I

AMIS ET ENNEMIS


Le marquis de Bejar, Espagnol immensément riche, donna un matin un déjeuner, après lequel on joua. À cinq heures de l’après-midi, un de ceux qui étaient là, M. du Quesnoy, avait perdu quatre-vingt mille francs. Rarement on vit un plus beau joueur. Il ne sourcilla pas. Quelques amateurs de mouvements passionnés, qui surveillaient curieusement son visage, y saisirent au passage à peine de légères et rapides contractions.

Néanmoins cette perte au jeu, si galamment supportée, fut pour M. du Quesnoy le point de départ de divers événements qui influèrent gravement sur sa vie.

Le même jour, M. du Quesnoy alla passer la soirée chez une Mme  Desgraves, femme de beaucoup d’esprit, dont le salon était un des plus agréables et des plus recherchés de Paris.

Cette soirée avait lieu un peu en l’honneur d’un ami de cette dame, nommé Philippe Allart, qui revenait d’un long voyage en Asie, rapportant, avec un livre curieux dont on s’occupait, la réputation d’un homme courageux et intelligent.

Philippe Allart, qui faisait sa rentrée dans le monde parisien, trouva d’assez grands changements survenus parmi le personnel féminin surtout. Bien des jeunes filles s’étaient mariées et étaient devenues des femmes à la mode. Celles-ci avaient disparu, celles-là vieilli ; partout, après une absence de quelques années, il apercevait de nouveaux visages, et se sentait presque dépaysé.

Cependant, après avoir causé avec quelques anciennes connaissances et avoir été présenté par son amie, Mme  Desgraves, à tout ce qu’il y avait d’important chez elle, son attention commença à être singulièrement attirée par un groupe de trois jeunes femmes très remarquables par leur élégance. L’une d’elles, il l’avait vue jadis, il l’avait connue. Mais où ? Ce n’était plus la même physionomie que celle qu’il entrevoyait vaguement dans ses souvenirs.

Peu à peu il s’était, pour mieux examiner, approché d’une table où il feignait de feuilleter des livres. L’intérêt de sa contemplation devint d’autant plus vif qu’il crut remarquer une sorte de querelle entre les trois jeunes femmes. Du moins, au geste, à un froncement de sourcils, à un sourire aigu, il le devinait. C’était contre celle qui le préoccupait que les deux autres paraissaient se liguer.

En même temps Allart vit qu’un tout jeune homme, un enfant presque, qui se trouvait comme lui à la table et semblait regarder des albums, fixait par moments sur la même personne, d’une façon pénétrante et ardente, ses grands yeux noirs.

Il eut l’idée de le questionner.

— Pourriez-vous me dire, monsieur, lui demanda-t-il en la désignant discrètement, qui est cette dame ?

Le jeune homme parut tout effarouché, rougit extrêmement, répondit cependant Oui ! avec un brusque effort, et se cacha, sauvage et presque impoli, derrière la couverture de son album. Mais Allart ne le laissa pas en paix.

— Vous ne me répondez pas précisément, reprit-il doucement en souriant, je vous demandais qui est cette dame.

Le jeune homme parut consterné de cette insistance. C’est… balbutia-t-il… Mme  du Quesnoy.

Ce nom ne remettait point Allart sur la voie. Il continuait à la regarder, cherchant toujours à fixer une image fuyante d’autrefois qui passait devant ses yeux.

— Ah ! dit-il soudain avec l’élan d’un homme qui a trouvé, n’est-ce point une des filles du baron Guyons ?

Il inspirait une visible défiance et causait surtout toujours un trouble profond à son jeune voisin. Celui-ci ne répondit que d’un signe de tête.

— Le baron Guyons, qui est paralysé ? continua Allart.

— Oui ! répliqua le jeune homme, dont le visage touchait presque entièrement au livre.

— Je vous ennuie peut-être beaucoup, reprit Philippe ; mais je ne suis plus du tout au courant des choses à Paris… Y a-t-il longtemps qu’elle est mariée ?

— Quatre ans !… lui fut-il répondu avec la même détresse.

Allart ne s’inquiétait plus de son voisin. Il était maintenant ému, troublé à son tour. Eh quoi ! il retrouvait maintenant pâle, triste, sévère et froide, du moins tel était l’aspect de la physionomie, cette jeune fille qu’il avait connue souriante, fraîche !

Et il y avait quelque raison pour qu’il fût ému. Françoise Guyons avait joué, sans le savoir, un rôle dans la vie d’Allart. Peu avant son départ pour son grand voyage, et bien qu’il l’eût encore rencontrée peu de fois, elle l’avait extrêmement frappé, et il avait songé souvent à demander la main de cette jeune fille qui lui plaisait.

Des circonstances particulières l’obligèrent à entreprendre son voyage en Asie, mais une image qui ne s’effaça point, resta dans ses yeux et dans son cœur, à l’insu, du reste, de Mlle  Guyons.

