Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CXLI

Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 448-449).

CHAPITRE CXLI.


Ci s’ensuit la forme et la manière de la commission générale que fit le roi d’Angleterre, à la requête du roi de France[1].


Édouard, par la grâce de Dieu roi d’Angleterre, seigneur d’Irlande et d’Aquitaine. À tous nos capitaines, gardes de bonnes villes et de châteaux, adhérens et alliés étans ès parties de France, tant en Picardie, en Bourgogne, en Anjou, en Berry, en Normandie, en Bretagne, en Auvergne, en Champagne, en Maine, en Touraine et en toutes les mettes et limitations du domaine et tenure de France, salut. Comme paix et accord soient faits entre nous, nos alliés, aidans et adhérens d’une part, et notre très cher frère le roi de France, ses alliés, et adhérens d’autres part, sur tous les débats et discords que nous avons eus du temps passé, ou pourrions avoir ensemble, et ayons juré sur le corps Jesus-Christ sacré la dite paix, et aussi notre très cher fils ains-né et autres enfans, et ceux de notre sang avec plusieurs prélats, barons, chevaliers et des plus notables de notre royaume ; et aussi ont juré notre dit frère et notre dit neveu le duc de Normandie et nos autres neveux ses enfans, et plusieurs de leur sang et autres, prélats, barons et chevaliers du dit royaume de France. Comme ainsi soit ou avienne que aucuns guerroyeurs de notre royaume et de nos sujets se pourront efforcer de faire ou d’entreprendre aucune chose contre la dite paix, en prenant ou détenant forteresses, villes, cités ou châteaux, ou faisant pillage, ou prenant gens ou arrêtant leurs corps, leurs biens ou marchandises, ou autre chose faisant contre la dite paix ; dequoi il nous déplairoit très grandement, et ne le pourrions ni voudrions passer sous ombre de dissimulation en aucune manière ; nous, voulant obvier de tout notre pouvoir ès choses dessus dites, voulons, décernons et ordonnons par délibération de notre conseil, de certaine science, que si nul de nos sujets, de quelque état ou condition qu’il soit, fasse ou s’efforce de faire contre la paix, en faisant pillages, prenant ou détenant forteresses, personnes ou biens quelconques du royaume de France ou autres de notre dit frère, de ses alliés et sujets et adhérens, ou autres quelconques fassent contre la dite paix, et il ne se délaisse, cesse et déporte de ce faire, et rende les dommages que faits aura, dedans un mois après ce qu’il aura sur ce été requis par aucuns de nos officiers, sergens, personnes publiques, que par tel fait seulement et sans autre procès, condamnation ou déclaration, ils soient dès lors tous réputés pour bannis de notre royaume et de tout notre pouvoir, et aussi du royaume et terres de notre dit frère, et tous leurs biens confisqués et obligés à nous et à notre domaine. Et si ils pouvoient être trouvés en notre royaume, nous commandons et voulons expressément que punitions en soient faites comme de traîtres et rebelles à nous, par la manière qu’il est accoutumé à faire en crime de lèze-majesté, sans faire sur ce grâce, rémission, souffrance ni pardon. Et semblablement le voulons faire de nos sujets, de quelconque état qu’ils soient, qui en notre royaume deçà et delà la mer prendront, occuperont et détiendront forteresses quelconques contre la volonté à ceux de qui elles seront, ou qui boutteront feux, ou qui rançonneront villes ou personnes, ou fassent pillages ou roberies, ou émouveront guerre en notre pouvoir et sur nos sujets : si mandons, commandons et enjoignons étroitement et expressément à tous nos sujets, sénéchaux, baillis, prévôts, châtelains et autres nos officiers sur quant que se peuvent forfaire envers nous, et sur peine de perdre leurs offices, qu’ils publient et fassent publier ces présentes par tous les lieux notables de leurs sénéchaussées, baillages, prévôtés et châtellenies et que nul, ce mandement ouï et vu, ne demeure en forteresse qu’il tienne au dit royaume, hors de l’ordonnance et du traité de la paix, sur peine d’être ennemi de nous et de notre dit frère le roi de France, et toutes les choses dessus dites gardent et fassent garder, entériner et accomplir de point en point. Et sachent tous que si ils en sont négligens ou défaillans, avec la peine dessus dite, nous leur ferons rendre les dommages à tous ceux qui par leur deffaute ou négligence auront été grevés ou dommages, et avec ce les en punirons par telle manière que ce sera exemple à tous autres[2]. En témoin des quelles choses nous avons fait faire ces nôtres lettres patentes.

Données à Calais le 24me jour du mois d’octobre, l’an de grâce Notre Seigneur 1360.

  1. Cette pièce est dans Rymer avec quelques légères différences.
  2. Rymer ajoute : Et semblable nous a promis notre dit frère faire en son royaume et nous en a baillé ses lettres ; et nous lui avons aussi baillé les nôtres ; excepté et réservé par nous et nos amis ce qu’est dit et écrit en la dite paix en l’article de Bretagne. Donné à Calais le 24 jour d’octobre.