Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CCXXXI

Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 531-532).

CHAPITRE CCXXXI.


Cy s’ensuit la forme des lettres que le prince de Galles envoya au roi Henry.


Édouard[1] par la grâce de Dieu, prince de Galles et duc d’Aquitaine, à honoré et renommé Henry comte de Tristemare, qui pour le présent s’appelle roi de Castille. Comme ainsi soit que vous nous avez envoyé unes lettres par votre héraut, ès quelles sont contenus plusieurs articles, faisant mention que vous sauriez volontiers pourquoi nous tenons à ami votre ennemi le roi Dan Piètre notre cousin, et à quel titre nous vous faisons guerre, et sommes entrés à main armée en Castille, répondant à cette : sachez que c’est pour soutenir droiture et garder raison, ainsi qu’il appartient à tous rois et enfans de rois, et pour entretenir grands alliances que notre seigneur de père le roi d’Angleterre et le roi Dan Piètre ont eues de jadis ensemble. Et parceque vous êtes aujourd’hui renommé de bonne chevalerie, nous vous accorderions volontiers à lui si nous pouvions, et ferions tant par prière envers notre cher cousin le roi Dan Piètre que vous auriez au royaume de Castille grand’part ; mais de la couronne vous faut déporter et de l’héritage. Si ayez conseil et avis sur ce, et sachez encore que nous entrerons au dit royaume de Castille par lequel lez qu’il nous plaira le mieux. Écrit de-lez le Groing le trentième jour de mars.

  1. Rymer a publié deux lettres, l’une du prince de Galles au comte de Transtamare, l’autre de ce comte au prince, qui n’ont presque rien de commun ni avec celle-ci ni ayec celle qu’on a vue au chapitre 223. La lettre du prince de Galles est une espèce de manifeste dans lequel il expose les motifs qui lui ont fait embrasser la défense de D. Pèdre, et propose sa médiation pour rétablir la paix entre les deux frères. Elle est datée de Navarrette le 1er avril. D. Henri, dans sa réponse, datée de Najara (in palatio nostro juxta Najara), le 2 du même mois, justifie sa conduite envers D. Pèdre, établit la légitimité de ses droits à la couronne, droits qu’il est tout prêt à défendre par les armes, si le prince, contre toute raison, veut leur porter atteinte.