Les Dernières années du maréchal Davoust/01

Les Dernières années du maréchal Davoust
Revue des Deux Mondes3e période, tome 42 (p. 769-789).
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LES
DERNIÈRES ANNÉES
DU
MARÉCHAL DAVOUT


I.

sa vie de famille, ses amitiés et ses haines


Le Maréchal Davout raconté par les siens et par lui-même, par Mme la marquise de Blocqueville. Vol. iii. La Russie et Hambourg. Vol. iv. Un Dernier Commandement, l’Exil et la Mort. Paris, 1880.

Combien elle était sagace, la pratique religieuse de cet ancien qui, toutes les fois qu’il lui arrivait un événement heureux, s’empressait de supplier les dieux de lui envoyer bien vite quelque accident fâcheux qui pût paraître contre-balancer sa fortune propice et conjurer les revanches du mauvais sort ! Rien de plus judicieux que cette prière à quelque point de vue qu’on l’examine. D’abord, sans misanthropie aucune, on peut dire qu’il est bon qu’un homme présente toujours quelque côté où le prochain puisse mordre ; c’est là un fait d’expérience si constant que personne n’y contredira. Un accident fâcheux, pourvu qu’il soit sans trop de gravité, a l’inappréciable avantage de désarmer la malice des ennemis en la satisfaisant. En outre, si tout se paie, comme le disait Napoléon, il faut donc payer son bonheur, et par conséquent, si on peut obtenir de le payer à prix réduit, comme c’était le but de cette prière, la transaction sera de celles dont il y aura lieu de se féliciter. Enfin cette prière révélait que son auteur s’était élevé à la connaissance de cette loi invariable qui veut que les chances heureuses et les chances malheureuses se partagent à peu près également l’existence humaine. Notre ancien redoutait pour cette raison d’épuiser les chances heureuses et essayait de se préserver des malheureuses en leur faisant leur part, ce qui n’était pas si mal raisonner. Si l’alternance des deux séries est inévitable et s’il est vain de vouloir s’y soustraire, il reste à savoir cependant si les effets de la mauvaise ne peuvent pas être combattus ou amoindris. Notre ancien le croyait, tous les grands hommes d’action l’ont cru, et c’est cette conviction qu’exprimait Cromwell, lorsqu’il parlait de ne laisser à la fortune que ce qu’on ne peut lui ôter par prudence, constance et labeur.

Nous n’avons jamais mieux compris peut-être combien cette loi est invariable et combien la lutte contre ses effets, tout inégale qu’elle est, est toujours possible qu’en lisant les deux derniers volumes de la publication que Mme la marquise de Blocqueville a consacrée à la mémoire de son illustre père. Pour qui lit attentivement le contracte est grand en effet entre ces volumes et les précédens. Dans les premiers, nous assistions au déroulement des chances heureuses ; alors tout était lumière, victoire, triomphe ; mais voilà que l’année 1809 est venue et qu’elle a marqué le point culminant de cette fortune. Désormais il n’y a plus de place dans la destinée de Davout que pour la série des chances contraires. Ce sont pour lui de tristes années que celles qui sont comprises entre les dates de 1811 et de 1816. Tout est sombre en lui et autour de lui. Sa foi en Napoléon n’est plus entière comme autrefois, sa confiance en sa propre étoile s’est obscurcie. Le sort s’acharne à ne l’entourer que de circonstances défavorables ou à ne lui présenter que de décevantes occasions de gloire. Ces champs de Russie, où il combattra si bravement, il les traversera sans y trouver une bataille qui soit l’égale d’Auerstaedt et d’Eckmühl ; cette défense de Hambourg, où il montrera des qualités de premier ordre, s’effacera au milieu des péripéties de l’effondrement de l’empire ; les tâches que lui imposera la volonté d’un maître impérieux seront ingrates pour sa renommée autant que périlleuses pour son honneur. Et cependant, en dépit de la malignité du sort, il n’y aura dans la seconde partie de cette carrière, non plus que dans la première, un seul revers, une seule défaite, une seule flétrissure à l’honneur ; bien mieux, de tous ces élémens ingrats il réussira à tirer une gloire nouvelle, stérile en comparaison de celle qu’il avait acquise déjà, mais, une gloire véritable. Et à quoi ce résultat a-t-il tenu, sinon à l’opiniâtreté sagace avec laquelle il a su arracher à la fatalité tout ce qui pouvait lui être disputé par prudence, fermeté et loyauté ? Ces relations si sourdement tendues entre lui et Napoléon, à quelles fâcheuses extrémités ne pouvaient-elles pas aboutir si, au lieu d’y porter son endurance stoïque et sa discrétion pleine de fierté, il y eût porté l’orgueil rancuneux d’un Moreau, la cauteleuse finesse d’un Bernadotte, voire simplement l’ardeur violente d’un Ney ou d’un Murat ? Quel piège pour l’honneur de tout autre que cette mission de Hambourg où il lui était si facile d’imprimer à son nom cette marque sinistre qui distingue dans l’histoire les exécuteurs des volontés royales implacables ! C’étaient là de difficiles et souvent délicates épreuves ; pourtant Davout a réussi à en sortir intact et toujours égal à lui-même, en sorte que ces chances contraires sous lesquelles il pouvait sombrer n’ont été que la rançon de sa gloire et l’équivalent de ces accidens inoffensifs que demandait la prière de l’avisé dévot de l’ancien monde.

Les présens volumes contiennent nombre de détails nouveaux sur les circonstances de cette tentative de rébellion de la fortune ; ils en contiennent de plus nombreux encore sur l’âme que Davout sut lui opposer. C’est de cette âme que nous voulons nous occuper d’abord et principalement, et quand nous l’aurons vue penser et vouloir, nous n’aurons aucune peine à comprendre comment elle sut enchaîner la versatile déesse et l’obliger à lui continuer sinon ses faveurs, au moins ses services.


I

Dans une précédente étude nous avons dit quels rapports tendus existaient depuis la bataille d’Auerstaedt entre Napoléon et Davout. La conscience de l’injustice commise du côté de Napoléon, le sentiment de l’injustice subie du côté de Davout avaient, comme de concert, élevé entre eux un mur de glace que rien ne put plus jamais fondre entièrement. De là une situation douloureuse dont nous avons entendu Davout se plaindre maintes fois dans sa correspondance avec la maréchale et que, dans Ségur, nous voyons Napoléon déplorer avec une tristesse probablement sincère devant le vainqueur d’Eckmül même, après la fameuse querelle avec Berthier, à Marienbourg : « Il m’arrive quelquefois de douter de la fidélité de mes plus anciens compagnons d’armes, mais alors la tête me tourne de chagrin, et je m’empresse de repousser de si cruels soupçons. » Cette situation, les ennemis qui ne pouvaient manquer à Davout l’exploitaient auprès de l’empereur, dont ils s’appliquaient à raviver ou à accroître les défiances, et leurs manœuvres réussissaient d’autant mieux que Davout n’était presque jamais présent pour les prévenir ou les confondre, et que son caractère altier dédaigna toujours de leur accorder la moindre attention. Les talens mêmes de Davout pour l’organisation et l’administration militaires étaient tournés contre lui et servirent mainte fois de prétexte pour lui refuser les occasions d’un accroissement de gloire, car Napoléon, qui les connaissait par heureuse expérience, l’employait le plus qu’il pouvait à lui créer ou à lui conserver des armées, tâche difficile, qui réclame des facultés au moins égales à celles que demandent les champs de bataille, mais qui parle moins à l’imagination du vulgaire que la plus petite victoire. C’est ainsi que nous le voyons de 1810 à 1812 cantonné sur l’Elbe, organisant l’armée du Nord, immobilisé à Hambourg en 1813 et en 1814, confiné au ministère de la guerre en 1815, pendant le suprême effort de la dernière lutte. De tels hommes aiment les querelles franches et à ciel ouvert, comme le prouvèrent dans la campagne de Russie les scènes de Marienbourg, de Dorogobouge et de Gumbinnen ; mais cette lutte sourde contre une froide malveillance qui refusait de se déclarer était pour lui, il nous le fait sentir à maint passage de sa correspondance, la plus irritante des souffrances. Presque désenchantée de cette mâle passion de la guerre qui lui avait été si chère, son âme, par nature d’un sérieux terrible, se replia sur elle-même, s’enveloppa plus que jamais de taciturnité, et il vint un moment où cet homme si fortement trempé ne respira plus que du côté de la famille.

