Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre II/Chapitre LXXIX

CHAPITRE LXXIX.


Comment les trois chevaliers de Hainaut allèrent à Vennes en Bretagne pour faire armes contre trois chevaliers anglois.


Quand le comte de Bouquinghen, qui se tenoit à Vennes, entendit les requêtes des François, si répondit pour les siens, et dit ainsi au héraut tout en haut : « Vous direz au connétable que le comte de Bouquinghen lui mande que il est bien aussi puissant de donner et de tenir son sauf-conduit aux François comme il est aux Anglois, et que ceux qui demandent à faire fait d’armes aux siens viennent à Vennes, et il leur donnera, et qui que ils voudront en leur compagnie pour l’amour d’eux, venant et retournant, sauf-conduit. » Quand le connétable ouït cette réponse, il imagina tantôt que le comte de Bouquinghen avoit droit, et que il vouloit voir le fait d’armes, et que c’étoit raison que autant bien il en eût à Vennes en sa présence, comme il en avoit eu à Chastel-Jocelin en la sienne. Si répondit quand il parla, et dit : « Le comte de Bouquinghen parle comme un vaillant homme et fils de roi, et je veux que il en soit à sa parole. Or s’escripsent tous ceux qui aller y voudront avec les faisans d’armes, et nous envoierons quérir le sauf-conduit. » Tantôt se escrièrent chevaliers et écuyers jusques à trente. Si vint un héraut à Vennes quérir le sauf-conduit, et on leur donna et scella de par le comte de Bouquinghen. Adoncques se départirent du Chastel-Jocelin les trois qui faire fait d’armes devoient ; et tous les autres en leur compagnie ; et vinrent à Vennes, et se logèrent, le jour que ils y vinrent, dedans les faubourgs ; et leur firent les Anglois bonne chère. À lendemain ils s’ordonnèrent pour combattre, ainsi que faire devoient, et vinrent en une belle place tout ample et tout unie au dehors de la ville. Assez tôt après vinrent le comte de Bouquinghen, le comte d’Asquesuffort, le comte de Devensière et les barons qui là étoient en sa compagnie et ceux qui faire devoient fait d’armes ; premièrement le sire de Vertaing contre messire Regnault de Thouars seigneur de Puisances, et après, messire Jean d’Aubrecicourt contre messire Tristan de la Galle, et Édouard de Beauchamp contre le Bâtard de Clarens. Là se mirent sur la place les François tous d’un lez et les Anglois d’autre ; et ceux qui devoient jouter étoient à pied et armés de toutes pièces, de bassinets à visière et de glaives à bon fer de Bordeaux, et d’épées de Bordeaux tous pourvus. Or s’ensuivent les faits d’armes.