Texte établi par B. V. (Bagneux de Villeneuve, alias Raoul Vèze), Bibliothèque des Curieux (p. i-iv).
Introduction

Les Cousines de la colonelle, Bandeau de début de chapitre
Les Cousines de la colonelle, Bandeau de début de chapitre


INTRODUCTION


Les Cousines de la colonelle, Vignette de chapitre
Les Cousines de la colonelle, Vignette de chapitre


En 1880, le « naturalisme » battait son plein ; c’est cette année, on ne saurait l’oublier, que parut la Nana de Zola : ce fut un triomphe.

Plus modestement, à la même date, du moins dans le courant de la même année, apparaissait un tout petit volume de quelque cent soixante-dix pages, au titre modeste : Les Cousines de la Colonelle, mais avec un sous-titre tirant l’œil comme une enseigne : « Roman galant naturaliste », et une signature incendiaire : « La Vicomtesse de Cœur Brûlant ».

On s’arracha les quelques exemplaires de cette historiette libertine, qui ne pouvait prétendre aux tirages multimillionnaires de sa grande sœur Nana. Et, tout de suite, on chercha à percer le pseudonyme de la vicomtesse. La voix publique, ou du moins les privilégiés admis à cette lecture risquèrent des noms ; ce fut un petit jeu passionnant. Et l’on eut trop vite fait peut-être de prononcer le nom d’un écrivain de talent indiscuté qui, plus tard, devait être victime de son amour pour les sciences occultes, mais qui disparut en laissant une trace durable dans les lettres, dans le roman, dans le conte.

Sans doute, rien d’étonnant à ce qu’un écrivain de race se soit essayé — victorieusement d’ailleurs — à pousser plus loin encore le « naturalisme » si fort à la vogue à ce moment. Nous pourrions aisément citer de nombreux exemples de ces libertines fantaisies. Mais encore ne faut-il pas exagérer cette hypothèse et affirmer une paternité qui ne fut jamais, croyons-nous, acceptée par le véritable intéressé.

En tout cas, le roman est, littérairement parlant, d’une incontestable valeur ; il semble même avoir été revu, çà et là, par une plume de maître, comme celle, par exemple, de l’auteur de Une vie. C’est une œuvrette qu’on n’oubliera pas : elle date. Libre certes, libertine même, mais sans grossièreté, avec, au contraire, une remarquable délicatesse de touche.

La colonelle et ses deux jeunes cousines gagnent notre sympathie dès les premières lignes : l’existence calme, presque retirée, de ces trois femmes, l’une ayant vécu sa vie de femme d’officier, et de « femme » aussi, les deux cousines attendant la vie, voulant inconsciemment l’amour, et le trouvant en des milieux divers, en des liaisons légales d’un côté, illégales de l’autre… ce n’est point là du romanesque échevelé. Au reste, les tableaux sont simples, sans lourdeur, agréables toujours, exquis parfois. C’est une œuvre qu’on relira toujours avec plaisir.

Elle fut éditée pour la première fois en 1880, sous la firme : Lisbonne, chez Antonio da Boa Vista, en réalité par Jean Gay et Mme  Doucet, à Bruxelles.

Son succès fut si grand que, quelque temps plus tard, Mme  Doucet, s’étant séparée de son associé, apportait de nouveau l’œuvre au public, mais alourdie d’un second volume, qui ne nous paraît point porter la marque de l’auteur du premier. D’ailleurs, ce second volume forme une addition, non une continuation, aux aventures des cousines, lesquelles, rendues libres par la mort du mari et le lâchage de l’amant, sont devenues d’un libertinage romanesque et presque romantique.

Cette deuxième édition, en deux volumes, parut en 1885 avec un frontispice de F. Rops, représentant une scène érotique de flagellation.

Depuis, les deux volumes ont été réimprimés assez fréquemment, mais sans grand souci typographique, et le plus souvent avec de mauvaises gravures libres. Toutes ces éditions ont été rapidement épuisées : le lecteur des pages qui suivent en comprendra aisément la raison.

B. V.

Les Cousines de la colonelle, Vignette de fin de chapitre
Les Cousines de la colonelle, Vignette de fin de chapitre