Allart ne tarda pas à se renseigner auprès de Mme  Desgraves, et il sut que les deux autres jeunes femmes qu’il avait remarquées auprès de Mme  du Quesnoy étaient l’une la vicomtesse Ballot, propre belle-sœur de cette dernière, et l’autre Mme  d’Archeranges, amie intime de la vicomtesse et sœur de ce jeune homme qu’il avait questionné.

Or, il entendit, étant, sans qu’on le vit, dans une embrasure de fenêtre, ces deux dames dire des railleries et des choses fort désobligeantes contre Mme  du Quesnoy. Mme  Desgraves non plus ne paraissait point faire grande estime de l’esprit de celle-ci.

Allart en fut blessé, et il eut presque aussitôt un autre motif de mécontentement, car à côté de Mme  du Quesnoy vint s’asseoir un homme de trente-cinq ans environ, assez beau, grand, distingué et d’air fin, qu’il avait entendu appeler le marquis de Meximiers. Bientôt, par toute son attitude, M. de Meximiers cria pour ainsi dire tout haut qu’il faisait la cour à la femme auprès de qui il se trouvait. Mais pour Allart il était évident qu’elle seule ne s’en apercevait pas.

Il pensa alors au mari. Est-elle bien mariée ? se demanda-t-il. Et ce changement, cette attitude glaciale, jusqu’aux allures du marquis, tout lui répondait non. Celui-ci ayant abandonné la place, Allart ne put résister davantage, et voyant un fauteuil vide près de Mme  du Quesnoy, il se dirigea vers elle, et se présentant, lui dit : — Je ne sais, Madame si vous vous rappelez un homme qui a eu l’honneur de vous rencontrer autrefois.

Elle l’arrêta par un air étonné et lui répondit avec un ton de grande froideur qu’elle le connaissait de réputation et par ses œuvres. Il n’eut plus la force de revenir au passé, et échangea quelques paroles banales.

On annonça M. Joachim du Quesnoy. Un homme encore jeune et fort élégant entra. Chose singulière, au premier aspect, Allart lui vit une figure un peu basse et insolente, marquant de mauvais instincts, puis fut fort surpris un instant après de ne plus retrouver la même impression.

M. du Quesnoy lui parut avoir au contraire de la sensibilité et de la mélancolie dans les traits. Ses yeux étaient charmants, pleins de franchise et de douceur. Le front bas et étroit, les lèvres et le nez minces, ne détruisaient pas le charme de souffrance ou de fatigue que donnaient à tout le visage deux plis assez profondément creusés sous les joues.

Après avoir salué tout le monde, M. du Quesnoy vint vers sa femme, lui fit un petit signe de tête familier, dit un bonjour souriant au marquis, toisa Allart des pieds à la tête. Celui-ci se leva pour lui céder la place, mais M. du Quesnoy alla auprès de la vicomtesse sa sœur, avec qui se trouvait Mme  d’Archeranges. Au bout de trois quarts d’heure, il fut évident pour Allart que M. du Quesnoy et Mme  d’Archeranges étaient fort bien ensemble, si évident, qu’à un certain moment Philippe se retourna presque involontairement vers Mme  du Quesnoy. Mais celle-ci avait toujours son air de souveraine indifférence.

Mme  Desgraves relança ensuite Allart pour le mettre au whist avec M. du Quesnoy. Au jeu, où le marquis faisait le quatrième, M. du Quesnoy fut très attentif, très habile, ne desserra guère les dents. Il perdit un millier de francs. Allart l’examina au moment où on quittait la table et crut lui voir la figure très altérée, mais cela passa si promptement qu’il en douta.

Philippe laissa partir tout le monde pour demander encore des renseignements à Mme  Desgraves, puis il rentra chez lui, l’esprit absolument retenu, fixé autour de ces deux personnes, Mme  du Quesnoy et son mari.

Le lendemain matin de très bonne heure, Joachim du Quesnoy arrivait chez M. Niflart, faiseur d’affaires très actif, et qui avait une belle clientèle de personnes riches voulant spéculer sans être en nom. M. Niflart était un homme mince, jeune, toujours vêtu de noir, portant du linge très fin, étalant sur son gilet une splendide chaîne d’or, et ayant les dehors les plus sérieux, avec une tournure presque distinguée.

M. du Quesnoy serra les mains de Niflart avec force, en entrant.

— Qu’est-il donc arrivé ? s’écria aussitôt l’autre.

— J’ai perdu hier quatre-vingt mille francs au jeu… dit Joachim avec des lèvres imperceptiblement tremblantes, mais en homme qui ne voudrait pas paraître trop atteint.

— Quatre-vingt mille francs ! répéta Niflart, qui faillit bondir…

— Et il faut qu’ils soient payés aujourd’hui ! Vous savez que je compte sur vous comme sur un frère… reprit Joachim dont le visage était devenu tout à fait inquiet.

