Les Chants de la Forêt/L’âme de la forêt est faite de silence

Les Chants de la ForêtLibrairie de France (Collection Joachim Gasquet) (p. 14-15).


VII

L’âme de la forêt est faite de silence,
D’extases de parfums et d’extases d’oiseaux.
Un psaume apitoyé de sourde pénitence
Monte de l’herbe chaude et des pensives eaux.

J’entends confusément mon cœur ému se plaindre
Avec tout ce qui souffre au cœur de la forêt…
Le lierre m’étouffait que je croyais étreindre ;
Sous l’orgueil déchiré quel tronc grave apparaît !

Sur la mare embrumée où traînent les feuillages
Un visage se penche au mien presque pareil,
Un visage entrevu, monté du fond des âges,
Mais fait de charité, de calme et de soleil.

C’est l’amer Repentir qui, le doigt sur La bouche,
Me regarde et me dit : « Ta dureté n’est plus.
Vois comme la langueur du monde qui te touche
D’un miel spirituel emplit tes sens confus.


Une amitié te vient pour toute pauvre chose,
Tout geste humain t’émeut, ta vanité n’est plus.
Béni soit sur Le front où le pardon se pose
Le signe épanoui des plus humbles vertus… »

Comme il parlait encore, exaltés par les larmes
Mes yeux le virent, l’Ange, ô mon enfant, c’est toi…
Âme de la forêt, dans l’ombre des grands charmes,
Tu me tendais l’anneau nuptial de ta foi.