LES COUPS



Tout homme ici bas a sa part
Des coups qui menacent la vie ;
Le joueur craint ceux du hasard.
Le riche craint ceux de l’envie,
L’ennemi craint ceux du canon,
Le poltron craint les coups de canne,
Et l’homme à talent est, dit-on,
Sujet au coup de pied de l’âne.

Un coup de tête bien souvent
Aux jeunes gens devient funeste ;
Un coup de langue est du méchant
L’arme qu’à bon droit on déteste ;
L’espérance du laboureur
Par un coup de vent est trompée ;
Un coup de patte à son auteur
Parfois attire un coup d’épée.

Un coup de théâtre mal fait
Indispose tout un parterre,
Et l’acteur, au coup de sifflet,
Est frappé d’un coup de tonnerre ;
Les coups fourrés ont des attraits
Pour la beauté la moins friponne ;
Mais, chez elle, on sait que jamais
Un coup manqué ne se pardonne.


Tout fiers de leurs nouveaux succès,
Nos riches étonnés de l’être,
Se vantent que leurs coups d’essais
Ont été de vrais coups de maître.
Mais de la fange étant sortis,
Malgré l’état de leurs carrosses,
La poussière de leurs habits
Résiste à tous les coups de brosses.

Il est des coups que ne craint pas
L’amant bien épris de sa belle ;
Un seul coup-d’œil lui dit tout bas :
« Au coup de minuit sois fidèle. »
Minuit sonne : au coup de marteau
S’ouvre la porte clandestine,
Et ceints de l’amoureux bandeau,
Ils font leurs coups à la sourdine.

Chers amis, comme en vous chantant
Coup sur coup six couplets, je tremble
D’avoir perdu des coups de dent.
Buvons au moins un coup ensemble ;
Si de ma chanson sur les coups
L’assommante longueur vous lasse,
Je consens, par pitié pour vous,
À vous donner le coup de grâce.