M. Niflart vint à lui, et lui donna à son tour une grande poignée de main. Puis il se mit à marcher de long en large.

— Enfin, demanda Joachim, est-ce que vous ne…

— Ce n’est pas ça, ce n’est pas ça, mon cher ami, s’écria l’autre d’un ton aigu et plaintif, mais vous êtes réellement voué à une mauvaise chance ! Et laissant tomber ses bras… moi qui ai aussi une mauvaise nouvelle à vous apprendre et une très mauvaise même.

— Quoi donc ? demanda Joachim en pâlissant.

— Eh bien enfin vous êtes fort… Mieux vaut vous dire… nous perdons… voilà que vous perdez aussi cent mille francs sur ces actions que vous vous êtes obstiné à acheter, malgré mes conseils, ce mois-ci.

Il lui expliqua l’affaire rapidement, d’une manière saccadée.

M. du Quesnoy restait là, abasourdi, consterné. Bien aigu eût été l’observateur qui aurait pu démêler si l’homme d’affaires contemplait son client et ami avec une joie secrète ou avec un véritable chagrin.

— Ne pourrait-on regagner cela par quelque bonne affaire ? dit faiblement Joachim.

— En avez-vous une à m’indiquer ? demanda l’homme mince et pointu avec une espèce d’impatience.

L’autre se mordait les lèvres.

Après un instant de silence, M. Niflart s’écria : Nous ne pouvons point cependant vous laisser embourbé…

Avec un grand élan, M. du Quesnoy lui reprit les mains.

Niflart réfléchit : Eh bien dit-il, vous aurez les quatre-vingt mille francs aujourd’hui. Quant au reste, nous verrons, j’aurai peut-être une idée.

— Mon cher ami, murmura M. du Quesnoy, mon cher ami que de reconnaissance, que de remercîments s’écria-t-il avec un chaleureux éclat de voix, comment m’acquitterai-je jamais ?…

M. Ninart avait une attitude modeste et grave, et il répliqua d’un ton rapide, comme pour ne pas appuyer sur de telles choses : Ce n’est pas de mon argent, c’est celui de mes clients mais dans huit jours il sera remplacé. J’ai un projet dont nous reparlerons. Allons, voici des bons sur divers banquiers. Avant midi vous aurez payé votre dette.

— Allez, allez, ne perdez pas de temps, ajouta-t-il après lui avoir fait signer une reconnaissance.

M. du Quesnoy pressa l’homme d’affaires dans ses bras. Ivre de joie, il courut toucher ses bons. Et avant midi, comme le lui avait dit M. Niflart, il avait payé sa dette de jeu. Le soir tout le monde parla de cet événement dans les salons. Depuis longtemps il n’y avait eu une aussi forte perte à Paris. Du reste, c’était moins le chiffre du désastre que la rigide exactitude du paiement dont on s’occupait, car cette exactitude est en général une pierre de touche pour apprécier la fortune des gens.

Allart se trouva dans une maison, où, comme partout, il en fut question. Mais là, après les éloges accordés à la force d’âme et à l’exactitude de M. du Quesnoy, on supputa sa situation.

Sa fortune propre devait être ébréchée.

On parla aussi du dessein qu’avait M. du Quesnoy de la rétablir en obtenant quelque haut emploi diplomatique, et on finit par tourner quelque peu vers la raillerie en déclarant qu’il n’avait peut-être plus qu’une voie à tenter : celle de la fabrication des vaudevilles. On se moqua même tout à fait d’une pièce qu’il avait fait jouer, sans succès, au Palais-Royal, et la carrière théâtrale fut jugée de peu de ressources pour lui. Alors, l’héritage de sa belle-mère tomba sur le tapis.

Mme  Guyons, qui avait deux filles, leur avait donné à chacune huit cent mille francs en dot, et il leur restait à partager encore plus de deux millions. La véritable planche de salut de M. du Quesnoy était donc sa femme. On discuta les qualités respectives des deux époux, et Allart reconnut que décidément Mme  du Quesnoy était peu aimée, qu’on la considérait comme une personne à prétentions ridicules, ennuyeuses et désagréables. L’opinion de Mme  Desgraves était celle de tout le monde.

Allart dédaigna de prendre le parti de Mme  du Quesnoy. À la nature des assaillants, il jugeait que son propre et favorable sentiment était le seul juste. En même temps il commença à mal augurer du personnage de M. du Quesnoy.

Plus il pensait à cette femme, malgré le froid accueil qu’elle lui avait fait, et l’oubli où elle était arrivée de lui, et plus fort le reprenaient ses anciennes impressions d’affection et même d’enthousiasme. Il ne l’avait revue qu’un moment : il était sûr qu’elle était malheureuse, qu’elle était supérieure à tous ceux qui l’entouraient, et il se disait très sérieusement qu’il avait eu grand tort de ne pas l’épouser cinq ans auparavant, car il était l’homme qu’il lui fallait.

