Tallandier (p. 93-107).


CHAPITRE VII


Cyprien montait lentement l’escalier de son logis. Son pas était plus lourd qu’à l’ordinaire, une grande préoccupation barrait son front d’un pli profond, et ses lèvres n’avaient pas aujourd’hui le gai sifflotement habituel.

Il sourit cependant à Micheline qui l’attendait au seuil du petit logement, le bébé sur les bras.

— Eh bien ? interrogea la jeune femme.

— Eh bien ! ça y est, ma pauvre Micheline ! C’est la grève, par conséquent la misère.

Une désolation profonde emplit les grands yeux bleus de Micheline. Silencieusement, elle rentra dans la chambre, posa le bébé dans un berceau, puis revint vers son mari qui s’était assis près de la table garnie d’un couvert soigné.

— Alors, tous sont pour la grève ?

— Non, il y en a quelques-uns qui n’en veulent pas. Aussi, demain, irons-nous comme d’habitude au travail.

Une expression d’effroi parut sur la physionomie de Micheline.

— Oh ! si les autres veulent vous en empêcher, ils vous maltraiteront, vous blesseront peut-être…

Cyprien prit la main de sa femme et la serra doucement entre les siennes.

— Mais non, mais non, ils ne sont pas si méchants que ça. Et nous voulons garder notre liberté, nous autres. Qu’ils fassent grève si ça leur plaît, pour obéir aux Louviers et autres coquins, mais nous n’avons pas du tout envie de les imiter. Car c’est ce Prosper qui les a excités, les malheureux, par ses discours incendiaires, par ses articles publiés dans l’Espoir des peuples. Le misérable !… Tiens ! n’en parlons plus, il me fait bouillir le sang dans les veines ! Sers-nous vite la soupe, Micheline, j’ai très faim.

Malgré cette assertion, Cyprien ne fit pas montre de l’appétit accoutumé, et son entrain forcé ne dissimulait qu’avec peine sa préoccupation.

Ni lui ni Micheline ne fermèrent guère l’œil de la nuit. Une sourde inquiétude tourmentait la jeune femme, malgré tous ses efforts pour la calmer. Quant à Cyprien, il se demandait avec quelque anxiété comment se passerait la journée du lendemain, car il n’avait pas dit à sa femme que les grévistes avaient déclaré vouloir empêcher par tous les moyens leurs camarades de travailler. Et ces hommes, excités par l’alcool et par les encouragements des agitateurs, étaient réellement capables de tout.

Au matin, Cyprien partit à l’heure accoutumée. Comme d’habitude, il embrassa Micheline. Des larmes vinrent aux yeux de la jeune femme, et elle murmura en lui saisissant la main :

— Reste aujourd’hui, ce n’est pas prudent !

— Allons donc, petite peureuse ! dit-il avec un sourire forcé. Il ferait beau voir que j’abandonne les camarades ! Tu ne le voudrais pas, dis ?

— Non, c’est vrai, dit-elle en se raidissant un peu pour dominer son angoisse. Fais ton devoir, mon Cyprien !

Elle pencha un instant sa tête sur son épaule, et il l’embrassa de nouveau, longuement. Puis il s’éloigna, les yeux humides, la gorge serrée par une émotion douloureuse.

Dominant courageusement son angoisse, Micheline s’occupa de ses enfants, de son petit ménage. Vers dix heures, elle vit arriver Mlle Césarine qui lui apportait un remède pour le petit Lucien, son second fils, dont la vue était un peu faible. Micheline lui fit part de ses inquiétudes, et l’excellente vieille fille, pour l’en distraire, s’attarda près d’elle, l’aidant dans sa tâche de ménagère.

Vers onze heures, un pas s’arrêta sur le petit palier. Micheline murmura avec un soupir de soulagement :

— Le voilà, sans doute.

Mais non, ce n’était pas lui, car on frappait à la porte.

Micheline alla ouvrir, elle se trouva en face d’un ouvrier aux vêtements déchirés, au visage contusionné.

