Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CCLXXXV

CHAPITRE CCLXXXV.


Comment messire James d’Audelée, sénéchal de Poitou, trépassa de ce siècle ; et comment messire Jean Chandos en fut fait sénéchal.


Après le conquêt de la Roche sur Yon, si comme ci-dessus est dit, dont les François furent moult courroucés, les seigneurs s’en retournèrent en Angoulême, et là leur donna congé le prince à aucuns de retourner en leurs maisons. Si s’en alla messire James d’Audelée, cil vaillant chevalier et sénéchal pour le temps de Poitou, séjourner et demeurer à Fontenay le Comte. Là accoucha le dit chevalier, de maladie, qui moult le gréva, et tant qu’il en mourut : de quoi le prince et madame la princesse furent moult courroucés ; et aussi furent tous les barons et chevaliers de Poitou ; car il fut sage chevalier et vaillant homme d’armes durement ; et fut celui qui fut le premier assaillant à la bataille de Poitiers, là où le roi Jean fut pris et déconfit ; et fut tenu pour le plus preux et vaillant homme d’armes pour la journée, de la partie des Anglois. Si lui fit-on son obsèque moult révéremment en la cité de Poitiers, et y fut le prince personnellement.

Assez tôt après, par la prière et requête de tous les barons et chevaliers de Poitou, messire Jean Chandos, qui étoit sénéchal d’Aquitaine, fut sénéchal de Poitou, et s’en vint séjourner et demeurer en la cité de Poitiers. Si faisoit souvent des issues et des chevauchées sur les François, et les tenoit si court qu’ils n’osoient chevaucher, fors en grand’route.

En ce temps fut délivré de prison le vicomte de Rochechouart, que le prince avoit fait tenir pour ce qu’il le soupçonnoit François : si que, à la prière et requête de ses amis de Poitou qui étoient pour lors de-lez le prince, le dit prince le délivra et lui rendit toute sa terre. Quand le dit vicomte fut délivré de prison, il s’en vint couvertement au plus tôt qu’il put à Paris pardevers le roi ; et se tourna François et revint arrière en sa terre, sans ce que on sçût encore rien de son affaire, et mit Thibaut du Pont, Breton, un moult bon homme d’armes, en sa forteresse : et envoya tantôt défier le prince, et lui fit grand’guerre.

Or parlerons un petit du duc de Lancastre.