Eh bien ! ce sentiment même par lequel désormais, — c’est lui qui nous le dit, — il était seulement heureux, il ne pouvait le connaître que contrarié et le satisfaire qu’à la dérobée. Dure existence en vérité que celle d’un soldat de ce temps-là ! Depuis son retour d’Égypte, c’est à peine si Davout avait revu la France autrement que pour assister comme grand dignitaire aux cérémonies qui marquaient un changement dans le régime napoléonien. Il y était revenu pour les cérémonies du sacre, et six ans après pour le mariage de l’empereur avec Marie-Louise, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Pologne s’étaient partagé le reste de ses années. Dans cet exil que lui faisait sa haute situation, il n’assistait que de très loin aux péripéties des existences qui lui étaient chères. Des enfans lui naissaient sans qu’il pût les voir entrer dans le monde, et il s’écoulait souvent de longs mois avant qu’il leur donnât ses premières caresses ; il y en eut même qui moururent avant qu’il eût le temps de les connaître. Cette compagne qu’il adorait, il ne pouvait l’appeler auprès de lui que dans les rares momens d’éclaircie, entre deux batailles, pendant une trêve ou un armistice, au lendemain d’une paix bien vite rompue, et c’était toujours pour un temps trop court à son gré. Encore la maréchale, retenue qu’elle était en France par les soins de sa maison et les affaires de la fortune commune dont elle avait la direction, par ses fréquentes grossesses, par la santé de ses enfans, ne pouvait-elle pas toujours profiter de ces occasions fugitives ; de quoi le maréchal se lamentait et souvent se dépitait. Les seules querelles qu’il ait jamais faites à la maréchale, cette longue correspondance en fait foi, eurent toujours pour origine le mécontentement où il était de ne pas la voir assez souvent, il y a dans les négociations conjugales (c’est le mot propre) qu’il employait pour faire aboutir ses désirs, une délicatesse où se trahit une âme aussi digne que tendre. Quand il appelle la maréchale auprès de lui, l’invitation n’est jamais expresse ; il se contente d’insinuer qu’il serait heureux si elle profitait de telle ou telle circonstance favorable. La maréchale montre-t-elle quelque hésitation ou oppose-t-elle un refus motivé, il n’insiste plus ; mais à l’accent singulier de tristesse par lequel il exprime ses regrets, tristesse qui n’est jamais mêlée d’un reproche, on sent que ce cœur susceptible a éprouvé un frisson de froid, et que battant pour ainsi dire en retraite il se réfugie en lui-même pour souffrir seul, sans vouloir se soulager en faisant porter à sa compagne la responsabilité de sa déception. Mais aussi quelle ivresse lorsqu’il a pu se sentir époux et père en réalité pendant quelques semaines ! Les premières lettres qui suivent chacune des visites de sa femme nous le disent. La vivacité du souvenir récent prolonge pour ainsi dire la présence de la maréchale, après qu’elle s’est éloignée, comme le jour se prolonge encore après que le soleil a disparu derrière l’horizon ; elle a laissé après elle des traînées d’amour qui, dans les premiers momens au moins, dissimulent son absence ; elle a remis le cœur de son mari au ton d’une vie passionnée dont il refuse d’abandonner l’habitude et qu’il continue ingénieusement après le départ par le moyen des songes. La personne aimée n’est plus là, mais les yeux ont gardé d’elle une image toute fraîche qu’ils transmettent à l’âme pendant les heures où le sommeil la délivre de la vulgaire tyrannie de la perception immédiate. Il se voit encore entouré de la famille qui vient de le quitter, il reçoit les caresses de ses enfans, partage leurs jeux, et au réveil son premier soin est de noter ces rêves heureux. Ces rêves sont si nombreux qu’ils finissent par constituer une particularité psychologique des plus significatives ; ils suffisent à dire en effet combien Davout aimait les siens. La rédaction en est quelquefois très gaie, et plus souvent encore touchante ; mais, pour mettre le lecteur mieux à même d’en juger, tirons de cette correspondance deux ou trois exemples de ces hallucinations d’amour.


Thorn, 21 avril 1812.

Après un départ de la maréchale. — La nuit passée, j’ai été avec mon amazone de Stettin, et lorsque j’ai eu la certitude que c’était un rêve j’ai éprouvé un chagrin bien vif ; pendant plus d’une heure j’étais comme un enfant ; il me semblait depuis bien longtemps, mon Aimée, que mon attachement pour toi ne pouvait plus s’accroître, mais ce dernier voyage m’a donné la certitude du contraire…


Dresde, 18 mars 1813.

Ta lettre m’est parvenue sur les minuit ; je me suis endormi après sa lecture, et pendant tout mon sommeil j’ai été dans mes rêves avec toi et nos enfans. Louis est à dada, nos deux petites me tiraient par le nez pour que je m’occupe toujours d’elles. Aimée était avec Jules sur mon autre genou, et c’était d’elle que j’étais le plus occupé.


Hambourg, 13 août 1813.

Au lendemain d’une visite de la maréchale pendant l’armistice. — Ma chère Aimée, j’ai éprouvé, le dernier mois qui vient de s’écouler, que plus je te connaissais et plus- mon amour et mon attachement pour toi s’augmentaient : je conserverai bien longtemps le souvenir des vingt jours que j’ai passés avec toi et nos deux filles. J’étais très ému en me séparant de vous ; j’ai cherché des distractions, j’ai parcouru toute l’île de Wilhemsbourg, le beau parc qui est achevé ; j’étais parvenu à mon objet ; mais en rentrant ici, mon émotion et ma peine se sont renouvelées très vivement. J’ai cru entendre, étant à causer avec quelques officiers, un cri d’une de nos petites, je me suis levé précipitamment pour courir ; la réflexion m’a arrêté…


Schwerin, 26 août 1813.

