Les Causes de la révolution/Campagne de 1792



CAMPAGNE DE 1792 — MARCHE EN FRANCE — LA RETRAITE ― LE LICENCIEMENT.


Il est tems de revenir aux opérations du corps d’armée que commandait les princes : ils serviront à faire connaitre ce que j’ai déja avancé, la possibilité, je dirai même plus, la grande facilité qu’on avait alors, de détruire entierement, cet hydre épouvantable, qui menace d’engloutir l’Europe daas une ruine commune.

On me trouvera peutêtre bien égoiste, mais j’ai cru devoir suivre le corps auquel j’étais attaché pour me rapeller plus aisément les faits dont j’ai à parler. Je dirai en vrai soldat, ce qui s’est passé autour de mon poste, c’est là tout ce dont je suis certain. Quant aux manoeuvres, aux batailles, je ne les ai connues qu’à mon retour dans le monde, en lisant les papiers qui en parlaient ; je n’en n’avais pu eu la moindre idée jusqu’alors ; je suivais le torrent, pansais mon cheval, le sellais, le bridais, dormais sur la paille, souvent à la belle étoile, et m’imaginais tous les jours, que je verrais le lendemain les clochers de Paris. Les ordres tant desirés pour notre départ, nous furent enfin donnés quelques jours avant celui de la marche, afin que chacun rejoignit son corps et fit tous les petits préparatifs nécéssaires.

Nos étendards ne nous furent délivrés que deux jours avant de marcher, et furent bénis dans l’église de notre village par notre aumonier, qui était chanoine noble de Toul en Lorraine, et qui dans l’ardeur de son zéle pour la bonne cause, s’étant rendu à Coblence et désirant être employé, avait obtenu, avec deux de ses freres, une place dans les gardes de Monsieur. Mais quelqu’un ayant fait savoir qu’il était prêtre, on lui ota le mousqueton et on le fit notre chapelain.

Enfin au 15 Aout, vint le moment de partir, la plus grande joie se manifésta, des cris de Vive le Roy se firent entendre de tous côtés, et nous fimes à l’Allemagne des adieux, que nous croyions éternels. Nous joignîmes bientôt la grande colonne de la cavalerie, nous rencontrames aussi la pauvre infanterie, fatiguée, couverte de poussiere, devorée des rayons du soleil, les seuls accents de la joye s’y faisaient entendre ; lors qu’au soir, harrassés de fatigue, il nons fallait oublier nos besoins, pour ne penser qu’a ceux de notre cheval, jamais la moindre plainte n’echappa, nous avions notre but devant les yeux, et ne nous en écartions pas ; couchés sur quelques brins de paille, vingt où trente dans la même grange, on n’y entendait que des chansons joyeuses, éxprimant nos désirs, où nos sentimens sur les malheurs de la Famille Royalle.

Nous marchames ainsi sans nous arrêter cinq jours de suite, pendant lesquels il ne nous arriva rien de bien extraordinaire : Enfin nous joignimes Trèves, où on nous fit reposer. L’infanterie campa près de la ville, où nous fumes logés dans les villages aux environs: nous perdîmes encore là,, dix à douze jours, pendant lesquèls le roy de Prusse passa en revue l'armée émigrée, et nous fit de grands complimens, qui sont à peu près les derniers qu’il nous ait fait. Les hostilités étaient déja commencées sùr cette frontiere, et les Autrichiens s’étaient emparés de Sierque, petite ville sùr la Mozelle, ils y avaient pris une grande couleuvrine que l’on voyait à Trèves, comme un trophée, au milieu de la place publique.

Nous nous avançames bientôt plus près des frontieres, et restames encore dix à douze jours à quelques lieues de la France, où nous n’eumes d’autres désagrémens que l’ennui, et vers la fin, de manquer de provisions. Un soir, nous entendimes quelques coups de canon, le lendemain nous apprimes que Longwi s’était rendu, et reçumes ordre d’aller en avant ; nous arrivames bientôt sur la frontiere, et lorsque nous passames le ruisseau qui sépare l’Allemagne de la France, nous poussarnes des cris de Vive le Roy. .... nous n’imaginions pas que nous serions bientôt obligé de repasser ce ruisseau fatal.

Nous passames cette nuit au bivouac sur terre de France, près d’un village à deux lieues au delà de Rodemach ; les habitans avaient mis des cocardes de papier blanc à leur chapeaux, et un drap au clocher, afin de nous recevoir convenablement ; nous fumes nous poster le lendemain, derriere l’infanterie quis formais le blocus de Thionville : nous y fumes campés et logés quatre par tente, assez mal à notre aise ; comme la, cavalerie dans un siege n’a prèsque rien à faire, j’occupai mon loisir à visiter mes amis qui étaient dans l’infanterie, et à suivre les opérations de ce siege, qui dans le fait ne sont pas ordinaires.

