Les Chants du bivouac/Vas-y, mon homme !
VAS-Y, MON HOMME !
« Je t’écris c’billet, mon bon Jean,
Pour te dir’que je suis ben fière
D’apprendr’qu’on t’a nommé sergent
Pour ta bell’conduite à la guerre ;
Tout ça, du reste, n’m'étonn’pas,
Car de tous les homm’s du village
T’es non seul’ment le plus beau gâs
Mais, ’cor c’ti-là qu’a l’plus d’courage.
Vas-y, mon homme et cogn’dans l’tas !
Moi, je n’pleurnich’ni ne soupire :
Tu fais ton D’voir lorsque tu t’bats…
Moi je fais l’mien quand j’ai l’sourire !
« Par chez nous, à c’t'heure, entre voisins
On ne fait plus qu’un’famille unique :
Ya plus d’poivrots, plus d’assassins.
On n’caus’plus jamais politique.
Nos blés sont coupés d’puis lundi,
Ben engerbés, ben mis en meule :
Avec notr’fieu qui s’dégourdit
J’pourrai… bientôt… les rentrer seule ;
C’est un petit homme aux bras musclés :
Les pieds d’aplomb dans ses galoches
Il m’a dit, hier : j’vas battre les blés
Pendant que l’pèr’ va battr’ les Boches !
« Et puis, grand’nouvell’pour la fin,
Cherche voir ! devin’devineite !…
Eh ben ! voilà : depuis c’matin
T’es papa d’un’gross’pouponnette !
Ell’te ressemble ; oh ! que c’est ben toi !
Elle a tes bons grands yeux que j’aime
Et comme elle est solid’, ma foi.
On t’espér’ra pour le baptême ;
Adieu, mon homm’ ! Fais pour le mieux !…
J’finis ma lettr’ : v’là la nuit noire.
Tâch’de revenir victorieux
Pour que la p’tit’se nomme Victoire ! »
- ↑ L’accompagnement pour piano est édité par M. Ondet, 83, Faubourg Saint-Denis.