J’ai passé toute la nuit avec mon Aimée et nos enfans. Je ne regrette pas cette illusion, puisque ce sont les seuls plaisirs que je puisse goûter loin de toi. Nous célébrions ta fête, celle de Louis et la mienne : j’ai dû faire des impromptus que tu as beaucoup applaudis, et qui l’ont étonnée, ne me connaissant pas poète. Je regrette de les avoir oubliés, je te les transcrirais. Je me rappelle que j’avais dans ce moment l’amour-propre de tous les poètes : je trouvais ces impromptus charmans !


Vous avez remarqué sans doute par l’histoire des héros de tous les temps qu’il est un certain ordre de superstitions qui, bien loin d’être une marque d’imperfection, est au contraire un indice de souveraine élévation d’esprit ou d’extrême puissance d’amour. Le vulgaire des incrédules y voit le point de faiblesse par où les hommes rares se rattachent à la commune humanité, les esprits mieux avisés sont tentés d’y voir au contraire, le point par où ils s’en séparent. Non-seulement l’âme du maréchal se complaisait aux rêves, mais nous la surprenons en quasi-flagrant délit de superstition de tendresse. Le troisième volume de ces Mémoires nous en présente un exemple à la fois lugubre et charmant. En 1810, la maréchale ayant trouvé à Savigny une délicieuse branche de rosier portant une rose épanouie, deux boutons à demi ouverts et un troisième encore fermé, l’avait donnée à son mari en lui disant : « Voilà ta femme, tes deux filles et notre Napoléon. » Le maréchal la met à sa boutonnière et continue seul sa promenade. La cloche du dîner ne le ramenant pas en dépit de son exactitude ordinaire, la maréchale étonnée sort pour le chercher et le trouve sombre, agité, repassant partout où il avait passé pour retrouver le malheureux troisième bouton. Tous se prirent à chercher avec zèle, car le prince d’Eckmühl était adoré de ses serviteurs, mais le charmant symbole du petit Napoléon demeura introuvable. Six semaines plus tard mourait d’une congestion cérébrale ce splendide enfant, orgueil et joie de ses païens.


De tels détails sont d’infaillibles révélateurs de la nature secrète, et après les avoir lus on n’est pas tenté de trouver exagérée l’application que l’auteur des présens Mémoires fait à son père de cette parole de Michelet : « Les plus forts sont les plus tendres. »

Si les deux premiers volumes de ces Mémoires, nous ont montré en Davout le fils, le frère et l’époux, les deux derniers nous révèlent le père et c’est peut-être dans ce rôle qu’apparaît le mieux toute la mâle originalité de sa nature. Ses rôles précédens il a pu les remplir en entier, mais ce dernier il ne peut le remplir qu’incomplètement, fragmentairement, par les conseils, par les vœux, condamné qu’il est par sa situation à n’être pour ainsi dire père qu’un partibus hostium. Des préoccupations de la nature la plus élevée se mêlaient à ces tristesses de l’absence. Il se demandait ce que serait l’éducation de ses enfans, surtout celle dm seuil fils qu’il eût alors, et du seul que la mort dût épargner. Il voudrait transmettre à ce fils comme le legs le plus précieux de son héritage, les sentimens qui remplissent son âme, pour qu’il soit à son exemple un dévoué serviteur de la France et de l’empereur que, dans ces années de 1811 et de 1812, il identifie encore complètement à la nation. Il veut qu’il soit élevé sans mollesse, qu’il ait les mêmes passions que lui, les mêmes haines vigoureuses de tout ce qui est ennemi du nom français. Plus tard, lorsque la paix désirée le ramènera auprès de cet enfant et qu’il ne trouve pas sa jeune âme montée au ton de patriotisme militant où il la désire, ne sera-t-il pas trop tard pour faire passer en lui ces souffles d’ardeur guerrière ? A maintes pages de cette correspondance, ces inquiétudes paternelles s’expriment avec un tel accent de sombre colère contre nos ennemis d’alors et très particulièrement contre l’Angleterre, qu’involontairement, par une association d’idées qui n’a rien de forcé, le souvenir se reporte à ce grand homme de guerre de l’antiquité qui fut un si bon haïsseur de Rome, et qu’on se dit que c’est à peu près ainsi qu’Amilcar devait faire passer ses colères dans l’âme du jeune Annibal. Une opinion fort particulière, et tellement caractéristique qu’elle suffirait seule à donner la clé de la nature de Davout, augmentait encore cette inquiétude. Le maréchal redoutait pour son fils l’influence de l’éducation maternelle, et cela par la raison que, selon lui, la préoccupation innée, instinctive des femmes est de dresser les enfans à la prévenance envers leur sexe, en sorte qu’elles font tout tourner en recherches de formes aimables, et qu’en polissant ainsi le caractère elles courent risque de l’émasculer. Elles façonnent l’enfant à la croyance qu’il n’y a pas de devoirs supérieurs aux égards qu’elles ont droit d’exiger, tandis que la véritable éducation consisterait à lui apprendre qu’il y a beaucoup de choses qu’un vaillant homme doit mettre au-dessus de la crainte de leur déplaire ou seulement de ne pas leur plaire. Cette Aimée, dont il estime si fort le jugement, — certaines lettres nous diront bientôt combien cette estime était fondée, — eh bien ! il se défie d’elle sur ce chapitre de l’éducation, et toutes les fois qu’il en est question entre eux, il la semonce amicalement, mais avec une fermeté qui se refuse à toute transaction. Alors il s’élève sans y songer et en laissant courir sa plume aux considérations les plus élevées et à la plus réelle éloquence. Si les présentes pages trouvent des lectrices, c’est à elles qu’il appartient de se prononcer sur cette opinion de Davout ; aussi, pour les mettre à même de juger avec impartialité des raisons du procès qu’il fait à leur sexe, nous placerons sous leurs yeux trois admirables lettres qui résument avec une netteté sans égale ses pensées sur ce sujet et montrent à découvert le stoïcisme qui faisait le fond de son être.


Hambourg, 21 janvier 1812.

A Dieu ne plaise que j’interprète comme tu le fais les sentimens de mon excellente amie ! je sais que ses observations lui sont dictées par son attachement et par notre intérêt commun. Cela me suffit pour interpréter tout en bonne part… je désire que tu ne prennes pas en mauvaise part mes réflexions sur les sentimens que tu veux donner à Louis sur ton sexe. Jamais, mon Aimée, nous ne serons du même avis à ce sujet. Si j’avais à juger ton sexe d’après toi, je serais en accord d’opinion ; mais je le juge tel qu’il est ; et l’homme qui se laisse dominer par lui, qui s’en occupe beaucoup, ou je me trompe, ou il sera toujours de l’espèce des médiocres. A qui les femmes donnent-elles leurs suffrages, leurs préférences ? C’est à celui qui s’occupe beaucoup d’elles, parce qu’elles rapportent tout à elles, à leur vanité. Ainsi, par exemple, le général Friant, qui n’a pas le verbiage du général X.., ni du général V.., ne sera pas apprécié ; et ces individus, qui ne sont peut-être propres qu’à avoir des prévenances ou des petits soins, seront préférés, et l’homme qui sert bien l’état ne le sera pas. Les femmes ont toujours été ainsi faites et ont eu cet esprit dans tous les rangs. Tout le monde connaît la Leçon de Louis XIV… Ce roi, si faible cependant envers les femmes, s’apercevant que la duchesse de Bourgogne riait de la vilaine figure d’un militaire, lui dit : « Madame, vous avez tort ; cet homme est le plus bel homme de mon royaume, car il en est le plus brave. » Je te parle ici avec tout le désintéressement possible, car je ne veux d’autre préférence que la tienne ; or, dans la place où je suis, on est toujours préféré, parce que les femmes vous préfèrent uniquement parce que vous avez le pouvoir. Ainsi, qu’un général en chef soit vilain, soit heureux ou malheureux à la guerre, peu importe ; il est général en chef, cela est suffisant. Je sais bien, et par ton exemple même, qu’il y a des exceptions, mais ce sont des exceptions.

