Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre XLIII

Livre I. — Partie I. [1327]

CHAPITRE XLIII.


Comment messire Guillaume de Douglas se férit entour mie-nuit atout deux cents hommes en l’ost des Anglois et eu tua bien trois cents.


La première nuit que les Anglois furent logés sur celle seconde montagne à l’encontre des Escots, messire Guillaume[1] de Douglas, qui étoit moult preux, entreprenant et hardi chevalier, prit entour mie-nuit environ deux cents armures de fer, et passa celle rivière[2] bien loin de leur ost, parquoi on ne s’en aperçut. Si se férit en l’ost des Anglois moult vassalement en criant : « Douglas ! Douglas ! vous y mourrez tous seigneurs larrons anglois. » Et en tua lui et sa compagnie, ains qu’ils cessassent, plus de trois cents ; et férit des éperons jusques proprement devant la tente du roi, toujours criant et huant : Douglas ! Douglas ! et coupa deux ou trois des cordes de la tente du roi, puis s’en partit atant. Bien peut être qu’il perdit aucuns de ses gens à se retraire, mais ce ne fut mie grandement ; et retourna arrière devers ses compagnons en la montagne. Depuis n’y eut-il rien fait ; mais toutes les nuits les Anglois faisoient grands guets et forts, car ils se doutoient du réveillement des Escots ; et avoient mis gardes et écoutes en certains lieux, parquoi, si ceux sentissent ni ouïssent rien, ils le signifiassent en l’ost ; et gissoient presque tous les seigneurs en leurs armures ; et tous les jours y avoit des escarmouches ; et escarmouchoit qui escarmoucher vouloit. Si en y avoit souvent de morts et de pris, de navrés, de blessés et de mésaisés des uns et des autres.

  1. Il a déjà été dit que son nom était Jacques de Doublas et non Guillaume.
  2. La Were.