Ayant appris par Mme  Desgraves que peu de jours après il y avait une soirée chez les du Quesnoy, il demanda à sa vieille amie de l’y faire inviter, ce qu’elle obtint facilement.

Le matin de ce jour important pour Allart, M. du Quesnoy eut à son tour la visite de M. Niflart.

— Eurêka ! avait crié celui-ci dès la porte, et ils se livrèrent à de grandes effusions. L’homme d’affaires au visage pâle et aigu avait déniché un brave gros homme, grand propriétaire dont la tête se montait promptement au tambour des grandes entreprises. Niflart lui-même possédait une véritable éloquence quand il s’agissait de préparer un plan. Il s’en grisait et savait échauffer les autres. L’homme qu’il avait découvert était à la tête d’immenses terrains dans un pays pauvre et mal cultivé.

Ces terrains contenaient les plus précieuses ressources, des mines, des bois d’exploitation, ils étaient propres à toutes les cultures et à diverses industries. Y faire passer un chemin de fer et ils étaient vivifiés, assainis, peuplés, fertilisés, l’or en jaillissait à flots ! Il ne fallait qu’une chose, ce chemin de fer. Avec le crédit bien connu de la belle-mère de Joachim, femme d’un homme important qui aurait été ministre sans sa paralysie, femme de tête par excellence ayant su conserver les plus puissantes relations, tout était facile, sûr même.

Et c’était un projet philanthropique, généreux, grand, une conquête de la civilisation sur la barbarie, et Popeland donnerait tout ce qu’on voudrait ; et Ninart tint M. du Quesnoy presque haletant pendant qu’il lui développait ses combinaisons, la perspective d’avoir de l’argent bientôt, dont on se servirait en attendant. Mais le point le plus curieux de la conversation fut la fin, lorsque M. du Quesnoy, totalement convaincu, eut promis de faire tous ses efforts. Après de longues circonlocutions, puis un moment de silence, M. Niflart demanda à Joachim : Mme  du Quesnoy sait-elle votre perte ?

— Non, je ne pense pas ! d’ailleurs, cela n’aurait aucun inconvénient.

M. du Quesnoy, qui n’avait jamais encore parlé de sa femme à M. Niflart, fut inquiété par cette question dont il ne voyait pas clairement le motif.

— Vous êtes sous le régime dotal ? reprit M. Niflart.

— Oui, dit Joachim qui se demanda si l’homme d’affaires avait l’intention de proposer des spéculations à sa femme.

Mais M. Niflart continua :

Mme  Guyons laissera encore un million à chacune de ses filles ?

Joachim fit un geste qui indiquait un peu d’ignorance à cet égard.

— On est obligé d’être très bien avec sa femme, reprit M. Niflart crûment.

Joachim fut froissé d’abord, puis il se dit qu’il avait trop d’obligations à celui-ci pour ne pas lui témoigner désormais une entière confiance, dont l’homme d’affaires, il n’en doutait pas, serait très flatté.

Et puis Niflart lui était sympathique, comme l’est souvent plus petit que soi.

— J’ai de grands ennuis, dit-il à Niflart… Et il lui prit les mains avec sa vive effusion.

Niflart savait vaguement, plutôt l’avait-il deviné en venant depuis un hiver seulement aux réceptions de Mme  du Quesnoy, que Joachim du Quesnoy n’était pas très bien avec elle et s’était tourné du côté de Mme  d’Archeranges.

— Ne vous mariez pas, si vous pouvez faire autrement, continua M. du Quesnoy.

— En vérité ? dit Niflart, mais je vous croyais très heureux.

— Ah ! soupira Joachim avec lassitude et contrariété.

— Mais Mme  du Quesnoy est une personne si…

— Elle manque d’esprit, s’écria brusquement M. du Quesnoy. C’est le pire de tous les vices. Elle est fort rigide, mais que cela coûte cher !

— Quelquefois, dit l’homme d’affaires, la mésintelligence ne vient que de malentendus.

— Eh bien ! il n’y a jamais que des malentendus entre nous.

— C’est très fâcheux, dit Niflart, grave et pénétré.

— Elle me contrecarre à tort et à travers par entêtement, par ignorance, par amour-propre.

— Même dans les affaires ?

— Même dans les affaires, si elle pouvait.

Non-seulement M. du Quesnoy ne jugeait pas imprudent de communiquer quelques craintes à M. Niflart, mais encore il le faisait à dessein.

— Ma volonté est cependant toujours faite. Mais ces luttes mesquines prennent du temps, détournent une partie de l’esprit, quand il le faudrait tout entier aux choses importantes, continua-t-il.

— Oui, c’est fort difficile, reprit M. Niflart, et il n’y a que deux voies de dédommagement, la patience…

— Qui s’use.

