Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre II/Chapitre CLI

CHAPITRE CLI.


Comment ceux de Paris se rebellèrent de rechef au roi.


En ce temps se rebellèrent encore ceux de Paris, pourtant que le roi de France ne venoit point à Paris, mais alloit tout à l’environ prendre ses ébattemens, sans entrer à Paris. Si se doutèrent que de nuit, par les gens d’armes, il ne fît efforcer Paris et courir la cité, et faire mourir lesquels que il voudroit ; et pour la doutance de ce péril et de celle aventure dont ils n’étoient pas bien assurés, ils faisoient dedans Paris toutes les nuits, par les rues et par les carrefours grands gaits, et levoient toutes les chaînes, afin que on ne pût chevaucher ni aller à pied entre eux. Et si nuls étoient trouvés après le son de neuf heures, si il n’étoit de leur connoissance ou de leurs gens, il étoit mort. Et étoient en la cité de Paris de riches et puissans hommes armés de pied en cap, la somme de trente mille hommes, aussi bien arréés et appareillés de toutes pièces comme nul chevalier pourroit être ; et avoient leurs varlets et leurs maisnies armés à l’avenant. Et avoient et portoient maillets de fer et d’acier, périlleux bâtons pour effondrer heaulmes et bassinets ; et disoient en Paris, quand ils se nombroient, que ils étoient bien gens, et se trouvoient par paroisses, tant que pour combattre de eux-mêmes, sans autre aide, le plus grand seigneur du monde. Si appeloit-on ces gens les routiers et les maillets de Paris.