Le Sylphe (Sburatorul) (première édition 1853)
Traduction par J.-E. Voïnesco.
Les DoïnasJoël CherbuliezLittérature roumaine (p. 60-61).




XV

LE SYLPHE

(SBURATORUL)


« Ma petite sœur bien-aimée, ne connais-tu pas cette chanson du pays qui dit qu’à l’heure où les rayons du jour se retirent à travers les feuilles, le sylphe se jette à la poursuite des jeunes filles qui viennent cueillir des fraises dans le bois et qui portent comme toi des fleurs sur leur sein ?

« Ce charmant lutin de sa main invisible leur vole les fraises, puis il les embrasse et les mord légèrement sur le front et sur la bouche. Ma sœur, ta lèvre est mordue ; ma sœur, où sont les fraises que tu as cueillies ! Dis, n’aurais-tu point rencontré le sylphe au fond du bois sombre ?

— Ma petite sœur bien-aimée, la chanson du pays ajoute que le sylphe aime également à lutiner dans l’ombre épaisse les jeunes filles innocentes et blanches qui viennent cueillir des violettes dans le bois, et qui portent sur la gorge, ainsi que toi, de beaux colliers de perles.

« Ce charmant lutin leur brise les colliers dans son badinage caressant, et à la place de chaque perle il dépose un doux baiser. Ma sœur, ton collier est brisé ; ma sœur, où sont tes perles ? Dis, n’aurais-tu point rencontré le sylphe au sein du bois sombre ? »

Ainsi les deux jeunes et jolies filles se taquinaient en courant gaiement sur le même sentier, tandis qu’à la lisière du bois, deux jeunes gens aux cheveux noirs attachaient fièrement, l’un un bouquet de fleurs à son chapeau, l’autre un collier de perles à sa ceinture.