Les Chants du bivouac/Les Goths

Texte établi par Avec une préface de M. Maurice BarrèsLibrairie Payot et Cie (p. 151-154).


LES GOTHS














 


 

LES GOTHS

Je viens d’explorer en Champagne
Châteaux et maisons de campagne
D’où l’état-major allemand
Vient de déguerpir lestement.

Quels stupides cambriolages !
Quels gâchis bêtes ! quels pillages
De la cave jusqu’au grenier !
Pis que Bonnot, pis que Garnier !


Sur chaque mur (car la muraille
Est le papier de la canaille)
Ils nous insultent, doublement
Nous insultant en allemand !

Ils traitent les vases de Sèvres,
Les vases du Japon, si mièvres,
Les vases de Rouen, les biscuits
Comme s’ils étaient tous… de Nuits ;

Bien que surpris à l’improviste
Nous les pourrions suivre à la piste :
Levons les pieds ! Pouah ! quelle odeur !
Enfin !!! cela porte bonheur !

Et cela soudain me rappelle
La boutade spirituelle,
— Fleurant, meilleur, l’ancienne Cour -
De la marquise de Biencourt :

À ses hôtes d’une semaine
Montrant le sac de son domaine,
Elle dit — jupon haut troussé
Et le nez gentiment pincé — :

« La France a subi les ravages,
Messieurs, de trois hordes sauvages,
Goths, Ostrogoths et Visigoths :
Il lui manquait les Saligoths ! »

(Vitry-le-François, 14 septembre.)