A Hélio-Foutropolis (p. 7-13).

Les Costumes théâtrales, 1793, bandeau début de chapitre
Les Costumes théâtrales, 1793, bandeau début de chapitre
CONTE Ier.
CRISPIN POURVOYEUR
OU EN DEUX COUPS CELA S’ENFILE.
Histoire vraie, en Vers, mêlé de couplets

Certain Crispin d’une jolie figure,
Joyeux, alerte et par-tout gémissant,
Fatigué de l’emploi si pénible d’amant
Y voulu joindre autre caricature.
Et voulant essayer de tâter du bonheur
Il commença par être pourvoyeur,
Une rose à peine éclose,
Lui inspira ce tems noble desir,
Et ne trouvant rien si beau que la chose,
Il se soumit tout entier au plaisir,
Se réservant le droit de protecteur,

Des maquereaux n’est-ce pas là l’usage ?
Des comédiens n’est-ce pas l’avantage,
Que de vendre à tout prix ces aimables beautées,
Dont les cœurs et les sens, sont vraiment enchantées.
C’est à Lyon où je fixe ma scène,
Qu’une innocente et jeune Melpomène,
Ne pouvant au tripot contenter son destin,
Dit, si tel est mon sort, je veux être putain,
Et de mon con brûlant telle est l’aveugle rage,
Que même en m’en servant je veux paraître sage,
Prouver à tous miché que je suis en vertu,
L’exemple de tout con qui n’a jamais foutu,
Au théâtre et par-tout jouer de la matrice
Mieux que ne fit jamais la Gaussin, cette Actrice
Si célèbre en talent, dont Paris convaincu
Admirait le savoir, et révêrait le cul.

En fille d’esprit,
J’ai fait choix d’un vit,
Au théâtre, c’est l’usage.
Il est aussi dit,
Qu’il faut à profit,
Jouir de cet avantage.
Un jeune amant,
Et de l’argent,
Courage.
Pourquoi pas deux,
C’est à mes veux,
Hommage.
Quel heureux destin,
Je vais donc enfin,
Profiter de mon jeune âge.

C’est ainsi que parlait la jeune Rosalie ;
Mais pour objet de sa tendre folie,
Connaissant le besoin qu’elle avait de choisir,
Pour accorder l’intérêt, le plaisir,

Elle pria son jeune ami Crispin,
De vouloir bien se charger de la peine,
De bien fixer sa démarche incertaine,
Pour s’assurer le plus heureux destin.
Or, ce Crispin dont j’ai peint l’encolure,
Vous le saurez, était par aventure,
Aussi mauvais sujet que tous ceux de Paris,
Qui par-tout se font jeu de tromper les Houris,
Des théâtres fameux de notre capitale,
Pour joindre à leurs plaisirs fortune sans égale.
Celui-ci profita de cette occasion,
De Rosalie il était las du con,
Mais non pas de l’argent qu’il lui pouvait produire,
Réfléchissant à ce qu’il devait prédire,
D’un ton grave il répond à notre jeune actrice,
Ecoutez en deux mots mon oracle certain,
Toute femme au théâtre doit être une putain,
Et l’amour de leurs cons veut le grand sacrifice.

Un pucelage appartient au confrère,
En tout pays, c’est la règle du lieu,
Point de raisons, il n’est pas de milieu,
Sans parjurer le serment ordinaire.
Après cela libre de vos appas,
Et quand l’honneur a pu sauter le pas.
L’amour s’envole, il faut de la fortune,
Et sans s’embarasser quel peut être l’amant,
Ne foutre désormais que pour beaucoup d’argent.
Livrer vos culs, vos cons ; à la seule pécune,
M’entendez-vous, mais il faut un ami,
Un grelucbon, sur pied de favori,
A qui, pour prix de son juste mérite,
Vous fournirez chez vous une bonne marmite.
Et qui lors à son tour sans doute foutera,
Chaque fois votre con que faire il le pourra.
Je serai cet ami profitez de ma couille,
Trop heureux du payant d’obtenir la dépouille.

Air : L’amour en capuchon.

Notre amour sans aucun écrit,
L’emportera sur la tendresse,
D’un autre payant par foiblesse,
Pour vous présenter son vit,
D’un maquereau c’est l’aventure,
Mais croyez que dans le besoin ;
Votre bon ami Crispin,
Votre bon ami Crispin,
Ferait la couverture.

Le marché fut conclu et dès le même soir,
Crispin se mit au champs pour combler cet espoir.
Un jeune adolescent émoulu du collège,
Du sort le plus heureux usait du privilège,
Et dans tous les foyers d’un amoureux délire,
Allait par-tout cherchant son complaisant,
Qui voulût lui ravir son cœur et son argent,
Crispin le pourchasse, lui vanta Rosalie,
Ses appas, et sur-tout sa sagesse infinie.

Le jeune freluquet mordit à l’hameçon,
Et promit trente louis pour lui tâter le con.
Elle est à vous, dès ce soir, dit le drôle,
Je la conduis, comptez sur ma parole.
Je baisse le rideau, sur cette heureuse nuit,
Fouteur fringant que le plaisir séduit.
Ne laisse pas un jolie con en friche,
A ce doux jeu, non plus tendron ne triche,
Mais le plaisant Crispin, ce fortuné gaillard,
Des trente louis, eût quinze pour sa part.

Benè valeo.

Les Costumes théâtrales, 1793, vignette fin de chapitre
Les Costumes théâtrales, 1793, vignette fin de chapitre