— Monsieur Pierret !… Qu’y a-t-il ? s’écria-t-elle avec terreur.

— Madame, Mariey, c’est votre mari… il est blessé !…

— Blessé !… Où est-il ?

Et ses mains se crispaient sur le bras de l’ouvrier.

— À l’hôpital Beaujon, madame Mariey. Allons, ne vous effrayez pas trop, il faut espérer qu’il en reviendra.

Micheline tourna vers Mlle Césarine son visage tout à coup décomposé, elle dit d’une voix un peu rauque :

— Je vais là-bas. Est-ce que vous pourrez vous occuper des enfants ?

— Oui, oui, ne vous inquiétez de rien, ma pauvre petite fille ! Allez, allez, mon enfant ! dit Mlle Césarine en lui pressant les mains, tandis que des larmes coulaient sur ses joues flétries à la vue de la douleur peinte sur la physionomie de la jeune femme.

Dans son lit d’hôpital, Cyprien était étendu, la tête bandée, les yeux clos. Un interne venait de s’arrêter près de lui, et échangeait avec l’infirmière un regard qui disait clairement : il n’y a rien à faire.

Quelqu’un s’approchait… une jeune femme modestement vêtue, pâle, le regard angoissé. Elle s’arrêta devant le blessé ; ses yeux pleins d’effroi et de douleur se posèrent sur le visage livide. Et, se penchant, elle appuya ses lèvres sur une des mains de Cyprien.

Il tressaillit et ouvrit les yeux. Une joie inexprimable passa dans son regard et sa voix faible murmura :

— Oh ! c’est toi, Micheline !

— Oui, c’est moi, mon Cyprien. Oh ! comme j’avais raison ce matin ! Mais tu vas guérir vite, tu reviendras bientôt avec nous.

— Non, c’est fini, vois-tu. Il vaut mieux envisager la chose courageusement. J’ai demandé l’aumônier, il va venir dans un moment…

— Cyprien !… Oh ! Cyprien ! murmura-t-elle dans un sanglot.

Une crispation de douleur passa sur le visage de l’ouvrier.

— Sois forte, ma chérie. Vois-tu, je suis bien heureux, puisque, je meurs en chrétien. Ceux qu’il faut plaindre, ce sont les malheureux égarés par ces misérables et révoltés contre Dieu. Tu feras de nos enfants de bons chrétiens et de bons Français, tu les élèveras dans le respect de l’autorité, tant que celle-ci est juste et ne blesse pas les droits de la conscience. Mets-leur dans le cœur l’horreur des doctrines nouvelles, répète-leur que ce sont elles qui ont causé la mort de leur père. Je pardonne à ceux qui m’ont frappé, à ceux, bien plus coupables, qui les ont excités… à Prosper, l’un d’eux. J’aurais aimé à voir M. de Mollens, mais je pense qu’il n’arriverait pas à temps. Tu lui diras comme je l’ai aimé, combien je le remercie… Et puis, donne pour moi un souvenir à tous ceux que j’ai connus… Toi, je t’ai toujours aimée plus que tout, après Dieu…

Il s’arrêta, étouffé par la faiblesse et l’émotion. Micheline, le front appuyé sur la main de son mari, comprimait la douleur atroce qui l’envahissait.

L’aumônier apparut, et la jeune femme s’éloigna pour quelques instants. Quand elle revint près du lit de Cyprien, l’ouvrier eut encore la force de murmurer :

— Je t’aime tant, ma Micheline !… Au ciel, nous nous reverrons… Je pardonne… à tous.

Cinq minutes plus tard, la belle âme loyale et courageuse de Cyprien Mariey apparaissait au tribunal de son Dieu.

Micheline avait heureusement, en Mme de Mollens et en Mlle Césarine, des amies dévouées qui devaient lui adoucir un peu l’affreux déchirement de cette séparation. La marquise, pendant quinze jours, vint chaque matin la voir, elle l’entoura d’une délicate et affectueuse sympathie que pouvait égaler seulement celle de Mlle Césarine. Et l’âme courageuse de Micheline, dominant son cœur brisé, se remit peu à peu à la vie habituelle, si morne, si douloureuse maintenant que l’entrain joyeux et surtout la tendre affection de Cyprien en avaient disparu pour toujours.

