Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CCCV

CHAPITRE CCCV.


Comment le comte de Cantebruge et le comte de Pennebroch emmenèrent de Belle-Perche madame de Bourbon et les Compagnies qui dedans étoient.


Quand ce vint au jour que mis et ordonné y avoient, ils sonnèrent au matin leurs trompettes ; si s’armèrent et appareillèrent toutes gens et se trairent sur les champs, tout en arroy de bataille à pied et à cheval, ainsi que pour combattre, bannières et penons devant eux ; et là leva ce jour bannière messire Jean de Montagu, neveu au comte de Sallebery. En cel état où ils étoient, tous ordonnés et appareillés, ainsi que je vous recorde, et pipoient et cornoient leurs ménestrels en grand revel, à heure de tierce, ils firent vider et partir ceux de la forteresse de Belle-Perche et madame de Bourbon, et la firent monter sur un palefroy bien ordonné et arréé pour elle, et ses dames et ses damoiselles avec elles. Tout ce pouvoient voir les François qui étoient en leur logis, si ils vouloient ; et bien le virent, mais oncques ne s’en murent ni bougèrent. Si se départirent les Anglois et leurs routes à heure de midi ; et adressoient[1] la dite dame messire Eustache d’Aubrecicourt et messire Jean d’Évreux. Si se retrairent en cel état en la prinçauté ; et demeura la dite dame une espace de temps prisonnière aux dites Compagnies en la Roche-Vauclère en Limousin. Mais oncques ne plut bien sa prise au prince ; et disoit, quand on en parloit, que si autres l’eussent fait que Compagnies, il leur eût fait remettre arrière tantôt et sans délai ; et quand les dits compagnons, qui prisonnière la tenoient, lui en parloient, il leur disoit, quelque traité ni marché qu’ils fissent, il r’eût son chevalier, messire Simon de Burlé, que les François tenoient.

  1. Accompagnaient sur sa droite.