Voilà bien de l’érudition en pure perte ; je ne convertirai pas mon Aimée ; mais lorsque notre Bouton de rose[1] sera en âge d’être laissé à son père, le bon sens de mon amie l’abandonnera à mes soins… En attendant cet âge, mon Aimée, ne souffre pas qu’on l’amollisse, élève-le un peu durement, pour que les bivouacs ne lui paraissent pas si extraordinaires…

Hambourg, 16 février 1812.

Lorsque je t’ai annoncé que je redoutais pour mon fils l’éducation que tu pourrais lui donner, je n’ai pas eu l’intention de t’affliger, mais je t’ai exprimé ma conviction. Tu voudrais lui inspirer des idées sur ton sexe, sur les égards, les déférences qu’on lui doit qui n’en feraient qu’un homme fort ordinaire dans notre état. Je ne doute pas que cela ne lui valût du succès dans les cercles de femmes ; on dirait qu’il est bien plus aimable que son père, mais je doute fort que cet ascendant que ton sexe aurait sur lui le rendît bien propre à occuper dignement de grands emplois pour le service de son souverain. J’en appelle à ta conscience : certes, je t’estime plus que presque toutes les autres femmes : eh bien ! où en serais-je si tes propos avaient pu m’influencer dans différentes occasions ? Si tu m’avais communiqué ton humeur, dont je n’ai jamais pu connaître le motif, est-ce que cela n’eût point ralenti mon zèle et mon amour pour le service de l’empereur, qui seuls peuvent me soutenir dans le travail rebutant et l’isolement où je suis, et auquel je succomberais si, à chaque minute, je n’étais soutenu par l’amour de mes devoirs ! Ce sont peut-être des circonstances qui ne se présenteront plus qui m’ont fortifié dans mes opinions. Mes inquiétudes sur l’éducation de mes enfans ne s’étendent pas sur nos filles ; je sais qu’elles seront bien élevées par toi, que leur éducation sera d’autant meilleure qu’elles auront sous les yeux la conduite de leur mère.


Hambourg, 21 février 1812.

Nous avons bien de la peine à nous entendre, mon amie. Je ne prétends pas élever notre petit Louis dans une mauvaise idée des femmes : à Dieu ne plaise ! mais je ne négligerai rien pour qu’elles ne puissent avoir aucune influence sur lui. Je ne crois pas être malhonnête envers ton sexe : tu as même fait la remarque que j’avais plus de procédés vis-à-vis de lui que la plupart des hommes ; mais je me suis toujours défendu de me laisser influencer par lui. Parcours notre histoire de France, et j’aime à croire que tu partageras mon opinion. Certes les femmes avaient bien de l’esprit, et un ton parfait, sous la régence d’Anne d’Autriche ; malheureusement elles n’avaient que trop d’esprit, et, pour des querelles de vanité, elles ont soufflé le feu de la discorde et été en grande partie la cause des troubles du temps. On cite encore un des grands seigneurs qui s’est jeté dans le parti contraire au roi pour les beaux yeux d’une femme. Ayant perdu un œil à la bataille Saint-Antoine, il se présenta le soir du combat chez elle, et pour la toucher, il lui dit que pour l’amour d’elle, en faisant la guerre au roi, il a perdu un œil, mais que pour le même motif il l’eût faite aux dieux. Vois de nos jours le sort des pays où les femmes ont une grande influence. La Prusse a été perdue par elles, et deux fois l’Autriche, encore par les femmes, a été poussée à la guerre. Tout cela n’est point écrit pour contrarier te » idées, mais pour justifier les miennes. Si toutes te ressemblaient, toutes seraient de bonnes mères de famille, et cela vaut bien ces petites réputations du moment acquises souvent aux dépens de ses devoirs.


Le stoïcisme, venons-nous de dire, faisait le fond de l’être de Davout. En effet, on en remarque en lui les germes dès un âge si tendre, qu’on est autorisé à avancer cette assertion ; il faut cependant s’entendre sur ce point. On aura certainement remarqué dans les lettres qui précèdent que la fermeté des principes ne nuit en rien à la tendresse des sentimens. Davout sait rester inflexible sur le sujet le plus chatouilleux pour les ambitions innées du cœur féminin, sans que cette inflexibilité affecte aucun caractère tranchant et puisse blesser celle dont il nie résolument les privilèges traditionnels. Un tel art des ménagemens n’existe pas à ce degré de délicatesse chez les stoïciens de nature, qui sont d’ordinaire d’un dogmatisme plus absolu et se distinguent rarement d’ailleurs par ces ardeurs amoureuses qui sont si puissantes chez Davout. Il faudrait donc en conclure que ce stoïcisme était plutôt acquis que naturel, mais acquis comment ? Ce n’était pas par expérience ; le stoïcisme qui est dû à l’expérience naissant d’ordinaire d’une réaction indignée contre la fortune ou contre les hommes, n’est en somme qu’une variété de la misanthropie, et se laisse aisément reconnaître à ses allures de violence, au ton chagrin de son humeur, à sa complaisance pour les paroles acerbes, et tel n’est jamais le cas de Davout. Plus nous étudions attentivement son caractère, et plus nous restons persuadés que son stoïcisme avait été créé par la réflexion, c’est-à-dire qu’il s’était proposé de bonne heure un certain modèle moral et qu’il s’était appliqué en toute circonstance à le réaliser en lui.

