avait laissé ses écuyers. Et quand ceux-ci la virent revenir blessée au visage, ils furent bien ébahis. Ils la pansèrent d’un simple linge, comme elle le leur commanda. Puis elle plaça le lévrier Lionel sur son palefroi, devant elle ; un de ses gens se chargea de Bohor ; et la petite troupe chevaucha à grande allure, par les plus droits chemins. Elle ne s’arrêta qu’à la nuit pour héberger. Alors Saraide défit son enchantement : en voyant paraître deux beaux enfants à la place des chiens, ses gens n’en pouvaient croire leurs yeux.

— N’avons-nous pas pris un bon gibier ? leur demanda-t-elle.

— Certes la proie est bonne et belle ! Mais qui sont ces beaux enfants ?

Elle ne voulut point le leur apprendre. Et si Lionel et Bohor furent choyés cette nuit-là, on le laisse à penser.

— N’ayez crainte, mes enfants, leur disait Saraide : vos maîtres n’auront point de mal, et ils seront bientôt auprès de vous.

Mais, à la vérité, du moment qu’elle tenait les fils de roi, peu lui souciait du reste.

Au matin, elle se remit en route avec ses gens, et, après avoir longtemps chevauché, elle parvint enfin au Lac. Et lorsque la Dame vit les enfants de Bohor, elle fut plus joyeuse qu’on ne saurait dire. Quant à Lancelot, il ne tarda pas à les préférer à tous ses compagnons, bien qu’il ignorât qu’ils fussent ses parents ; et, dès le premier jour, les trois cousins germains mangèrent à la même écuelle et reposèrent dans le même lit.