Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CCXXXVII

Texte établi par J. A. C. BuchonA. Desrez (Ip. 535-536).

CHAPITRE CCXXXVII.


Comment la bataille fut dure et forte et comment le roi Henry remit trois fois ses gens ensemble.


Le samedi au matin, entre Najares et Navarrete, fut la bataille dure, grande, felonnesse et horrible, et moult y eut de gens mis en grand meschef. Là fut le prince de Galles bon chevalier, et le duc de Lancastre son frère, et messire Jean Chandos, messire Guichard d’Angle, le captal de Buch, le sire de Cliçon, le sire de Rais, messire Hue de Cavrelée, messire Eustache d’Aubrecicourt, messire Gautier Huet, messire Mathieu de Gournay, messire Louis de Harecourt, le sire de Pons, le sire de Parthenay. D’autre part se combattoient les Gascons, le comte d’Armignac, le sire de Labreth, le sire de Pommiers et ses frères, le sire de Mucident, le sire de Rosem, le comte de Pierregort, le comte de Comminges, le vicomte de Carmain, le sire de Condom, le sire de l’Esparre, le sire de Caumont, messire Berthelemy de Taride, le sire de Pincornet, messire Bernard de Labreth sire de Géronde, messire Aymery de Tarste, le soudich de l’Estrade, messire Petiton de Courton et plusieurs autres chevaliers et écuyers qui s’acquittèrent en armes à leur loyal pouvoir. Dessous le pennon Saint-George et la bannière messire Jean Chandos étoient les compagnies, où bien étoient douze cents penonceaux. Là avoit de bons chevaliers et écuyers durs, hardis et entreprenans, tels que messire Perducas de Labreth, messire Robert Ceny, messire Robert Briquet, messire Garsis du Châtel, messire Gaillart Vigier, Jean Cresuelle, Naudont de Bagerant, Aymemon d’Ortige, Perrot de Savoie, le bourg Camus, le bourg de l’Esparre, le bourg de Breteuil, Espiote et Lamit, et plusieurs autres. Si vous dis que messire Bertran du Guesclin, messire Arnoul d’Audrehen, le comte Sanche, messire Gomes Garils et les chevaliers de France et d’Arragon qui se combattoient durement à ces routes, ne l’avoient mie davantage, car ces compagnies et ces gens sont durement forts et usés d’armes. Et encore y étoient grand’foison de bons chevaliers et écuyers d’Angleterre, sous la bannière du duc de Lancastre et celle de messire Jean Chandos : car là étoient messire Guillaume de Beauchamp, fils au comte de Warvich, messire Raoul Camois, messire Gautier Oursuich, messire Thomas de Daimer, messire Jean de Grandçon, messire Jean du Pré, messire Aimery de Rochechouart, messire Gaillart de la Motte, et plus de deux cents chevaliers que je ne puis nommer ni tous deviser. Et aussi, à parler justement d’armes, ledit messire Bertran du Guesclin et le maréchal d’Audrehen, et messire le Bègue de Vilaines et le sire d’Antoing, le sire de Brifueil, messire Gauvain de Bailleuil, messire Jean de Berguetes, le Bègue de Villiers, l’Allemand de Saint-Venant, et les bons chevaliers et écuyers de France qui là étoient, s’acquittèrent loyaument. Et sachez de vérité que si les Espaignols en eussent aussi bien fait leur devoir comme ils firent, les Anglois et les Gascons eussent eu plus à souffrir qu’ils n’eurent. Si ne demeura-t-il mie au roi Henry qu’il ne fît bien son devoir de combattre vaillamment et hardiment, et de reconforter et admonester ses gens, et d’aller au devant de ceux qui branloient ; et disoit ainsi : « Seigneurs, je suis votre roi ; vous m’avez fait roi de toute Castille, et juré et voué que pour mourir vous ne me faudrez : gardez, pour Dieu ! votre serment, et ce que vous m’avez juré et promis, et vous acquittez envers moi, et je me acquitterai envers vous ; car jà plein pied ne fuirai tant que je vous voie combattre. » Par ces paroles et plusieurs autres pleines de confort remit le roi Henry trois fois ce jour ses gens ensemble, et il même de sa main se combattit si vaillamment que on le doit bien honorer et recommander entre les preux.