Les Démoniaques dans l’art/p48
SAINT BENOIT GUÉRISSANT UN POSSÉDÉ
L’École bolonaise nous donne deux représentations de démoniaques, deux fresques, l’une de la main de Louis Carrache, l’autre du Dominiquin son élève. Nous n’avons pas ici à apprécier dans son ensemble l’œuvre des Carrache, dont la fortune a subi des alternatives si diverses, ni à établir, à ce point de vue, de parallèle entre le maître et l’élève. Néanmoins la comparaison s’impose entre les deux peintres qui traitent un même sujet, et peut-être les considérations dans lesquelles nous allons entrer fourniront-elles à la critique de nouveaux éléments d’appréciation.

Dessin au trait d’après une photographie de Simone Cantarini d’après une fresque de Louis Carache, dans le cloître de Saint-Michel in Bosco, à Bologne [1].
La fresque de Louis Carrache est dans le cloître de Saint-Michel in Bosco, à Bologne. Elle représente saint Benoit guérissant un possédé. L’énergumène se débat, maintenu et porté par deux hommes. Le désordre des vêtements qui laissent la poitrine à nu, les mouvements . désordonnés des jambes et la saillie de la langue sont, à notre avis, les points les plus intéressants et qui méritent d’être signalés. Mais les membres supérieurs, les mains ouvertes tendues la paume en avant, ont une attitude absolument opposée à toute idée de convulsion ; la figure elle-même, à part la saillie de la langue déjà signalée, n’offre aucun trait caractéristique ; enfin les membres inférieurs, malgré leur agitation apparente, ne portent aucune marque tant soit peu précise des spasmes ou contractures habituels aux crises démoniaques. Qu’il y a loin entre cette figure prétentieuse et pleine d’emphase et le jeune possédé du Dominiquin dont l’attitude si simple et cependant si vraie nous montre — avec les yeux convulsés en haut, le renversement rigide de tout le corps en arrière, l’extension forcée des pieds — des signes absolument typiques et conformes à la réalité.
Nous n’hésitons donc pas à placer, à notre point de vue spécial, le possédé du Dominiquin
bien au-dessus de celui de Louis Carrache.
- ↑ Nous devons cette photographie à l’obligeance du Dr Tommaso-Tommasi de Florence.