Les princes n’avaient que six mauvais canons, avec lesquels on tiraillait sur la ville d’une distance prodigieuse ; les Autrichiens, un peu mieux fournis, n’en n’avaient pas allez pour faire un siege en régle. On s’imaginait que la ville se rendrait aux premiers coups de canons, et la réponse du général aux princes, aura bien que celle de la municipalité semblaient le donner à penser. Le général prétendait que sa garnison était comparée de braves gens, qui ne pouvaient se rendre sùr la simple menace ; une nuit, pour tacher de le satisfaire, on fit passer la riviere à quelques compagnies d’infanterie avec deux canons, on fit avançer les quatre restans près des ramparts, et les Autrichiens avec à peu près le même nombre d’un autre côté, commencerent à tirer ensemble sur la ville. L’on m’a assuré, que sur les quatre heures du matin, le feu ayant pris à deux où trois maisons, quelques bourgeois crierait de dans les ramparts de cesser le feu, et que la ville allait te rendre. C’était le moment de le continuer plus vivement que jamais, pour en voir les effets : mais au contraire on le fit cesser, et rien ne parut. Quelques jours après, voyant qu’on serait obligé de faire un siége en régie, on demanda à différentes fois du canon à Luxembourg, et on ne put jamais en obtenir que deux ou trois, quoique la ville fut tres près et bien fournie. Ainsi toutes les opérations se réduisaient à quelques escarmouches de la garnifon, qui envoyait des détachemens fusiller les postes avancés.

Près de Thionville, (à trois où quatre milles), il y a une montagne, qui domine toute la plaine ; c’était le poste des curieux : Je fus m’y placer une où deux fois, la garnison nous appellait les gens de la montagne. De là on voyait en sureté les bombes que pour nous divertir, la ville jettait dans la plaine, on nous en lançat aussi quelques unes, mais elles vinrent mourir au pied de la montagne. J’avoue, que dans un coin reculé, du bois qui en couvre le sommet, Je ne pus m’empêcher de soupirer bien amèrement, en songeant que deux ans ne s’étaient pas écoulés, depuis que j’avais eté en garnison dans cette même ville, contre la quelle j’étais armé à présent : tous les environs m’en étaient familiers, la place même où j’étais, avait été le théatre de diversions très agréables. Les connaissances, les amis, avec lesquels je les avais prises, étaient enfermés dans la ville avec leur famille. ... et j’étais armé contre eux.

Pendant que nous étions ainsi, assez inutillement occupés près de Thionville, le prince de Hohenloe qui commandait les troupes Autrichiennes, reçut avis m’a-t-on dit, de la faiblesse de la garnison de Mets, dans laquelle il n’y avait pas même la moitié des troupes, qui y sont ordinairement en temps de paix. On lui fit aussi, assure-t-on la proposition de lui ouvrit les portes, aussitôt qu’il paraitrait. .... il consultat à ce sujet quelques officiers Français qui y avaient été en garnison dernierement ; Mets n’est qu’à sept lieues de Thionville : on ne voulut pas lui permettre de se montrer près de la ville, et c’était assure-t-on encore, tout =que l’on demandait de lui.

Les princes authoriserent par leur exemple, une écharpe blanche qui servait de ceinture, sur le modéle des anciens chevaliers cependant malgré cet ésprit de chevalerie, le temps nous durait sous la tente, exposés à la pluie, manquans souvent de pain, de bois, de fourage, on commençait a s’impatienter, et à murmurer. Après quinze jours enfin, nous apprimes la prise de Verdun, la cavalerie reçut ordre de rejoindre sur le champ les Prussiens. Ou était persuadé, que l’ordre que nous reçumes, était pour marcher immédiatement sur Paris ; les compagnies nobles d’infanterie, qui devaient rester au siege de Thionville, furent très mécontentes, et même envoyérent une députation aux princes, demandant qu’on ne leur fit pas l’affront de les laisser derriere. Les princes eurent beaucoup de peine à les persuader, particulierement les compagnies Bretonnes, qui se montrerent très ardentes. Cependant, lorsqu’on les eut assuré que cette séparation n’était que momentanée, que le roy de Prusse demandait la cavalerie des émigrés pour renforcer la Sienne, et qu’elles ne tarderaient pas à la rejoindre, les ésprits se calmerent.

On était loin d’avoir la moindre idée, des malheurs qui ont suivis et encore moins des motifs, qui furent (à ce que s’imagine) la mure de cette séparation. Mes amis dans l’infanterie, affligés de ne pouvoir marcher avec nous, me chargerent de leur commissions pour Paris, et si je ne les ai pas mise à éxécution j’ose le dire, c'est que les Prussiens ne l'ont pas voulu ...