Ce stoïcisme tout volontaire enté sur une nature passionnée était bien, fait pour frapper, et il semble en effet avoir frappé plus d’un contemporain. Voici à ce sujet une singularité qu’il serait téméraire sans doute de donner comme un fait certain, mais qui est trop curieuse pour n’être pas signalée. Le chevalier de Boufflers, dont la vie se prolongea jusqu’en 1815, se trouva ainsi, quoique appartenant à, une génération : bien antérieure, le contemporain de Davout en tout temps, et il l’avait connu certainement, Davout, en effet, était parent de la célèbre Mme de Montesson, dont Boufflers fréquentait le salon sous le consulat, et où la maréchale racontait qu’elle l’avait souvent rencontré. Boufflers avait été militaire dans sa jeunesse ; en cette qualité, il devait être plus particulièrement curieux que les autres beaux esprits de l’époque de comparer la nouvelle génération de soldats qui s’élevait sous ses yeux dans des circonstances si extraordinaires avec celle qu’il avait connue sous l’ancien régime, et l’originalité d’un caractère tel que celui de Davout ne pouvait manquer de le frapper. Ce fut un talent fort léger sans doute, mais qui eut souvent des démangeaisons d’être sérieux ; or jamais ce prurit bizarre n’a été aussi évident que dans une certaine œuvre de ses dernières années, un conte oriental ou ce genre cher depuis les Lettres persanes à tous les libertins de la plume a subi une transformation qui n’est pas sans quelque noblesse. Le Derviche, tel est le titre de ce conte dont la date est 1810, se passe dans une Inde de fantaisie où l’on voit cependant que l’auteur a profité des premières révélations des orientalistes, et a pour héros principal un soldat de fortune du nom de Mohély qui offre avec Davout des caractères de ressemblance fort étroits. Mohély est un Davout peint avec imperfection sans doute, surtout sous le rapport de la couleur, qui est d’une sentimentalité fade, mais avec une précision dans le dessin des traits principaux qui fait soupçonner une intention de portrait. Même taciturnité noble, même sérieux d’âme, même sensibilité contenue, même dédain des vains propos et des intrigues de caserne, même mépris des lâches et des soldats de parade, même amour de la discipline, et, ce qui est plus extraordinaire, même manière d’entendre la guerre et de se renfermer avec fermeté dans les lois strictes qu’elle impose sans les exagérer ni les amoindrir. Voilà pour les traits de caractère ; quant au roman même de Mohély, il n’est pas non plus sans offrir plus d’une analogie avec l’histoire de Davout. Mohély est au service d’un conquérant indien que Boufflers nomme le grand Ackbar et dans lequel il n’est pas difficile de reconnaître Napoléon. Enfant, il avait été exactement ce que fut Davout bambin au rapport de sa mère, c’est-à-dire faisant grand tapage avec grand sang-froid, avec cela le fils le plus respectueux et le plus soumis. Il est présenté comme le fils d’un derviche qui l’avait maudit dans sa jeunesse pour son trop d’ardeur à chasser, malgré sa défense, les bêtes féroces, et s’était repenti plus tard de sa malédiction ; ici l’analogie cesse d’être claire, mais si l’on ne perd pas de vue que ce conte est écrit en plein empire par un ex-émigré d’opinions assez flottantes, il n’est pas impossible que ce derviche ne soit là pour représenter l’ancienne société française à laquelle appartenait Davout par sa naissance et dont il s’était si nettement séparé à l’époque de la révolution. Il est évident qu’en écrivant ce conte Boufflers avait dans l’esprit un certain type militaire qu’il a voulu présenter comme l’idéal du soldat, par opposition au type bruyant et fanfaron qui était traditionnellement plus en faveur. Est-ce Davout qui, sans le savoir, a posé pour cet idéal du vieux Boufflers, ou cette rencontre est-elle fortuite ? Ce qui nous persuade qu’elle ne l’est pas, c’est que, outre toutes les analogies que nous avons signalées, on retrouve textuellement dans ce conte quelques-unes des formules militaires les plus caractéristiques de Davout et qu’il se plaît à répéter le plus fréquemment, celle-ci par exemple : faire à l’ennemi tout le mal nécessaire, mais ne lui faire que le mal nécessaire, et réprimer impitoyablement tout, mal qui n’aurait pas pour but unique le succès de la guerre. C’est cette règle, toujours présente à l’esprit de Davout, qui a dirigé toute sa carrière militaire, que nous le voyons appliquer dans ses gouvernemens de Pologne et de Hambourg avec une invariable fermeté, et regretter de ne pas trouver suivie dans la campagne de Russie, où elle aurait prévenu les désordres qui, dès les premiers mouvemens de la grande armée, marquèrent cette colossale entreprise. Voici enfin une dernière raison qui, venant après toutes les autres, paraîtra peut-être décisive. Mohély, qui garde toujours son visage voilé pour cacher une certaine blessure gagnée un jour qu’il a sauvé la vie de son souverain et empêcher ainsi par modestie que l’auteur de cet acte ne soit découvert, est représenté par Boufflers comme un héros méconnu, victime de ses hautes qualités et que son trop grand amour du silence laisse dans une sorte d’infériorité ; c’est la situation même de Davout à la date de ce conte, et il faut avouer que cette blessure voilée de Mohély représente assez bien la souffrance discrète dont le vainqueur d’Auerstaedt souffrait depuis cette journée.


II

Après les affections de la famille, l’amitié est peut-être le sentiment que Davout a le plus fortement éprouvé, et il l’a connu d’autant mieux que, ne disséminant pas les forces de son cœur, il pouvait les porter tout entières sur ceux qu’il avait une fois choisis, et ceux-là furent toujours en petit nombre. Son amitié était aussi durable que forte, car, n’étant pas déterminée par les qualités brillantes, l’éclat du rang ou les vulgaires entraînemens de la nature, mais par les qualités solides à l’user, elle ne s’adressait qu’à cette race d’hommes qui n’ont jamais besoin d’indulgence et se trouvait ainsi assurée d’avance contre tout incident qui aurait pu la faire cesser ou l’amoindrir. La sévérité qu’il portait en toutes choses, le protégeant contre les choix douteux ou les sympathies passagères, le servait en cela merveilleusement. Quant à ce genre d’amitié que la vie des camps engendre et favorise plus que tout autre, Davout ne lui sacrifia jamais. On peut dire de lui en toute exactitude qu’il eut des intimes et ne connut pas la camaraderie. En aucune occasion, nous ne surprenons chez lui la tolérance, si souvent dangereuse, qu’entraîne presque nécessairement cette forme un peu vulgaire de l’amitié. Dès que l’intérêt de ses fonctions l’exigeait, il arrêtait net toute familiarité, même la plus naturelle et la plus légitime ; nous avons dit, dans une précédente étude, comment il exigeait le respect des formes hiérarchiques, même au sein de sa famille. Nous ne croyons pas que jamais personne ait mieux connu la portée du fameux adage : Familiarité engendre mépris. C’est là un adage passé à l’état de lieu-commun, dira-t-on peut-être. Sans doute, mais toute saine morale n’est faite que de lieux-communs, et la vie n’a d’honnête direction qu’à la condition de ne prendre conseil que des lieux-communs. Un tel homme n’était guère capable de se laisser, par complaisance amicale, induire en sottise.

Les présens Mémoires nous offrent, entre beaucoup d’autres, deux exemples très remarquables de la résistance immédiate qu’il savait opposer aux empiétemens téméraires ou irrespectueux de la camaraderie. Il était lié avec Oudinot par la plus ancienne confraternité d’armes, si bien que, lorsqu’ils s’écrivaient, même pour les nécessités du service, ils employaient le tutoiement et se dispensaient des formules officielles obligatoires. il était à peine installé au ministère de la guerre en 1815 qu’il apprit qu’Oudinot s’était reporté sur les places frontières, et particulièrement sur Metz, que menaçait l’ennemi sous le coup des colères soulevées par le retour de l’île d’Elbe. Croyant, ou peut-être feignant de croire que cette démonstration patriotique implique une adhésion au second gouvernement de Napoléon, Davout écrit à Oudinot sur le ton de leur ancienne camaraderie pour le féliciter et l’engager à persévérer de la part de l’empereur, dont, lui dit-il, il lui transmettra désormais les ordres. La réponse d’Oudinot, écrite avec la même familiarité, ne se fait pas attendre. Affirmative sur le point de la défense patriotique du territoire, elle repousse toute adhésion au gouvernement de Napoléon avec une franchise quelque peu balbutiante et une dignité mêlée d’un certain trouble assez naturel en telle circonstance à un duc et maréchal de l’empire. Immédiatement toute familiarité cesse du côté de Davout, le tutoiement disparaît, et sans essayer d’une gronderie ou d’une supplication amicale où il aurait compromis son caractère et son autorité, il expédie à son vieux camarade l’ordre de se retirer dans ses terres en Lorraine avec la plus froide politesse administrative.

