A Hélio-Foutropolis (p. 14-21).

Les Costumes théâtrales, 1793, bandeau début de chapitre
Les Costumes théâtrales, 1793, bandeau début de chapitre
LES ACTEURS SURPRIS,
OU
L’EFFET DU COSTUME.
CONTE II.
En Vers, en Prose et en Chants.

Amis lecteurs, oui je reprends la plume,
Pour vous conter un trait original,
Qui par l’effet du séduisant costume,
Mit les appas d’un tendron fort à mal ;
Pensa causer très-fâcheuse aventure,
Et d’un beau nœud fomenta la rupture.

A Marseille, on le sait, ce sont des actionnaires qui ont l’entreprise des plaisirs publics, j’entends de ces plaisirs prodigués au théátre ; mais je dois observer que s’ils payent généreusement les appointemens des actrices et danseuses, celles-ci ; par reconnoissance se livrent à eux sans discrétion.

Dans ce lieu point d’accès,
Sans se trousser la cotte,
Point de brillans succès.
Sans présenter sa motte,
Soit jeune femme ou fille,
Doit commencer par là,
Et branler la béquille,
Du père Barnaba.

Cet exposé fini, je viens à mon sujet,
Et vais vous raconter en auteur très-discret,
Quoique ma Muse soit un tantinet libertine,
Le désastre arrivé certain jour par la pine.
D’un acteur admiré pour son talent fameux,
Et le con d’un objet de mille et mille vœux,

Habiller mon récit et de prose et de vers ;
Sans outrager ces esprits de travers,
Et pour me mettre au ton qui règne dans la ville,
Joindre à cet ambigu, l’aide du vaudeville.

C’était pendant une soirée d’Eté que se représentait sur le théâtre que je viens de citer, le Cid immortel de l’immortel Corneille. La chambrée complette animait les acteurs et l’aimable Virginie y faisait des miracles.

Chacun pour Virginie eût usé plus d’un cierge,
Chacun bandait enfin pour cette fausse vierge,
En oubliant Climène et l’auteur et l’esprit
Chacun lui consacrait et son cœur et son vit.
L’actionnaire en rut quittait peu sa l’orgnette,
Disoit oui, je l’aurais, en gratant sa roupette.

Sans doute en ce moment il pensait à son droit d’action ; mais ce n’est pas pour lui que le four chauffe ; en voici la raison.

De Rodrigue[1] l’acteur chargé du personnage,
A la belle en secret, offrait un pur hommage.
Et tout en insultant ce beau persécuteur,
De mon con, disait-elle, il sera le vainqueur.
J’en atteste les Dieux ; et sans plus passer outre,
Par ce héros ce soir, oui je me ferai foutre ;
Et si cela n’est pas, que puisse ce mouchoir,
Que je tiens à la main, se changer en chauffoir.

Air : Des fraises.

Rodrigue de son côté,
Pensait à la foutaise.
Pour sa Climène il bandait,
Et d’avance il déchargeait.
A l’aise, à l’aise, à l’aise.

Je touche à ce fatal dénouement, à cette fameuse catastrophe, dont aucun foyer de comédie n’a fournit nul exemple. Pas même Celui de l’Estrapade. Le spectacle fini. C’est-à-dire le Cid. Virginie et Florval, tous deux dans la coulisse, encore dans leur costume espagnol, s’approchèrent l’un de l’autre, et se dardèrent le baiser le plus l’ascif et le plus amoureux, je dis darder, parce que la langue y joua son jeu, puis Virginie parodia cette scène.

VIRGINIE.

Rodrigue as-tu du cœur.

FLORVAL.

Si j’étais sur ton lit, tu le verrais sur l’heure.
Et sans de tes beaux bras, vouloir me dégager,
Tu me verrais bander, foutre et décharger.

VIRGINIE.

J’en accepte l’augure, ah ! suis-moi dans ma loge,
Viens à grands coups de cul consommer ton éloge.

Qu’on juge de la suite de mon conte, qui cependant est une vérité. On ne doit pas avoir oublié, que notre actionnaire jaloux, suait dans son harnois, et voulait à tel prix que ce fut, le poser à sa Virginie, mais serviteur, la place était prise. Se faisant escorter par un valet de théâtre, connaissant les détours tortueux du ceintre. Il arriva à pas de loup s’exécutait le sacrifice.

Il frappe doucement, aussi-tôt on prononce,
Va donc, mon cher ami, enfonce, enfonce, enfonce.
En ouvrant pour toi seul la route du plaisir,
Tu connaîtras ma flâme et mon plus cher desir.

Aussi-tôt dit, aussi-tôt fait, le vieux paillard prit pour un ordre ce qui n’était qu’une exclamation de l’amour (il pousse d’une main téméraire les planches mal assurées ; mais quel objet, grands dieux !

Rodrigue sur Climène était tout étendu,
Et son vit dans son con qu’il avait pourfendu,
Aux regards découvrait de cette belle actrice,
L’orifice sanglant d’une chaude matrice,

Quoi ce dit le ribaut dans l’excès du courroux,
Je viens ici pour foutre, et je vois qu’on y fout,
Tirons-en promptement une sûre vengeance,
Tu sortira d’ici sans nulle récompense.
Dit-il à Virginie, ôte-toi de ces lieux,
Tu connaîtra l’effet d’un vit trop furieux,
Et toi mon cher jasmin, toi mon commissionnaire,
Viens m’aider à pleurer le sort d’un actionnaire.

L’un et l’autre s’en furent déplorant leur mal-encontre, je ne sais comment se termina cette scène, probablement par le désespoir des uns, et le plaisir des autres ; car deux amans jeunes et vigoureux, ne reculent point en cas pareil, mettez-vous à leur place.

  1. Rodrigue et Climène, Héros et Héroïne du Cid.