Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCLII

Livre I. — Partie I. [1345]

CHAPITRE CCLII.


Comment le duc de Normandie prit Miremont et Ville-Franche et mit le siége devant Angoulême.


Tantôt après la fête de Noël, le duc de Normandie se partit de Toulouse atout son ost, et fit devant chevaucher ses maréchaux, le sire de Montmorency et le sire de Saint-Venant. Si se trairent tantôt et premièrement devant le châtel de Miremont que les Anglois avoient conquis en cette saison : si l’assaillirent fortement et durement. À ce jour il avoit dedans environ cent Anglois qui le gardoient, avec le capitaine, un très bon écuyer, qui s’appeloit Jean de Bristo. Cil avec ses compagnons le défendit tant qu’il put ; mais il y eut si dur assaut et si fort, car messire Louis d’Espaigne étoit là à grand’foison d’arbalétriers gennevois qui point ne s’épargnoient, que ceux du châtel ne se sçurent ni purent oncques si bien défendre que par force ils ne fussent pris et le châtel conquis, et mort la plus grand’partie de ceux qui étoient dedans, et mêmement le capitaine. Si le rafraîchirent les deux maréchaux de nouvelles gens, et puis passèrent outre et vinrent devant Ville-Franche en Agénois. Là s’arrêta tout l’ost, et l’environnèrent et puis l’assaillirent fortement. Adonc n’y étoit point le capitaine, messire Thomas Kok, mais étoit à Bordeaux devers le comte Derby qui l’avoit mandé. Tous ceux qui étoient dedans Ville-Franche ce jour se défendirent vaillamment ; mais finablement ils furent pris par force, et toute la ville courue et arse, sans déport, et occis la plus grand’partie des soudoyers qui la gardoient. Et quand ils en eurent ainsi exploité, ils passèrent outre et laissèrent le châtel tout entier, et sans abattre, dont depuis ils se repentirent ; puis se trairent devant la cité d’Angoulême, et l’assiégèrent tout entour ; car ils étoient tant de gens que bien le pouvoient faire. Dedans avoit grand’garnison de par les Anglois et un écuyer à capitaine, qui s’appeloit Jean de Norvich.