Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CLXXX

Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 155-156).
Livre I. — Partie I. [1342]

CHAPITRE CLXXX.


Comment, après la prise d’Auroy, messire Charles de Blois alla assiéger Vennes, laquelle se rendit à lui.


Ainsi reconquit messire Charles de Blois le fort châtel d’Auroy, par affamer ceux qui le gardoient, où il avoit sis par l’espace de dix semaines et plus. Si le fit refaire et rappareiller, et bien garnir de gens d’armes et de toutes pourvéances, et puis s’en partit et alla à tout son ost assiéger la cité de Vennes, dont messire Geffroy de Malestroit étoit capitaine, et se logea tout autour. Lendemain, aucuns compagnons bretons et soudoyers qui gissoient en une ville qu’on appelle Ployermel, issirent hors et se mirent en aventure pour gagner : si vinrent assaillir l’ost messire Charles, et se férirent en l’un des côtés secrètement, mais ils furent enclos, quand l’ost fut estourmi, et perdirent de leurs gens grossement : les autres s’enfuirent, et furent suivis jusques assez près de Ployermel, qui étoit assez près de Vennes. Quand ceux de l’ost qui étoient armés furent revenus de la chasse, ils allèrent, de ce retour même, assaillir la ville de Vennes fortement et roidement, et gagnèrent par force les barrières jusques à la porte de la cité.

Là eut très fort assaut, et plusieurs morts et navrés d’une part et d’autre, et dura jusques à la nuit. Adonc fut accordé un répit qui devoit durer lendemain tout le jour, pour les bourgeois conseiller, s’ils se voudroient rendre ou non. Lendemain ils furent si conseillés qu’ils se rendirent, mau-gré messire Geoffroy de Malestroit leur capitaine ; et quand il vit ce, il se mit hors de la cité descongnuement, entrementes qu’on parlementoit, et s’en alla devers Hainebon. Et le parlement se fit ainsi, que messire Charles de Blois et tous les seigneurs de France entrèrent en la cité et prirent la féauté des bourgeois, et se reposèrent en la cité par cinq jours ; puis s’en partirent et allèrent assiéger une autre forte cité que on appelle Craais. Or lairay à parler un petit d’eux, et retournerai à messire Louis d’Espaigne.