— Ou une affection…

— Il m’a bien fallu employer ce moyen, dit Joachim avec un sourire, j’ai rencontré une personne parfaite, dont l’amitié me console de mes déboires.

Niflart, qu’amusaient les périphrases de M. du Quesnoy, feignit de les prendre au pied de la lettre.

— Amitié, dit-il, ce n’est pas assez…

— Eh bien, une amie… complète !

— Eh, vous êtes très fort, alors, pour l’avenir, dit vivement Niflart. Il n’y a que quelques soins à prendre. Les tracasseries de votre femme, compensées par les bontés d’une autre, sont nulles. Elles ne doivent plus exister pour vous. À moins que vous ne soyez amoureux fou de l’autre personne…

— Non, pas à ce point-là, dit négligemment Joachim.

— Tant mieux ! Eh bien, il ne s’agit que de faire quelques concessions à votre femme, jusqu’à ce que votre fortune se soit agrandie. Prend-elle avantage de ce qu’elle croit devoir être plus riche que vous ?

— Peut-être y a-t-il un sentiment analogue…

— Je vais être brutal. Dans une circonstance quelconque… celle d’une grande affaire, pourriez-vous obtenir de Mme du Quesnoy une avance, un prêt ?…

— Oh ! s’écria M. du Quesnoy, on dirait que je la dépouille.

— Mais si l’affaire était sûre…

— Le despotisme, le caprice féminin, ferait qu’elle refuserait.

— Et aucune influence ne pourrait la décider ? continua Niflart qui se disait : Ces gens ont tout entre les mains et ne savent pas s’en servir.

— Je n’en connais aucune, répondit Joachim… On ne peut l’y contraindre.

— L’y contraindre, non, mais l’y amener ! Voilà à quoi, vous, qui êtes un esprit très fin, vous devriez vous appliquer… Niflart tira sa montre… Pardon pour mes indiscrétions, ajouta-t-il, mais puisque nous devons nous considérer comme associés, il était nécessaire d’examiner toutes les possibilités dont nous disposons… Je vous quitte, très heureux, très reconnaissant de ce bon entretien de ce matin, qui a créé entre nous une véritable fraternité, dont je suis très honoré.

— À ce soir, répondit Joachim, toujours en lui pressant les mains, et comme un homme dont le cœur trop gonflé ne peut laisser échapper d’expressions assez fortes, assez complètes…

Comme M. du Quesnoy reconduisait Niflart, Françoise traversait le même salon et les rencontra. Niflart la salua avec une politesse tout à fait obséquieuse, et dit :

— J’ai l’honneur de présenter mes respects à madame du Quesnoy.

Elle le salua et passa sans répondre.

— M. Niflart vous parle, ma chère amie, dit sèchement Joachim, fâché que son ami ne fût pas mieux accueilli.

— Mais j’ai dit bonjour à monsieur, répliqua Françoise en souriant avec ironie, et elle disparut dans une pièce voisine.

— Qu’avez-vous donc ? dit Niflart à Joachim, Mme  du Quesnoy a été charmante.

Joachim, dépité, crut être raillé et ne dit rien. Les deux hommes se séparèrent. En bas, Niflart sauta dans un coupé où l’attendait M. Popeland, gros homme blond et bouffi, à l’air doux, sot et content, le grand propriétaire dont il s’agissait.

Joachim, resté seul, parcourut plusieurs fois un cahier laissé par Niflart, et marmotta : Ce Niflart me jouera quelque tour ! Bah ! peut-être le maintiendrai-je. Il s’habilla et sortit. Il alla déjeuner dans un café, puis se rendit chez Mme  d’Archeranges.

Il était onze heures du matin. Françoise se tenait en moment dans un petit salon attenant à sa chambre à coucher. Elle déjeunait de son côté avec une charmante personne, petite, délicate, d’une figure fine et vive, ayant des mouvements de chatte, une voix pareille à un joli timbre de clochette. C’était son amie la plus intime, sa seule amie, Mlle  Charlotte Guay, avec laquelle elle avait été en pension.

Charlotte Guay avait maintenant trente ans, et on l’aurait prise pour un enfant.

Ce matin-là, Françoise parlait de Joachim à Charlotte.

— J’ai encore vu ce matin cet homme, ce Ninart. C’est un être qui a une réputation équivoque. Il est désolant de penser en quelles mains se jette M. du Quesnoy. Quoi de plus fatigant et de plus irritant que de ne pouvoir lui faire concevoir ses erreurs ?

Françoise s’arrêta pensive.

— Je lui dois encore un nouveau désagrément. Un monsieur de Meximiers me poursuit et m’obsède. Il me forcera à me fâcher. Son intention est ridicule et basse. Tous ces hommes sont odieux. C’est un ancien ami de M. du Quesnoy.

