Les Dieux antiques/Thésée
THÉSÉE, MYTHE GREC ET LATIN.
(Grec : Théseus.)
hésée est le grand héros d’Athènes,
correspondant (nous l’avons
vu) à Persée d’Argos et à Œdipe
de Thèbes. Son père est Œgée et
sa mère est Ætra, l’air pur. Adolescent,
il vécut à Trézènes, où il dut rester
jusqu’à ce qu’il fût capable de soulever
une grosse pierre : dessous, Œgée avait
placé son épée et ses sandales. Vous
reconnaissez en ces sandales celles
d’Hermès ; l’épée est l’arme d’Apollon
Chrysaor, et correspond aux flèches de
Phoïbos et d’Odyssée et à la lance d’Achille. La manière
dont Thésée les doit gagner se retrouve dans plusieurs
autres histoires : en le conte d’Héraclès et d’Échidna, et
dans la légende qui, plus tard, devint le Lai des Nibelungen
ou enfants de la brume (le Nibelungenlied). Odin,
enfonçant jusqu’à la poignée dans un tronc de chêne
l’épée Gram, la laisse à l’homme qui pourra l’en retirer : c’est Sigmund qui l’en retire ; et plus tard, lorsqu’elle est
cassée, Régin, l’artisan, qui correspond à Héphaïstos,
le Vulcain latin, la forge de nouveau pour Sigurd.
Cette épée gagnée par lui et par nous reconnue, suivons
les exploits qu’accomplit Thésée : il tue le géant Périphètes
(fig. 135), le voleur Sinnis, la truie de Crommyon ;
et le cruel Procuste, qui torturait ses victimes en étirant
Fig. 135. — Thésée tue Périphètes.
leurs membres jusqu’à ce que mort s’ensuivît. Tant de
hauts faits ne servirent pas à exempter ce héros de labeurs
ultérieurs. Comme Persée et Héraclès, Thésée est voué
à une vie de peines ; et d’Athènes il fut envoyé pour tuer
le monstre, avec le vaisseau qui portait au Minotaure un
tribut d’enfants à dévorer. Cette bête chimérique avait la
forme d’un taureau, qu’on disait né de Pasiphaé, la femme
de Minos. Explication simple : le nom de Pasiphaé désigne
« quelqu’un qui donne la lumière à tous » ; et le taureau,
dans les hymnes védiques les plus vieux, est toujours
mentionné conjointement avec le soleil et le char d’Indra et de Dahana. Europe aussi est née en mer sur un
taureau sans tache et blanc. La déviation de l’idée a sa
cause dans l’oubli de ceci, que Pasiphaé, comme Téléphassa
et Argynnis, était simplement un nom pour : le Matin.
Fig. 136. — Thésée et le Minotaure, bas-relief.
Le Minotaure avait sa demeure dans le labyrinthe de
Crête, Qu’est-ce que ce labyrinthe ? Le même lieu que la
chambre nuptiale qu’Odyssée a, de ses mains, faite pour
Pénélope : il reparaît aussi dans le méandre des jardins
hyperboréens, que le Soleil dispose pour sa fiancée,
l’Aurore. Avec l’aide d’Ariane, fille de Minos, le héros
enfin tua le Minotaure, tout juste comme avec l’aide de Médée, Jason tua les taureaux soufflant des flammes de
Colchide (fig. 136). Sachons ce qu’il advint d’Ariane. Thésée
l’emmena avec lui dans la lointaine Naxos, et la délaissa
(fig. 137). Mais Dionysos vint, en fit sa femme et
plaça sa demeure dans la constellation qui s’appelle la
Chevelure d’Ariane. Médée, de son côté, fut, elle aussi,
délaissée comme Ariane : Jason la quitta pour épouser
Fig. 137. — Ariane.
Glaucé, fille du roi Créon. Toujours, n’est-ce pas ? l’abandon
d’Iole par Héraclès, d’Œnone par Pâris et de Brunehilde
par Sigurd ; et qui ne veut dire autre chose sinon
que le soleil ne peut pas s’attarder dans l’Est avec l’aurore.
Mais d’autres accidents attendent Thésée. Comme
d’Œdipe et de Persée, on dit de lui qu’il fut la cause
involontaire de la mort de son père, en négligeant de
descendre la voile noire qui ne devait être déployée que
pour le voyage en Crète. Aussi : qu’il prit part à la chasse du sanglier de Calydon et au voyage des Argonautes, et
a ramené Perséphone de l’Hadès.
À Athènes on regardait ce héros comme le fondateur de l’État. Thésée passe en effet pour avoir réuni tous les territoires (ou dèmes) de l’Attique en un seul État, avec Athènes pour cité. Mais, de fait, les Athéniens, voyant en lui un homme, firent petit à petit sortir de son existence mythique une vie réelle ou pareille à celle des hommes, laissant de côté toute histoire merveilleuse. Quelques mythographes même dirent que le tueur du Minotaure n’était pas le même que le fondateur de la république athénienne : mais ils n’avaient pas plus de motifs de s’exprimer ainsi, que n’en eurent d’autres de dépouiller l’histoire de Thésée, fils d’Æthra, de tous ses incidents miraculeux.