Pour éviter de passer près de Mets on nous fit prendre la traverse par les montagnes du côté de Longwi, et en cinq jours de temps nous arrivames sous les murs de Verdun. Nous fumes cantonés dans les villages aux environs, et il nous fut défendu d’aller dans la ville, sans une permission par écrit de notre commandant. Le dégat occasionné, par le court bombardement que Verdun avait essuyé, se réduisait à très peu de chose, et les habitans assez tranquilles n’étaient peutétre pas fachés d’avoir changé les patriotes, pour les Prussiens, les Autrichiens, et les émigrés. Les boutiques étaient ouvertes, et remplies d’acheteurs. Les gens riches émigrés de la ville, y étaient retournés ; l'évêque, les chanoines, tout le clergé avaient repris leurs fonctions ; en un mot, l’abondance régnait, et quoiqu’il s’en fallut de beaucoup quelles Prussiens rendissent leur joug aimable, l’espérance de voir les choses bientôt accommodées rendait la situation présente très supportable. Cependant ils commenerent dès lors à jetter ouvertement le masque, plusieurs émigrés furent maltraités dans la ville par leurs caporaux et soldats, et ne purent obtenir justice.

C’était le temps des fruits : mais quelques uns les raisins particulièrement, n’étaient pas mùrs : d’autres comme les melons, étaient passés ; il arrivait souvent que ces fruits mal sains, occasionaient parmi le peuple des dyssenteries et autres maladies contagieuses. Pour en prévenir le mauvais éffet, les magistrats de Mets et des villes voisines, étaient obligés dans cette saison, de défendre aux paysans d’apporter des melons au marché, sous peine de confiscation. Les Prussiens venant d’un pays à qui la nature a refusé presque toutes sortes de fruits, et qui vraisemblablement voyaient des melons et des raisins pour la premiers fois, tomberent dessus avec une avidité incroyable. Ils ne tarderent pas à se ressentir dans les plaines de la Champagne, des excès qu’ils avaient commis près de Verdun.

Le roy de Prusse et le Duc de Brunswick, jugerent à propos de les laisser douze quinze jours près de cette ville, et cela donna le temps à Dumourier de joindre sa petite armée avec celle de Kellerman. L’armée du Duc de Brunswick se trouvait alors entre les deux, dam un pays difficile et montagneux, dont il eut été aisé d’occuper les passages ; l’on eut pu empêcher cette union de s’effectuer, avec autant de facilité que Dumourier en a eu à la faire, par la complaisance de nos bons amis, qui semblent aussi avoir été les siens.

On faisait courir des bruits étranges parmi nous ; tantôt les patriotes entourés de toutes parts, ne pouvaient échapper ; tantôt ils avaient mis bas les armes, et le roy venait en personne se mettre à la tete de la noblesse, &c.

Le surlendemain d’une petite action où les patriotes furent maltraités, on nous mit en mouvement quoique durant les séjours, les réflexions sombres ne nous laissassent pas tranquilles, le moindre mouvement ranimait nos espérances, et nous crumes encore une fois, marcher sans autre délai sur Paris. On avait laissé Dumourier s’emparer de la forêt d’Argonne, et il l’occupait encore : On nous fit rebrousser chemin, et nous demeurantes quatre jours dans un mauvais village voisin ; nous partimes enfin à deux heures du matin, et nous traversames cette redoutable forêt d’Argonne, que les Chasseurs Prufliens eurent beaucoup de peine à nettoyer ; les patriotes avaient coupés les arbres, et en avaient couvert le chemin, l’éspace de trois miles. Nous ne nous arrêtames qu’a minuit près Ste. Marie village de Champagne, où l'on nous fit passer la nuit au Bivouac, sans donner à nos chevaux plus de trois livres de foin, et à nous mêmes que quelques onces de pain au matin : on reçut ordre de faire autant de feux que possible, nous en appercevions distinctement d’autres à quelques distances, et ne savions trop s’ils étaient amis où ennemis. Le lendemain, et sur- lendemain, on nous fit faire des marches et contremarches sans fin : celles du premier jour, n’eurent rien de remarquables, mais au second on fit avancer toute la cavalerie des émigrés dans le plus grand ordre sur deux colonnes, et on nous plaça couverts par un petit coteau, dans une plaine immense. Tout semblait annoncer qu’une bataille allait se donner ; les equipages étaient rangés autour des moulins à vent, et gardés par quelques troupes. Les princes passerent dans nos rangs, le Comte d’Artois dit en passant dans la compagnie où j’étais : Enfin, Messieurs, c’est ce soir que nous les voyons, c’est ce soir que nos malheurs finissent.