Le second exemple est plus significatif encore. Davout avait été en longues et bonnes relations avec Rapp, qu’il avait couvert plusieurs fois contre les boutades souvent brutales et injustes de Napoléon pendant que ce général commandait à Dantzig. Or, un jour de cette même année 1815, dans une heure de mauvaise humeur, Rapp, ayant envoyé à Davout une réclamation à propos d’un certain officier s’en attira cette réponse, dont la verdeur ne laisse rien à désirer et qui mérite d’être citée comme exemple de la fermeté avec laquelle Davout savait imposer le respect, même aux hommes les plus rapprochés de lui dans l’échelle hiérarchique.


6 mai 1815.

Mon cher Rapp, je me suis borné à vous envoyer la commission de l’officier Thabet, mais je vous déclare d’amitié que, si je recevais une seconde lettre de ce style, je cesserais d’être ministre de la guerre ou vous cesseriez de commander un corps d’armée. Vous n’avez pas fait dans cette circonstance preuve de sagacité. Vous devez me connaître assez pour savoir que de pareils moyens sont indignes de mon caractère. Je ne connais cet officier ni d’Eve ni d’Adam ; j’ai signé sa commission, comme tant d’autres, de confiance. S’il est indigne de porter notre uniforme, adressez-moi des plaintes, il en sera fait justice. S’il n’est pas en état d’être officier d’état-major, faites-le connaître, on le changera. En attendant, employez-le où vous le jugerez à propos ; mais point de ce style ni de cette manière d’agir. Je vous le répète, je ne le souffrirai pas.

Depuis les jours de sa jeunesse où il avait vu périr à de si courts intervalles tous ceux qu’il aimait le plus, Marceau, Desaix, son beau-frère Leclerc, Davout avait toujours été heureux du côté de ses amitiés. La mort, qui faisait sur les champs de bataille tant et de si riches moissons, n’avait touché à aucun de ses compagnons d’armes préférés, mais enfin, en 1812, la chance contraire l’emporte, et il n’y a plus une seule bataille, pas même un simple combat qui ne lui enlève quelqu’un de ceux qu’il tient le plus en estime. C’est Gudin qui ouvre la marche, Gudin qui avait presque toujours servi sous ses ordres, celui de ses généraux qu’il affectionnait le plus et ajuste titre, car il était pour ainsi dire un autre lui-même, un Davout au second plan, dont la valeur réglée, selon l’expression de Ségur, n’aimait à affronter que les dangers utiles, Gudin tombe les deux jambes emportées par un boulet à la bataille de Valoutina. A partir de ce moment, la correspondance du maréchal est un véritable nécrologe ; pas une lettre qui ne renferme quelque annonce de mort. Aussitôt après Gudin meurt Montbrun, qui avait aussi servi sous ses ordres, et dont il avait dit un jour si plaisamment, après une de ces équipées que sa sévérité tolérait peu et dont le brillant officier était trop souvent coupable : « Si j’avais deux Montbrun, j’en ferais pendre un. » Presque en même temps lui arrive de Paris la nouvelle de l’assassinat du général Hulin, avec lequel il avait été en bons rapports depuis l’époque du consulat, caractère rude et un peu brutal, s’il faut en croire les récentes révélations de Mme de Rémusat sur la mort du duc d’Enghien, mais qu’il aimait pour l’amour que ce soldat portait à Napoléon. Puis c’est le tour de Bessières, puis celui de Duroc, de toutes ces pertes la plus sensible peut-être au cœur de Davout. D’autres moins illustres et pouvant moins se promettre de laisser leurs noms à la postérité, mais chers à Davout par l’estime qu’ils lui ont inspirée dans leurs fonctions plus modestes ou plus obscures, disparaissent en même temps, le comte de Chaban, son utile et dévoué collaborateur dans l’administration de Hambourg, et un certain colonel Grosse, un de ces vaillans dont les chefs seuls connaissent les éminentes qualités et qui sont le sel des armées. La douleur qu’il ressent de ces pertes répétées s’ajoute à la somme déjà si grande de ses souffrances et contribue à assombrir encore sa vie. Sans doute tous ces morts ne sont pas également regrettés : il en est qui n’emportent qu’une parole d’estime, d’autres qu’un adieu attristé, mais trois au moins sont pleurés avec de véritables larmes, Gudin, Duroc et cet obscur colonel Grosse. Arrêtons-nous un instant devant ces expressions de virile douleur qui nous diront comment ce stoïque savait aimer.

A douze lieues de Smolensk, sur la route de Moscou, 20 août 1812.

J’ai à te donner, ma chère Aimée, une bien mauvaise commission, celle de préparer Mme la comtesse Gudin à apprendre le malheur qui vient d’arriver à son bien estimable mari dans un combat où sa division s’est couverte de gloire. Il a eu une cuisse emportée et le gras de l’autre jambe fracassé par un obus qui a éclaté près de lui : il est peu vraisemblable qu’il en revienne. Il a supporté l’amputation avec une fermeté bien rare : je l’ai vu peu d’heures après son malheur, et c’était lui qui cherchait à me consoler. On ne me remue pas facilement le cœur, mais lorsque une fois on m’a inspiré de l’estime et de l’amitié, il est tout de feu. Je versais des larmes comme un enfant. Gudin a observé que je ne devais pas pleurer ; il m’a parlé de sa femme et de ses enfans, dit qu’il mourait tranquille sur leur sort, parce qu’il connaissait toute la bienveillance de l’empereur envers ses serviteurs, et qu’il emportait avec lui la certitude que je ferais ce qui dépendrait de moi pour sa famille. Tu peux assurer Mme Gudin, si elle a le malheur de perdre son mari, que je justifierai dans toutes les occasions les sentimens et la confiance de son mari. Je prendrai près de moi ses aides de camp…


Moscou, 20 septembre.

… La lettre du duc de Frioul a préparé Mme Gudin à son malheur. Celles de moi, qu’elle a dû recevoir le lendemain ou le surlendemain, lui en auront donné la triste confirmation. Assure-la que je serai fidèle aux engagemens que j’ai contractés vis-à-vis du général à ses derniers momens, et que je porterai à ses enfans le même, intérêt qu’aux nôtres. J’ai rarement éprouvé dans ma vie des sentimens aussi pénibles que ceux que m’a causés la mort de Gudin, dont je savais apprécier toutes les belles qualités. Je serai fidèle à l’amitié et à l’estime que je lui portais.


A la mort de Duroc, la douleur de Davout est d’une vivacité exceptionnelle ; il y revient jusqu’à trois fois.


Haarbourg, 29 mai 1813.

