Les Contemporains/Première série/Avant-propos
Voici quelques-uns des articles que j’ai fait paraître dans la Revue bleue. Je ne pense pas qu’il s’en dégage encore ni une doctrine littéraire, ni une philosophie, ni une vue d’ensemble sur la littérature contemporaine. Ce ne sont que des impressions sincères notées avec soin. Il sera toujours temps, quand elles seront beaucoup plus nombreuses, d’en tirer des conclusions. En attendant j’ai le plus possible sous les yeux cette aimable définition :
« L’esprit critique est de sa nature facile, insinuant, mobile et compréhensif. C’est une grande et limpide rivière qui serpente et se déroule autour des œuvres et des monuments de la poésie, comme autour des rochers, des forteresses, des coteaux tapissés de vignobles et des vallées touffues qui bordent ses rives. Tandis que chacun des objets du paysage reste fixe en son lieu et s’inquiète peu des autres, que la tour féodale dédaigne le vallon et que le vallon ignore le coteau, la rivière va de l’un à l’autre, les baigne sans les déchirer, les embrasse d’une eau vive et courante, les comprend, les réfléchit, et, lorsque le voyageur est curieux de connaître et de visiter ces sites variés, elle le prend dans une barque ; elle le porte sans secousse et lui développe successivement tout le spectacle changeant de son cours. »
(Sainte-Beuve, Pensées de Joseph Delorme.)
J. L.