M. du Quesnoy s’est mal conduit envers lui. Ils devaient partager un bénéfice… de l’argent gagné au jeu ou à la Bourse. M. du Quesnoy a gardé presque tout, prétendant que l’autre n’avait strictement droit qu’à une toute petite somme… Il y a déjà près d’un an de cela. J’ai vainement essayé de faire revenir M. du Quesnoy sur une détermination dangereuse et peu convenable. Il m’a répondu de son ton léger et sentencieux qu’il valait mieux contrarier tout à fait les gens que les contenter à demi. Maintenant ce M. de Meximiers veut me compromettre…

— Comment le sais-tu ? demanda naïvement Charlotte…, il peut être sincère…

— Eh ! que m’importerait la sincérité d’un homme que je ne puis estimer.

— Ah ! dit Charlotte, il est bien fâcheux que nous ayons été tellement trompées. Joachim était si aimable… qui aurait cru à une comédie ? Mais, ajouta-t-elle avec une vivacité décidée, pourquoi ne pas te consoler ?… je ne parle pas de M. de Meximiers… En vérité, une femme a bien tous les droits…

On aurait dit que Mlle  Guay parlait d’elle-même. Elle semblait défier son propre mari.

— Et je n’hésiterais ras à avoir… poursuivit Charlotte. Elle s’arrêta, regarda son amie avec un peu d’inquiétude et continua, comme si elle se révoltait elle-même fièrement contre un tyran caché : Oui, à avoir un… ami !

Aussitôt elle eut peur d’avoir froissé la délicatesse de Françoise et elle ajouta en plaisantant : Il est vrai que moi je ne puis jamais me faire passer pour une personne sérieuse.

Mme  du Quesnoy avait des candeurs de puritanisme, par moments, qui expliquaient pourquoi aux yeux de bien des gens elle passait pour une femme sans esprit.

— Tu sais mon sentiment, répondit-elle, pour rien au monde une tache, pour rien, pour rien !

— Enfin si tu aimais quelqu’un ! s’écria Mlle  Guay, qui aurait sincèrement désiré que Françoise trouvât quelque distraction et quelque bonheur.

Mme  du Quesnoy jeta sur Charlotte un regard de surprise et d’espoir.

Mais elle reprit soudain son air soucieux et ajouta :

— Et cela à cause de celui-ci.

Elle montrait la direction de l’appartement de son mari.

— Ah ! s’écria Charlotte, prenez garde à votre orgueil, madame… vous vous y sacrifierez…

— Mais il est mon seul refuge, dit Mme  du Quesnoy avec la vivacité impatiente d’un être qui explique ses dernières ressources. Je ne veux pas être la plus malheureuse des femmes. Le jour où je n’aurais plus ce bouclier contre M. du Quesnoy, je serais écrasée.

— Mais ne t’exagères-tu pas tes griefs contre Joachim ?… N’est-il pas à peu près comme tout le monde ?

— Non, non, dit Françoise, j’ai presque honte d’être sa femme…

— Mais il n’a rien fait…

— Ses pensées, ses désirs, ses opinions, ses sentiments, tout me révolte et m’effraye en lui, m’effraye par les conséquences à venir.

— J’ai souvent pensé, dit Mlle  Guay, à sermonner ce charmant affreux homme, car je le trouve charmant au dehors, et c’est bien dommage que l’intérieur soit si vilain.

— Tu me rendrais un mauvais service. N’y songe pas. Ma mère a refusé de m’écouter à son sujet. Elle m’a accusée de fausse sentimentalité, de désœuvrement et de poésie. Jamais je ne lui en reparlerai. Cependant je voudrais qu’elle ne se laissât pas abuser par lui. Il faut absolument que j’inspire de la crainte à cet homme, c’est le seul moyen de le retenir.

— N’aimerais-tu pas beaucoup la domination, sans le savoir ? demanda Charlotte.

Françoise ne répondit pas à la question.

— S’il faut lutter, je lutterai avec acharnement. Je ne tiens à lui demander ni égards, ni amitié, ni estime. Il y a longtemps que j’en ai fait bon marché, mais il faut qu’il me craigne comme un juge.

— Il te détestera de même.

— Peu m’importe. C’est pour ma propre considération que je combats. Il y a des moments où j’ai du plaisir à le forcer au moins à se contraindre et à ajourner, sinon à abandonner ses projets.

On sonna ; peu après, un vif bruissement d’étoffe se fit entendre, et la vicomtesse Ballot entra précipitamment. Elle ne jeta pas même un regard sur Mlle  Guay.

— J’ai à causer avec vous, dit-elle à Françoise, comme si elle haletait.

Mme  du Quesnoy l’emmena dans sa chambre à coucher.

— Où est Joachim ? demanda la vicomtesse avec agitation.

— Dehors probablement, dit Françoise, plus étonnée que troublée par l’air affairé de sa belle-sœur.

— Il devient fou. Il faut absolument l’arrêter sur cette pente. Vous le laissez faire. C’est n’avoir pas le sens commun.

