Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre XXXVII

Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 347-348).

CHAPITRE XXXVII.


Comment messire Jean de Clermont, maréchal de France, fut occis ; et comment ceux de la bataille du duc de Normandie s’enfuirent.


D’autre part, messire Jean de Clermont, maréchal de France et moult vaillant et gentil chevalier, se combattoient dessous sa bannière et y fit assez d’armes tant qu’il put durer ; mais il fut abattu, ni oncques puis ne se put relever, ni venir à rançon. Là fut-il mort et occis en servant son seigneur. Et voulurent bien maintenir et dire les aucuns que ce fut pour les paroles qu’il avoit eues la journée devant à messire Jean Chandos. À peine vit oncques homme avenir en peu d’heures si grand meschef sur gens d’armes et bons combattans, que il avint sur la bataille des maréchaux de France ; car ils fondoient l’un sur l’autre et ne pouvoient aller avant. Ceux qui derrière étoient et qui le meschef véoient et qui avant passer ne pouvoient, reculoient et venoient sur la bataille du duc de Normandie qui étoit grand’ et espaisse pardevant : mais tôt fut éclaircie et despaissie par derrière, quand ils entendirent que les maréchaux étoient déconfits ; et montèrent à cheval le plus et s’en partirent ; car il descendit une route d’Anglois d’une montagne, en costiant les batailles, tous montés à cheval, et grand’foison d’archers aussi devant eux, et s’en vinrent férir sur aile sur la bataille du duc de Normandie. Au voir dire, les archers d’Angleterre portèrent très grand avantage à leurs gens et trop ébahirent les François, car ils traioient si ouniement et si épaissement que les François ne savoient de quel côté entendre qu’ils ne fussent atteints du trait ; et toujours se avançoient les Anglois et petit à petit conquéroient terre.