Les Chansons des trains et des gares/La vierge aux bougies

Édition de la Revue blanche (p. 223-225).


LA VIERGE AUX BOUGIES


Bonne Madame du Quinze Août,
Voici des bougies d’un sou,
Et de deux sous,
(La dépense n’est rien, l’intention fait tout,)
Et de trois, et de quatre sous :
Entendez-nous, exaucez-nous,
Bonne Madame du Quinze Août !

Et les dévots et les dévotes ont demandé
Des tas de choses,
Et la richesse, et la santé,
Un bébé rose :
Nous avons tous à demander
Tant de choses, oh ! tant de choses…


Et puis voici partis et les dévots et les dévotes,
— Des cantiques au loin meurt la dernière note, —
Avec les bougies qui clignotent
La Bonne Vierge est restée seule dans sa grotte.

Alors, à demi-voix : — Vite, dit-elle,
Éteignons toutes ces chandelles !
Devant ces braves gens, je n’ai pas voulu,
Bien entendu,
Pour ne pas leur faire de peine ;
Mais maintenant il ne faut plus
Qu’ici viennent brûler leurs ailes
Les papillons hurluberlus
Et les innocentes phalènes :
D’ailleurs, cette lumière crue
Finit par fatiguer la vue ;
Allons, vite, soufflons dessus,
Et que l’ombre calme revienne… —

Et maintenant dans l’ombre calme,
— Les grands arbres lentement balancent leur palme
Plus de bougies dont s’indispose ou se courrouce

La bonne Madame Marie ;
Plus rien que deux petites flammes
Si pures, si douces :

Ce sont les yeux de mon amie
Qui se reflètent dans la source.