La vicomtesse, ordinairement calme, gracieuse, souriante, était cette fois emportée.

— De quoi me parlez-vous ? demanda Françoise d’un ton sec et agressif.

— De quoi je vous parle ? Mais faisons-nous des plaisanteries ? De cette perte, de ces quatre-vingt mille francs.

Françoise fit un grand mouvement. Elle eut peur d’apprendre quelque nouvelle peu honorable pour son mari.

— Au jeu ! reprit la vicomtesse, quatre-vingt mille francs chez le marquis de Bejar, il en venait quand il est arrivé chez Mme  Desgraves. C’est exorbitant !… Une fortune se dévore en un instant… Mon mari est furieux.

— Une perte au jeu ! dit Mme  du Quesnoy, en contenant sa surprise et son mécontentement. Eh bien, elle sera payée.

— Mais elle est payée. Elle l’a été dès le lendemain matin. Où a-t-il pris l’argent, comment ne saviez-vous rien ? C’est incroyable !… À quel prix aura-t-il payé ?… Joachim devrait penser qu’il aura des enfants…

Françoise ne parut pas entendre ; mais elle fixa sur le visage de sa belle-sœur des yeux si ironiques que la vicomtesse s’agita et fut irritée de se voir devinée.

— Mais enfin, pour vous, pour nous. Il est inouï de compromettre sa fortune à plaisir. J’espérais le trouver, lui parler. Dites-lui que je suis venue. Il faut lui enlever cette abominable passion.

Le calme apparent de Françoise, qui intérieurement pensait à M. Niflart et entrevoyait quelques tripotages entre lui et Joachim, excita la vicomtesse davantage.

— Vous êtes très indifférente pour tout ce qui le regarde. C’est un grand tort. Où est-il ?

— Je l’ignore, je vous le répète.

Mme  du Quesnoy était mécontente de l’intervention de sa belle-sœur, de son attitude.

— Vous devez savoir parfaitement d’où vient le manque de confiance de votre frère envers moi, ajouta-t-elle.

— De ce que vous êtes faible et insouciante.

Françoise sourit d’abord.

— Vous traversez la vie sans rien voir, sans agir, continua la vicomtesse.

Françoise ne voulut pas supporter plus longtemps les impertinents reproches de Laure.

— Votre frère est un homme perdu, dit-elle avec une certaine violence. Quoi qu’il fasse, il est perdu !

— Et vous désirez qu’il se perde ! Pourquoi ne dites-vous pas à votre mère qu’on donne à Joachim cette mission diplomatique dont on parle depuis si longtemps. Vous vous y opposez probablement. Qu’on l’arrache à Paris ! Vous n’avez aucun souci que de vous.

— Cela suffirait pour être une garantie. Je ne m’opposerai pas à ce que votre frère parvienne ; mais je ne l’y aiderai point. À moins qu’il ne change radicalement.

— Mais voulez-vous donc qu’on vous le façonne selon vos caprices ? Vous êtes l’obstacle de sa vie !

— Je suis l’obstacle de sa vie ! répéta Françoise indignée ; l’obstacle à ses mauvais instincts, oui, je le serai toujours !

— Oh ! dit la vicomtesse dont les traits s’enflammèrent, qu’avons-nous besoin de votre pédantisme ? Que vous ayez bonne opinion de vous-même, cela prête uniquement à rire ; que vous osiez dire toujours du mal de votre mari, c’est le comble de la folie et de la méchanceté. Eh bien, je suis ravie de vous voir vous expliquer. Nous savons maintenant qui vous êtes… mais ne venez pas vous plaindre plus tard !

— Votre frère, dit avec une raideur froide et menaçante Mme  du Quesnoy, n’aura pas de plus ferme soutien que moi dans tout ce qu’il lui plaira d’entreprendre d’honorable.

— Mais qu’êtes-vous, que vous croyez-vous donc ? Vous n’êtes rien. Mon frère n’a pas besoin de votre amitié, et votre hostilité ne peut que lui inspirer de la pitié. Allez, soyez maîtresse d’école pour vous-même…

La vicomtesse eut un rire serré, aigu.

Le choc était très vif. Tantôt pâles, tantôt rouges, les traits presque contractés, l’œil presque cruel, les deux femmes debout, en face l’une de l’autre, frémissaient, faisaient de vains efforts pour se contenir.

— J’aurais voulu le trouver moins ignorant, en effet, de tout ce qui rend un homme digne…

— Eh ! dit la vicomtesse avec l’intention d’être plus insultante encore, vous êtes une visionnaire… Vous ne vous ferez pas une victime intéressante, soyez-en sûre… En vérité, si on vous avait connue, ce mariage ne se serait pas fait…

— Moi seule ai le droit de le regretter, interrompit hautainement Françoise, vous cherchez à m’offenser avec un soin minutieux et inutile. Je ne souffrirai jamais que chez moi on se permette aucune observation sur ce qu’il me convient de faire…

— Vous me mettez à la porte de chez mon frère ? demanda la vicomtesse avec une ironie pleine de fureur.

