Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCXLI
CHAPITRE CCXLI.
Ainsi le sire de Mauny, avec le prud’homme, s’en vint au propre lieu où son père avoit été jadis enseveli ; et avoit un petit tombel de marbre sur lui, que ses varlets y avoient fait mettre. Quand ils furent venus sur le tombel, le vieil homme dit au sire de Mauny : « Certes, sire, ci dessous gît et fut enseveli messire votre père, encore y a écrit sur le tombel écriture qui témoignera que je dis vérité. » Adonc s’abaissa messire Gautier, et regarda sur le tombel, et y aperçut voirement lettres écrites en latin, lesquelles il fit lire par un sien clerc : si trouvèrent que le prud’homme disoit voir. De ces nouvelles fut le sire de Mauny moult lie ; et fit ôter le dit tombel et lever dedans deux jours après, et prendre les os de son père et mettre en un sarcueil ; et puis les envoya à Valenciennes en la comté de Hainaut ; et de rechef les fit ensevelir dedans l’église des Frères Mineurs, moult honorablement, assez près du chœur du moûtier ; et lui fit faire depuis son obsèque très révéremment, et encore lui fait-on tous les ans ; car les frères de laiens en sont bien rentés. Or retournerons au siége de la Réole, du dit châtel où le comte Derby sist plus de onze semaines.