D’ailleurs, Micheline n’avait pas le loisir de s’arrêter longuement sur son chagrin. Maintenant, il lui fallait gagner elle-même la vie de ses enfants. Elle avait donc repris son métier de passementière ; mais, malgré son courageux labeur, la gêne était entrée au logis, où le gain de Cyprien apportait presque l’aisance grâce à l’intelligente économie de la jeune femme.

Mme de Mollens, s’autorisant à son titre de marraine du petit Louis, aidait discrètement Micheline.

— Laissez-moi le plaisir de vous traiter comme une sœur, disait-elle avec sa gracieuse cordialité habituelle. Voyez, votre fils est mon filleul, mon mari est le parrain de votre petite Suzanne. Ce sont des liens très forts, de vrais liens de parenté.

Micheline la remerciait avec une reconnaissance émue et bénissait Dieu qui lui donnait dans son malheur de tels soutiens.

Mais de nouvelles inquiétudes surgissaient. Lucien et Suzanne, le bébé, restaient faibles et languissants. Le médecin consulté avait dit :

— Il leur faudrait une autre atmosphère que celle de Paris. Au bon air, ils se fortifieraient très vite. Ici, hum !…

Un dimanche, Micheline mit sa robe la meilleure, elle confia ses deux plus jeunes enfants à Mlle Césarine, et, emmenant le petit Louis, elle se dirigea vers l’hôtel de Mollens.

Les domestiques la connaissaient, car, bien qu’elle évitât avec sa discrétion habituelle de déranger la marquise, elle était venue trois ou quatre fois, sur l’invitation de l’aimable jeune femme, et Louis avait joué avec le petit Henry dont l’âge était à peu près le sien.

Elle fut introduite près de Mme de Mollens qui gardait la chambre ce jour-là, étant un peu souffrante. Le marquis faisait la lecture à sa femme, et sur le tapis deux jolis enfants se roulaient joyeusement.

Micheline fut accueillie avec l’affectueuse cordialité dont Mme de Mollens et son mari usaient toujours avec elle. Henry, appelé aussitôt, emmena Louis tout radieux, et la marquise s’informa des nouvelles des plus petits.

— Ils ne vont toujours pas bien, madame. C’est même pour cela que je me suis permis de venir aujourd’hui. J’avais un conseil à vous demander.

— Nous sommes tout à fait à votre disposition, dit M. de Mollens. Et surtout, je vous le répète une fois de plus, ne vous gênez jamais avec nous.

— Merci, monsieur. Oh ! je connais si bien votre bonté. Je sais, par expérience, que je peux compter sur vous. Mon pauvre Cyprien vous aimait tant !

Des larmes jaillirent des yeux de la jeune femme. Mme de Mollens lui pressa doucement la main, tandis que le marquis disait avec émotion :

— Moi aussi, je l’aimais, mon cher Mariey. Aucun des ouvriers que j’ai fréquentés depuis plusieurs années ne m’inspirait une plus profonde estime et une plus grande affection.

— Oui, il était si loyal, si délicat. Enfin, que la volonté de Dieu soit faite ! murmura Micheline en essayant de refouler ses larmes. J’essaye d’être forte et courageuse à cause de mes pauvres petits. Et je venais précisément, à propos d’eux, vous faire part d’une idée qui m’est venue. Vous savez peut-être, monsieur, que le père de Cyprien est mort il y a deux ans ?

— Oui, je me le rappelle. Il était jardinier, je crois ?

— C’est cela, à Meudon. Il vivait là seul, du produit de son travail, dans une petite maison qui lui appartenait, une sorte de petite bicoque très vieille, très incommode, que, lui disparu, Cyprien n’a jamais pu trouver à louer. Puisque l’air de Paris est nuisible aux enfants, j’ai songé à aller m’établir là.