— Madame, vous avez été très imprudente ce matin, dit Françoise avec une petite inclinaison de tête et en faisant quelques pas pour rentrer dans son salon.

— Je ferai beaucoup rire Joachim en lui racontant cette petite scène, s’écria la vicomtesse en haussant les épaules.

Elle s’élança dehors impétueusement. Son admirable teint blanc était vert, ses yeux clairs étaient troublés comme la vase, et ses lèvres minces encore plus amincies, comme le fil d’un rasoir.

Elle-même avait été très violemment secouée par le vicomte Ballot, à qui la perte de M. du Quesnoy paraissait un crime de lèse-famille. La comtesse était venue pour reporter à Joachim le ricochet de cette querelle, et ne trouvant que Françoise, elle avait vu en celle-ci le bouc émissaire qui devait expier toutes les fautes et tous les travers des autres. Mais la réception de Mme  du Quesnoy changea un mouvement d’humeur et d’emportement, dirigé contre un être qu’on supposait faible et de peu de conséquence, en une rancune et une haine tenaces.

Cependant Françoise, en revenant près de Mlle  Guay, était encore frémissante, et Charlotte la contemplait avec anxiété, n’osant l’interroger.

Il semblait que la visite de la vicomtesse fût une réponse immédiate aux déclarations que Mme  du Quesnoy faisait un moment avant à son amie.

— Je viens de me quereller avec ma belle-sœur, dit Françoise.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria Mlle  Guay avec effroi et peine.

— Ils trouvent que je suis un obstacle ! Au moins me rendent-ils quelque justice !

— Je suis très effrayée, dit Charlotte, de penser qu’on puisse vivre dans de pareils tourments. Je ne pourrais le supporter. Je préférerais les laisser faire… Pourquoi cette querelle ? Je me sauverais à mille lieues.

— Il a perdu 80,000 francs au jeu il y a quelques jours ! S’il continue, mon salon passera pour une maison de jeu. Il faut que je sache comment il a payé. On me reproche de vouloir le diriger et en même temps de ne point le diriger.

Un domestique entra en ce moment, apportant une corbeille de fleurs assez belle. On ne savait de quelle part elle venait. L’arrivée de ce présent mystérieux ramena la bonne humeur, l’entrain, la curiosité de Mlle  Guay, mais Charlotte vit Françoise rouge, embarrassée.

— J’avais prophétisé sans le savoir, dit-elle, voilà une chose charmante.

— Et qui me déplaît, reprit Mme  du Quesnoy. Cette prétention de secret me gêne. Qu’est-ce que cela signifie ?

— Si c’était de Joachim ? demanda Charlotte.

Françoise haussa les épaules amicalement.

— On dit qu’il y a toujours un papier dans les bouquets, reprit Mlle  Guay, feignant de chercher avec beaucoup de soin. Il me vient une idée folle comme toutes mes idées, continua-t-elle ; fais donc la coquette une fois dans ta vie. Porte une de ces fleurs ce soir ; rends ton mari jaloux. S’il revenait à toi, tu le changerais…

Mme  du Quesnoy fit un geste qui faillit glacer Charlotte, tant il indiquait un irrémissible éloignement. Cependant elle eut presque aussitôt un bon sourire, presque d’enfant, et dit :

— Peut-être porterai-je cette fleur, en effet.

Puis, tout d’un coup, par réaction, elle prit la corbeille et la repoussa derrière un rideau. Aussitôt, elle dit assez gaîment : puisque je veux être la femme de César !

— Sans César, répliqua Charlotte avec un peu de dépit ; mais peut-être César ne t’aurait-il pas convenu.

— Comme tu te moques de moi, aujourd’hui ! s’écria Françoise.

Charlotte regarda autour d’elle, et, montrant tout le délicat ameublement du petit salon :

— Cela est fait pour abriter le bonheur, dit-elle.

— Ah ! répondit Mme  du Quesnoy, je ne suis pas tous les jours douloureuse ni disposée à me plaindre. Et si la vicomtesse n’était pas venue, la journée aurait été bonne, malgré ma petite antienne matinale sur mes terribles maux. Je serais aussi gaie que l’on voudrait.

— Aime, aime, aime, et tu seras délivrée ! interrompit Charlotte avec une vivacité qui fit rire Françoise.

Quand Mlle  Guay fut partie, Mme  du Quesnoy resta tout entière sous le charme des espérances amenées par Charlotte. À peine pensa-t-elle à sa querelle avec la vicomtesse. Mlle  Guay avait été terrible, sans s’en douter, par ses conseils légers, à demi sérieux, à demi lancés dans un but de distraction. Françoise contempla longtemps les fleurs, les toucha, les respira, et le qui ? revint dix fois à sa pensée et sur ses lèvres, malgré elle.