Les Chants de la Forêt/Une boule d’odeurs traverse la forêt

Les Chants de la ForêtLibrairie de France (Collection Joachim Gasquet) (p. 16-17).


VIII


Une boule d’odeurs traverse la forêt,
La joie est dans les pins que le soleil inonde,
L’ombre palpite, et moi… moi, mon cœur, je mourrai,
Murmure, les yeux clos, mon Espérance blonde.

Brusquement cette idée a déchiré son sang.
« Bon chêne qui souris dans la verte lumière,
Combien de jours, dis-moi, restent à ce passant
Qui sur lui voit son mal comme sur toi le lierre ? »

Elle ne m’a rien dit, mais le mot murmuré
Obscurément au fond de son âme charmante
Je l’entends, bruissant dans toute la forêt,
Qui, sur elle abattu, la berce et la tourmente.

Nous mourrons… Elle a pris mes doigts entre ses doigts ;
Il fait pur ; dans nos cœurs un sang heureux abonde….
Et la menace est là, sur nous et sur les bois :
L’été resplendissant n’en défend pas le monde.


Une goutte qui tombe, une tempe qui bat,
Dans un flot de soleil l’ombre d’une pensée,
Et c’est, dans la forêt, une âme qui s’en va…
Aux yeux de l’Ange perle une vague rosée.

Je ne pleurerai pas, disait jadis mon cœur,
Et l’amour est venu qu’accompagnent les larmes.
Puisque celle qu’on aime et qui vous aime meurt,
Pleurez, mes yeux, pleurez ! la douleur a ses charmes.