Ma chère Aimée, en apprenant les résultats heureux et décisifs de la bataille de Baulzen, j’ai reçu la nouvelle la plus affligeante, celle de la mort du duc de Frioul, qui a été tué par un boulet perdu. J’ai ressenti dans ma vie très fortement deux pertes : celles du général Desaix et de ton frère ; celle du duc de Frioul m’a autant frappé. C’est une perte irréparable pour l’empereur. Je cherche à me faire illusion, j’ai lu au moins dix fois la lettre où le major-général m’annonce ce malheur, espérant toujours avoir mal lu. Je ne pourrais t’entretenir aujourd’hui d’autre chose : je te quitte pour ce motif.


Hambourg, 5 juin 1813.

J’ai reçu, mon amie, ta lettre du 30 mai. Lorsque tu écriras à la duchesse de Frioul, parle-lui des vifs regrets que je partage avec tous les fidèles serviteurs de l’empereur et les bons Français. Cette perte est irréparable pour l’empereur. J’ai lu la relation de ses derniers momens ; ce récit a renouvelé ma douleur, il m’a fait verser des larmes comme un enfant. Tu sais que ton Louis n’est pas prodigue de son estime, il en portait une bien grande au grand maréchal, qui avait un beau caractère, et c’est surtout sous ce rapport que cette perte est irréparable : l’empereur pourra trouver quelqu’un d’aussi attentif, ce qui lui sera encore difficile, mais il n’en trouvera pas d’aussi exempt que lui des petites passions.


Hambourg, 6 juin 1813.

J’ai encore lu ce matin le Moniteur qui rend compte des derniers momens du duc de Frioul. Quelle perte, mon amie, pour l’empereur, dont il avait toute la confiance ! Il avait justifié cette confiance par sa conduite, depuis qu’il était près de la personne de l’empereur. Il avait un tact, un aplomb, un sang froid extrêmes. Je le regrette vivement et ne puis me faire à sa perte ; c’est surtout mon dévouement pour l’empereur qui m’occasionne ces regrets ; cependant je dois avouer qu’il y entre aussi quelque chose qui m’est personnel, car j’ai eu occasion d’être convaincu que jamais le duc de Frioul n’a partagé, pour ce qui me concerne, les petites passions de bien des gens ; il a toujours apprécié mon dévouement, et, sous ce rapport, il m’a conservé dans toutes les circonstances estime et amitié. Excuse-moi, mon amie, de ne t’entretenir que de ce triste sujet, mais j’en suis rempli, et avec qui pourrais-je mieux m’épancher qu’avec mon excellente Aimée ?


L’oraison funèbre du colonel Grosse est singulièrement originale dans sa brièveté. C’est tout à fait une oraison funèbre à la Davout, mâle, laconique, militaire, où éclate brusquement son mépris de la gloire jactancieuse et intrigante.


Massow, 22 août 1813.

Nous avons eu hier une rencontre avec l’ennemi qui, pour le bruit, a été assez vive. Heureusement que notre perte est insignifiante pour le nombre. J’en ai fait une qui m’est bien sensible, celle de Grosse. Il a été tué d’une balle ; j’ai peu connu d’hommes aussi intrépides, aussi actifs : il avait une grande quantité d’actions éclatantes qu’il ne s’occupait pas de faire valoir.

N’est-ce pas que cette dernière phrase formerait une épitaphe d’une nouveauté peu commune et bien faite pour trancher avec les banalités élogieuses qui composent trop ordinairement ce genre de littérature funèbre ?

Ceux qui aiment fortement font, dit-on, les meilleurs haïsseurs. En était-il ainsi pour Davout ? Si l’énergie du caractère prouve quelque chose en telle matière, nous croyons bien que ses haines devaient être d’une solidité à l’épreuve de la mort et du temps ; ce qui est tout à fait certain, c’est qu’elles étaient aussi peu nombreuses que ses amitiés. Ce n’était pas le premier offenseur venu qu’il en honorait, et tout bien compté il n’y en a guère que trois qui aient été tout à fait sérieuses : Berthier, Murat et Bernadotte ; quant aux autres ennemis qu’on pourrait citer, il se contentait de ne pas les aimer, et nous ne voyons pas qu’il ait jamais dépassé à leur égard ce qu’on peut appeler la haine passive ou négative. Du reste, nous en sommes réduits aux conjectures sur ce sujet, car les haines de Davout sont parmi les moins loquaces qu’il y ait eu jamais. Ce qu’étaient ces haines pour Berthier et Murat, nous le savons par les scènes de Marienbourg, de Gumbinnen et autres, mais c’est Ségur qui nous l’apprend, et Davout n’ajoute rien à ce que nous a révélé l’historien de la grande armée. Tous ceux qui ont lu l’admirable récit de la campagne de 1812 se rappelleront certainement la dispute de Berthier et de Davout à Marienbourg en présence de l’empereur. Voici tout ce que nous rencontrons sur ce grave incident dans la correspondance du maréchal : « Je n’ai pas eu une occasion pour te donner de mes nouvelles depuis mon départ de Marienbourg, où j’ai eu le bonheur de voir l’empereur ; j’éprouvais ce besoin ; quelques mots de lui me donnent une nouvelle ardeur et me fortifient contre l’envie qui vous poursuit lorsqu’on ne s’occupe que de ses devoirs et qu’on fait tout pour les remplir. » Rien autre chose, on le voit, qu’une allusion indirecte et lointaine, si indirecte et si lointaine qu’il serait impossible de la remarquer si la date ne vous avertissait que ces discrètes paroles s’appliquent, non à quelqu’un de ces ennuis quotidiens dont toute profession est fertile, mais à une querelle mémorable que Ségur nous dit avoir été de la plus extrême violence. Pour Murat, la discrétion est plus grande encore. Dans les lettres écrites de Russie, nous ne surprenons pas la plus petite expression de colère, pas la plus petite trace de ressentiment qui puissent faire soupçonner à la maréchale quels orages il a soulevés ou subis, et il ne tient qu’à elle de croire que, fatigues physiques et périls mis à part, la vie de son mari est la plus sereine du monde. Il attend pour décharger son cœur que la campagne soit finie, mais à Thorn, après le départ précipité de Murat, il éclate enfin et se soulage de sa colère concentrée, à sa façon laconique, par ces deux brusques lignes vibrantes d’un sentiment facile à nommer : « Tu sauras sans doute que le roi de Naples nous a quittés sans crier gare ; c’est le vice-roi qui commande : les affaires de l’empereur ici ne pourront qu’y gagner. »

