Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre LVI

Livre I. — Partie I. [1333]

CHAPITRE LVI.


Comment tout le conseil et le commun d’Angleterre conseillèrent le roi Édouard qu’il allât soumettre le roi d’Escosse, et qu’ils étoient tous désirans d’aller avec lui.


Quand le jour de parlement approcha que le roi Anglois avoit établi, et tout le pays fut assemblé au mandement du roi à Londres, le roi leur fit démontrer comment il avoit requis au roi d’Escosse son serourge qu’il voulût ôter sa main de Bervich qu’il détenoit, et qu’il voulût venir faire hommage à lui de son royaume d’Escosse, ainsi qu’il devoit, et comment le roi d’Escosse avoit répondu à ses messagers. Si pria à tous que chacun le voulût sur ce si conseiller que son honneur y fût gardée. Tous les barons, les chevaliers et les conseils des cités et des bonnes villes, et tout le commun pays, se conseillèrent et rapportèrent leur conseil tous d’un commun accord ; lequel conseil fut tel : que il leur sembloit que le roi ne pouvoit plus porter par honneur les torts que le roi d’Escosse lui faisoit. Ainçois conseillèrent que le roi se pourvût si efforcément qu’il pût ravoir la bonne cité de Bervich, et qu’il pût entrer au royaume d’Escosse si puissamment, qu’il pût si contraindre le roi d’Escosse qu’il fût tout joyeux quand il pourrait venir à son hommage et à satisfaction. Et dirent qu’ils étoient tous désirans d’aller avec lui à son commandement.

Le roi Édouard fut moult joyeux de cette réponse, car il voyoit la bonne volonté de ses gens : si les en regracia moult grandement, et leur pria que chacun fût appareillé selon son état ; et fussent à un jour, qui adonc fut nommé, droit à Neuf-Châtel sur Tyne, pour aller reconquérir les droitures appartenans à son royaume d’Angleterre. Chacun s’abandonna à cette requête et en ralla en son lieu pour lui pourvoir, selon son état ; et le roi se fit pourvoir et appareiller si suffisamment que à telle besogne appartenoit. Si envoya encore autres messages à son dit serourge pour le suffisamment sommer, et après pour défier, s’il étoit autrement conseillé.