LE MIRACLE DE SAINT NIL

FRESQUE DU DOMINIQUIN (NÉ EN 1581, MORT EN 1641). COUVENT DE GROTTA FERRATA

Le jeune possédé peint par le Dominiquin ne se débat pas. Un homme seul le soutient par derrière pour l’empêcher de tomber plutôt que pour le contenir ; il n’en présente pas moins tous les caractères de la « grande attaque » sous son mode qui parait être le plus fréquent chez les jeunes garçons, c’est-à-dire représentée par la phase des « contorsion » de la deuxième période.

L’attitude figurée par le Dominiquin n’est autre que celle que nous avons désignée sous le nom « d’arc de cercle ». Tout le tronc rigide est courbé en arrière, les membres inférieurs contracturés dans l’extension ne reposent que sur les gros orteils ; on remarque, en outre, un léger degré de rotation en dedans ; la tête elle-même, légèrement tournée de côté, paraît ramenée de force en avant par l’aide. La convulsion a envahi aussi la face ; les yeux sont convulsés en haut, et la bouche est ouverte. L’introduction de l’index de l’exorciste dans la bouche nous permet de supposer que la mâchoire inférieure est immobilisée en cette situation par la contracture. L’attitude des bras est la seule partie de cette figure qui, dans l’hypothèse où nous nous plaçons, puisse donner prise à la critique. Nous savons, en effet, que pendant la « contorsion », les poings sont d’ordinaire fermés et les avant-bras plutôt en supination qu’en pronation.

Charles Bell, l’éminent physiologiste, rapproche l’attitude du jeune possédé du spasme opisthotonique du tétanos.

« Ce serait, dit-il, la vraie position de l’espèce de contraction musculaire ou de tétanos appelée opisthotonos, parce que le corps est renversé en arrière, si les mains n’étaient pas déployées, les doigts ouverts et la mâchoire abaissée. Pour que la représentation fût tout à fait naturelle, il aurait fallu que le démoniaque grinçât les dents. »


LE MIRACLE DE SAINT NIL[1]
Fresque du Dominiquin dans le couvent de Grotta Ferrata.

Charles Bell donne comme point de comparaison le dessin d’un soldat atteint d’opisthotonos à la suite d’une blessure à la tête. Nous avons reproduit ce dessin. Il établit les caractères qui différencient cette attitude opisthotonique de « l’arc de cercle ».

C’est à l’hystérie, pensons-nous, qu’il convient de rattacher l’attitude donnée par le Dominiquin à son jeune démoniaque. Les critiques de Charles Bell tombent alors d’elles-mêmes ; l’arc de cercle hystérique peut exister avec l’ouverture de la bouche et l’écartement des membres supérieurs. D’ailleurs, tout porte à faire croire que le Dominiquin a pris son modèle sur la nature, et le spasme silencieux du véritable tétanos offre bien peu de prise à l’interprétation démoniaque.


VÉRITABLE OPISTHOTONOS
D’après Ch. Bell. L’esquisse originale est au collège des chirurgiens d’Édimbourg[2].

  1. Il existe à Paris, dans l’escalier de l’école des beaux-arts, une copie de cette œuvre remarquable.
  2. « J’ai pris ce dessin sur des soldats blessés à la tête de la bataille dans Coronne. Trois hommes étaient semblablement atteints, et dans un espace de temps assez court présentèrent les mêmes symptômes, de sorte que le caractère ne pouvait être méconnu » (The anatomy and philosophy of expression as connected with the fine arts by Sir Charles Bell. London, 1847).