Tout autre est le caractère de la haine que lui inspire Bernadotte. Si invétérée, si profonde, si tenace est celle-là, qu’il en oublie sa discrétion ordinaire et qu’il s’y livre avec le plus redoutable emportement. Que depuis la journée d’Auerstaedt Davout n’eût pour Bernadotte aucun sentiment de reconnaissance ou d’estime, on pouvait aisément le soupçonner ; mais quelle était l’étendue et la force de ce ressentiment, voilà ce que les papiers qui nous sont aujourd’hui livrés nous révèlent pour la première fois. Jusqu’à l’accession de Bernadotte au trône de Suède, on ne voit pas que cette rancune, assez légitime, ait jamais cherché occasion de se faire jour. Les relations des deux maréchaux restèrent ce qu’elles devaient être entre dignitaires de cet ordre, froides et réservées du côté de Davout, polies avec une pointe aigre-douce du côté de Bernadotte, ainsi qu’en témoigne certain billet, daté de 1808, qui contraste singulièrement par le l’on piqué avec les billets antérieurs à l’affaire d’Auerstaedt, billets fort bien tournés, d’une courtoisie empressée et où se lit le désir évident de plaire. Les événemens de 1813 donnèrent enfin à cette animosité longtemps refoulée le prétexte d’éclater. L’expression en fut terrible, et, bien qu’elle soit restée enfermée dans une lettre intime destinée à rester secrète, les oreilles durent singulièrement tinter à Bernadotte un certain soir du mois de septembre 1813, s’il est vrai que toute parole prononcée avec passion va sûrement atteindre celui qu’elle concerne. Quelques troupes danoises et françaises relevant du commandement de Davout ayant incendié un petit village du nom de Schonberg, le général suédois Wegesach écrivit au général danois commandant à Lubeck pour se plaindre de cet acte, qu’il se plaisait, disait-il, à attribuer à un officier ignorant les lois de la guerre dans les états civilisés, et pour menacer, en cas de récidive, de représailles du prince héréditaire de Suède. Ce ne fut pas le général commandant à Lubeck qui répondit, ce fut Davout lui-même. et sa réponse fut rédigée de telle sorte que, passant par-dessus la tête du général suédois, elle put atteindre son ancien ennemi devenu roi, ; et lui crier que sa conduite avait tenu, tout ce que promettait son inaction à la journée d’Auerstaedt. Mais cette réponse, il ne lui suffit pas de l’avoir dictée et d’être sûr qu’elle arrivera à son adresse ; puisque cet acte de justice ne doit pas être rendu public, il veut au moins qu’il ne reste pas ignoré de la personne dont l’estime lui importe le plus, et, contrairement à ses habitudes de réserve, il envoie à la maréchale copie de la lettre du général suédois et de sa propre réponse accompagnées de commentaires sur le caractère de Bernadotte, où la véhémence pathétique des malédictions passionnées s’unit à la solennité religieuse de l’anathème. Par une coïncidence des plus singulières, le jour où il annonce cet envoi à la maréchale est celui même où il apprend la mort de Moreau, et il se plaît à associer dans un même sentiment d’exécration ces deux illustres coupables envers la patrie. Nous donnerons cette réponse au général suédois et la lettre d’envoi à la maréchale ; ce sont des pièces du plus grave intérêt et qui désormais appartiennent à l’histoire.


Ratzbourg, 11 septembre 1813.

On assure que ce misérable Moreau a été tué dans les affaires de Dresde : il ne méritait pas cette mort. La postérité en fera justice, ainsi que de tous ces misérables ambitieux qui sacrifient à leur passion patrie et religion. J’ai eu occasion d’exprimer hier ces sentimens à un grand ennemi. Demain je t’enverrai sa lettre et copie de ma réponse.


Réponse à M. le général Wegesach.


Ratzbourg, 10 septembre 1813.

Monsieur le lieutenant-général, votre lettre de Wismar à Son Excellence le général commandant les troupes danoises à Lubeck a été envoyée à M. le maréchal prince d’Eckmühl, commandant les troupes françaises et alliées sur le bas Elbe.

Son Excellence a ordonné de faire prendre des informations sur le fait qui fait l’objet de votre lettre, c’est-à-dire l’incendie de quelques maisons de Schönberg, Son Excellence ne tolérant à la guerre que le mal nécessaire.

Si ce fait n’est point le résultat de ces malheurs qui sont si fréquens et qui ont toujours fait de la guerre un véritable fléau, il sera fait justice des coupables.

M. le maréchal, du reste, n’a pu voir qu’avec plaisir, mais sans étonnement, combien les usages barbares d’incendier le pays révoltent un général suédois, quoique ces maximes aient été tout récemment proclamées par des gouvernemens avec qui l’empereur Napoléon est en guerre.

Son Excellence m’a ordonné aussi de vous faire observer, sur votre exposé que la guerre ne se fait de la part des nations alliées et européennes contre l’empereur et roi noire souverain que pour la liberté et l’indépendance, que la postérité jugera si c’est là le véritable motif de cette guerre ou si elle n’est point enfantée par l’esprit monopoleur des Anglais et suscitée par quelques ambitieux qui sacrifient à leurs passions religion et patrie. J’ai l’honneur, etc.

signé : CÉSAR DE LA VILLE.


Ratzbourg, 12 septembre 1813.

Je t’envoie, ainsi que je te l’ai annoncé, la traduction de cette lettre du général suédois et copie de la réponse que je lui ai fait faire, le tout pour toi seule. Chaque jour de mon existence avec toi m’a donné la conviction de ta discrétion et du prix que tu attaches à ce que je t’apprécie sous ce rapport. Ne vois pas dans les derniers mots de la réponse l’expression d’un sentiment ou d’une passion personnels. Je ne suis pas plus exempt de petites passions que les autres hommes ; mais je les combats avec bien du soin, et dans cette circonstance, si j’ai signalé ce misérable Bernadotte, c’est par la conviction où je suis qu’il est un des artisans de la guerre actuelle. Je me rends la justice que je n’ai jamais consulté mes affections particulières lorsqu’il a été question de mon souverain. Je n’ai jamais eu contre cet homme le moindre fiel ; je l’ai méprisé, lorsque j’ai eu connaissance — et des preuves — de son excessive vanité et qu’il n’avait que l’apparence des bonnes qualités. Tous les coups de canon qu’il fait tirer contre l’empereur et les Français sont autant de titres qu’il acquiert au mépris de la postérité. Cet homme doit tout à l’empereur et au sang des Français ; l’empereur a exercé envers lui les plus grands actes de clémence ; — cela ajoute à l’infamie de sa conduite ; j’espère que la justice divine se montrera sévère à son égard.


Une seule expression de cette terrible haine ne lui suffit pas ; il y revient à plusieurs reprises, et chaque fois pour l’accentuer davantage. Sur la fin de ce même mois de septembre 1813, le bruit d’une déroute du prince de Suède courut à Paris, sur quoi la maréchale fait part à son mari de cette petite scène d’intérieur où se reflètent d’une manière significative les passions du temps. « Léonie (la fille cadette de Davout), entendant dire que le prince de Suède a été battu complètement, a dit : « Il a trahi l’empereur, qui lui a fait tant de bien : il faudrait le pendre ! — Mais pourquoi ne veux-tu pas qu’il meure d’un boulet ? — Parce qu’il y a trop de braves qui meurent comme cela ! » À ce mot de sa fille, Davout répond par ce commentaire fort bref, mais d’une inexorable précision : « Les réflexions de Léonie m’ont fait plaisir. Elle a exprimé une idée juste : un traître ne devrait finir, — quel que soit son rang, — que par la main du bourreau et non de la mort des braves. »


ÉMILE MONTEGUT.

  1. Louis, second fils du maréchal, avait été surnommé par ses parens Bouton de rose en souvenir de la mélancolique anecdote que nous avons rapportée plus haut.