— Mais c’est une très bonne idée, me semble-t-il. N’est-ce pas, René ?

— Très bonne, en effet, pourvu que la maison soit suffisamment logeable.

— Il y a, en tout cas, deux pièces encore en bon état. Je serais ainsi délivrée de la charge du loyer, si lourde pour moi, bien que je l’aie considérablement allégée en quittant notre logement pour la petite chambre près de Mlle Césarine. Là-bas, je pourrai continuer mon travail. Et les enfants seront au bon air, la maison étant entourée de jardins.

— Réellement, je trouve cette idée tout à fait pratique, déclara M. de Mollens. Pour vous-même, ce sera un arrangement parfait, car vous vous anémiez dans cette petite chambre mal aérée, avec ce labeur acharné auquel vous vous livrez. Là-bas, vous aurez au moins l’air et le soleil ; la question du loyer vous laissera en repos. Oui, vraiment, il me semble qu’il n’y a pas à hésiter.

Quand Micheline, une demi-heure plus tard, prit congé de Mme de Mollens et du marquis, le jour commençait à tomber. Bien que l’on fût en décembre, l’air était presque tiède, et la jeune femme, cédant au désir de Louis, prit les voies larges et bien éclairées qui allongeaient un peu le retour.

Elle tenait l’enfant par la main et souriait au récit des amusements variés dont Henry de Mollens avait gratifié son petit camarade.

— Oh ! maman, les belles oranges ! dit tout à coup l’enfant.

Son petit doigt se tendait vers une charrette remplie des fruits d’or.

— Tiens, sais-tu ce que nous allons faire, mon petit Louis ? Achetons-en deux pour Célestin et Martine. Ils seront bien contents, et Mlle Célestine aussi. Ce sera une petite manière de la remercier de toutes ses bontés.

Et la jeune femme s’approcha de la voiture pour choisir les oranges.

Elle avait un court instant lâché la main de Louis. Quand elle voulut la reprendre, elle s’aperçut que l’enfant n’était plus près d’elle. Il n’était pas loin pourtant, elle l’aperçut sur la chaussée. Et, en même temps, elle vit une automobile qui arrivait, ses phares allumés, droit sur l’enfant.

En un bond, elle était près de lui, le saisissait, l’enlevait. Le chauffeur serrait ses freins, la voiture s’arrêtait au moment où elle frôlait la mère et l’enfant.

De l’intérieur, quelqu’un se pencha, une tête d’homme aux traits accusés, à l’élégante barbe noire et frisée. Son regard tomba sur la jeune femme qui venait de se reculer et se trouvait sous la pleine lumière d’un réverbère, ses bras serrant l’enfant contre elle, son pâle visage encore plein d’effroi, d’une beauté saisissante, avec l’expression de tragique angoisse qui remplissait son regard.

L’étranger tressaillit, une émotion soudaine parut sur sa physionomie froide et indifférente.

— Micheline ! murmura-t-il.

Déjà le chauffeur, avec un juron à l’adresse de ces « stupides piétons », remettait l’auto en marche.

— Attendez, Richolle ! dit son maître.

Mais Micheline s’éloignait, son fils toujours serré contre elle. Dans ce visage tourné vers elle, son regard, encore affolé par le danger que venait de courir Louis, avait reconnu Prosper Louviers… Prosper, un des véritables auteurs de la mort de son mari !

— Vous pouvez aller, Richolle ! dit le député en s’enfonçant à l’intérieur.

Une impression singulière venait de s’emparer de lui à la vue de celle qu’il avait aimée, alors qu’il n’était encore que l’ouvrier de Vrinot frères. Son cœur égoïste, dévoré par l’ambition, avait parlé une seule fois pour Micheline Laurent. La jeune passementière avait été son unique amour ; son âme, desséchée par l’impiété et les haineux désirs de bien-être et de domination, avait ressenti un involontaire respect, une émotion, jamais éprouvée depuis, chaque fois qu’il avait rencontré le grave et pur regard de Micheline.

