Les Contes de Canterbury/Avertissement

Traduction par collectif.
Texte établi par Émile LegouisFélix Alcan (p. vii-viii).



AVERTISSEMENT



Les traducteurs ont adopté les règles suivantes :

1o Emploi du texte des Contes de Canterbury, publié par Mr. W. W. Skeat dans son Student’s Chaucer (Oxford Clarendon Press, 1895), le meilleur texte existant, presque définitif. Ce texte a été suivi fidèlement, mais non servilement, et les traducteurs ont cru devoir s’en séparer, en de très rares occasions, surtout en ce qui concerne la ponctuation adoptée par le critique. Ils ont en revanche rigoureusement reproduit l’ordre et le numérotage des vers ; ils ont adopté la même division en groupes de ce poème inachevé et fragmentaire, chaque groupe étant formé des récits qui se suivent sans interruption ; où il y a cassure, commence un groupe nouveau. Grâce à cette conformité avec le Student’s Chaucer (et aussi avec le Globe Chaucer, semblablement divisé), les lecteurs soucieux de comparer le français avec l’original pourront se reporter aisément au texte anglais.

Les traducteurs adressent à Mr. Skeat et à la Clarendon Press leurs remerciements pour la courtoisie avec laquelle ils ont été autorisés par eux à faire usage de l’édition susdite.

2o Notes réduites au strict nécessaire et uniquement consacrées à l’explication des difficultés de sens (allusions obscures, coutumes locales et anciennes, termes vieillis, etc.) ou encore à l’indication des sources auxquelles Chaucer a puisé. Pour l’établissement de ces notes, l’édition en 6 volumes des œuvres de Chaucer, publiée par Mr. Skeat (Oxford, 1894), a fourni les plus précieux éléments.

3o Traduction linéaire, vers pour vers, d’où un style sans doute moins coulant, mais en revanche plus fidèle et peut-être plus savoureux, moins de disparates aussi dans un ensemble où plusieurs mains collaborent. Quelques faciles archaïsmes de tours et de mots ont été généralement conservés en vue de rappeler l’âge du poème et la naïveté d’une composition primitive. D’autre part, étant donnée la diversité de forme des Contes écrits par Chaucer, il a paru qu’il n’y aurait nul inconvénient à admettre un peu de cette diversité dans la traduction elle-même ; sans aucun sacrifice d’exactitude, quelques contes ont été coulés en lignes parisyllabiques, sans rime : ceux de l’Intendant, du Marinier et de la Prieure, ainsi que le Prologue de la Femme de Bath.

Les traducteurs seront reconnaissants de toute rectification qui leur sera suggérée. Il était à peu près impossible d’atteindre du premier coup à une traduction exempte d’erreur. Depuis l’impression du début du volume, en septembre 1906, un premier essai de révision a été fait, portant surtout sur le Prologue, partie à la fois la plus étudiée et la plus difficile du poème. On trouvera à la page 525 les corrections et additions faites depuis l’impression.

Toutefois la traduction n’est pas uniquement génératrice d’erreurs. Elle force à passer le sens dans un crible plus sévère que celui du commentateur le plus appliqué. Elle aperçoit des nuances de termes et des subtilités de logique qui échappent souvent au lecteur de l’original. Aussi est-il à espérer que, dans le nombre des changements apportés aux explications courantes (parfois paresseusement admises), il en sera quelques-uns qui pourront servir à l’interprétation définitive du texte.

L’accueil fait à la première moitié de ce livre permet de croire qu’il vient à son heure et comble une lacune enfin devenue sensible. Le premier Groupe des Contes, paru en fascicule dans un numéro supplémentaire de la Revue Germanique, a été honoré par l’Académie française d’une partie du prix Langlois. Deux articles du regretté professeur Émile Gebhart, l’un dans le Gaulois du 23 avril 1907, l’autre dans les Débats du 11 mars 1908, attestent l’intérêt avec lequel ce connaisseur consommé de Boccace et des nouvellistes italiens du xive siècle suivait l’entreprise, en même temps qu’ils témoignent de son admiration pour le génie original du conteur anglais qui lui était tardivement révélé. De l’autre côté de la Manche, un chaleureux article de Mr. Cloudesley Brereton, dans l’Academy du 25 janvier 1908, déclarait la sympathie des Anglais pour l’œuvre en cours.

Il est d’ailleurs difficile de ne pas voir un indice signalé du progrès des études de langues vivantes chez nous, dans le nombre, la compétence et le zèle des collaborateurs qui se sont unis spontanément en vue de mener à bien une œuvre longue, délicate, exigeant la connaissance de la vieille langue anglaise, et toute désintéressée.

La Société pour l’Étude des Langues
et Littératures modernes.