« Elle doit être mariée, songeait-il, tandis que l’auto filait le long du boulevard. Veuve peut-être, car elle était tout en noir. Elle est aussi jolie qu’autrefois, bien que d’une autre manière, autant que j’ai pu en juger si brièvement. »

Il revenait aux souvenirs de jadis, alors qu’il occupait avec Zélie ce pauvre petit logement. Quel chemin parcouru depuis lors ! Non, il ne regrettait pas d’avoir résisté au désir d’épouser alors Micheline. À ce moment, elle aurait entravé son avenir, tandis que le million apporté en dot par la jeune personne laide et inintelligente devenue sa femme l’avait puissamment aidé à acquérir la situation d’aujourd’hui. Mais il songeait maintenant que jamais il n’avait tout à fait oublié Micheline et que cette rencontre réveillait en lui un sentiment qu’il croyait bien éteint.

« Allons, je suis fou ! grommela-t-il en montant l’escalier qui conduisait à son appartement. J’ai bien autre chose à faire que de songer à ce temps passé, le temps où je m’arrangeais pour la croiser dans la cour, sans jamais oser lui parler, sinon pour lui dire : « Bonjour, mademoiselle… Comment va votre mère ? » J’étais fameusement timide, ma foi, devant les airs sérieux de cette petite dévote ! »

Il se mit à rire ironiquement en levant les épaules et introduisit la clé dans la serrure de son appartement.

Un domestique vint au-devant de lui dans l’antichambre bien éclairée et lui enleva son pardessus tout en disant :

— Le courrier de Monsieur vient d’arriver.

Prosper entra dans son cabinet de travail, belle pièce richement meublée. Il s’assit devant son bureau et se mit à décacheter et à lire rapidement les lettres déposées sur un plateau d’argent.

Cela fait, il s’étendit dans son fauteuil et se prit à réfléchir longuement.

« Bah ! je peux toujours écrire à Clouet de s’informer ! murmura-t-il enfin. Je voudrais savoir si elle est veuve. Peut-être a-t-elle épousé Cyprien, il paraissait fort l’apprécier aussi. »

Il attira à lui une feuille de papier et se mit à la couvrir de sa haute écriture aiguë.

Le surlendemain, comme Prosper sortait de table, son domestique vint lui présenter une lettre qu’il saisit vivement et décacheta tout en allant vers son cabinet. Il lut ces mots :


Je vous envoie, citoyen Louviers, les renseignements demandés. Ils m’ont été faciles à obtenir, la personne en question demeurant dans la maison en face de la mienne. Elle a trois petits enfants et est veuve d’un nommé Cyprien Mariey, une espèce de calotin, ouvrier électricien qui s’est fait tuer par les camarades dans la grève de l’année dernière, parce qu’il prétendait travailler quand même…


« Ce misérable Cyprien, qui a essayé de me faire le coup il y a un an, en compagnie de son marquis ! » murmura Prosper d’un ton de ressentiment haineux.

Il acheva de lire les renseignements qui suivaient, puis, posant la lettre sur son bureau, il alluma un cigare et se mit à marcher de long en large dans la pièce.

« Bah ! pourquoi pas ? murmura-t-il tout à coup. Ça ne ferait pas mal que je me remarie, maintenant que Zélie a trouvé l’époux de ses rêves. Et je puis désormais me payer le luxe d’une femme pauvre. Avec ça que j’obtiendrai un effet magnifique près de mes chers électeurs, quand ils sauront que j’épouse une humble ouvrière, et que je me charge en plus de ses trois enfants ! Si ce n’est pas de l’héroïsme pur, ça ! Bonheur et profit, je trouverai ainsi tout en même temps. Et maintenant, je n’aurai plus à me préoccuper de lui faire passer ses idées de dévotion ; je suis arrivé désormais, la chose ne me gênera plus, pourvu qu’elle n’exagère pas. La femme de Dulac va à la messe ; Potrel, le farouche socialiste, laisse faire la première communion à ses enfants. Non, je ne la tracasserai plus pour ça, maintenant, et elle n’aura ainsi aucune raison pour refuser. »