Jamais je n’oublierai le coup d’oeil intéressant que présentaient huit à neuf mille homme de cavalerie, composés pour la plupart de gentils-hommes Français, montés à leurs frais, attendans en silence et avec joie le moment de se signaler pour leur cause,et dont dépendait peutêtre pour jamais, leurs propriétés, leurs femmes, leurs enfants, l’ancienne constitution de leur pays, la vie de leur roy, en un mot, leur bonheur futur, et tout ce qu’ils avaient de plus cher. Après dix à douze heures d’une attente très impatiente, on apperçut enfin quelques troupes à une grande distance : un mouvement joyeux, engagea chacun à monter à cheval nous fumes bientôt obligés de descendre, c’était des Prussiens. La journée finit par nous cantonner, au misérable village de la Croix en Champagne, qui avait été pillé par les Prussiens, parceque les paysans avaient cherchés à s’y défendre ; ils s’étaient retirés dans les bois loin de là, et nous n’y trouvames que des femmes.

Il était curieux de voir comme chacun s’évertuait pour tacher de trouver des vivres pour lui et son cheval, la crainte, qu’on avait qu’ils ne tombassent sous une autre dent affamée, les faisait toujours porter sur soi, où être présent quand le cheval mangeait : une fois je fus d’un détachement qu’on envoya à une lieue de Châalons, pour faire contribuer un village ; nos lignes étaient à quatre lieues de la ville, de sorte que les patriotes auraient pu nous enlever dans un moment ; aucune troupe n’y avait encore passée, et lorsque les habitans furent certains que l’on payait bien, on y trouva des vivres en abondance.

Un si heureux succès donna envie de l’essayer encore, mais les patriotes avaient été avertis, et l’on fut obligé de batailler sans rien attraper, que des coups. Durant notre séjour à la Croix en Champagne, on nous fit une fois monter à cheval à minuit, courir les champs, et revenir sans rien faire, on croyait que c’était quelque chose, mais non c’était seulement pour nous tenir en haleine.

J’imagine que les Prussiens et les patriotes étaient aussi oisifs que nous, pendant tout le tems que nous fumes à la Croix en Champagne, manquant de pain, sans avoir rien à faire, quoique nous ne fussions qu’à quelques milles de leur camp. C’était alors que le Duc de Brunswick, conduisait ces négotiations mystérieuses dont tout le monde a parlé, et que personne ne connait encore. Il nous arrivait de tems en temps quelques déserteurs, qui nous assuraient que le grand nombre de leur camarades, était bien disposé en notre faveur, mais qu’ils ne pouvaient se montrer qu’un jour de bataille, parceque les soldats étaient tous occupés à se garder les uns les autres, et ne pouvaient s’echapper.

Après que toutes les provisions eussent été mangées à la Croix en Champagne, nous reçumes ordre d’aller affamer le village de Some Suippe, c'est à dire de nous y cantonner ; quoiqu’il eut été visité par d’autres, nous y trouvames assez de provisions dans le commencement, mais bientôt nous manquames de pain ; cependant je puis assurer avoir couché tout le temps que nous y fumes, sur un tas de froment de plus de vingt pieds de haut, en outre de l’avoine en paille, que nous donnions à nos chevaux ; mais le manque de moulin, que les patriotes avaient détruits en se retirant où plutôt le manque d’ordre, rendait la farine et le pain fort rares.

Le paysan plus attentif à la conservation de son foin que de son avoine, en avait caché quelque peu dessous, mais on la visitait si souvent, qu’on le découvrit bientôt aussi bien que des paniers d’oeufs, du vin, et autres provisions qu’ils avaient cachés sous la paille ; quoi qu’on payat pour les vivres, même ceux qu’on trouvait, les fourages ne se prenaient que sur des bons, payables après la révolution *.


Un jour en furetant dans une maison de paysan, je découvris un gros pain caché derriere une planche ; je demandai à la femme de la maison, qui parut bientôt, si elle n’en n’avait pas ? Non me dit-elle ! Sans lui répondre, je la conduisis à la place. Oh ! ne dit-elle en pleurant, mes pauvres enfans vont mourir de faim ! Je la rassurai de mon mieux, n’en n’acceptai qu’un petit morceau, et n’ai garde eu de découvrir ce que j’avais trouvé.

Un cavalier de royal Allemand, en puisant de l’eau pour son cheval, amena avec le sceau une vieille marmite cassée, qui s’y était acrochée par l’anse ; il y trouva envelopés dame quelques vieux linges, vingt cinq louis en or, et s’en retourna tout joyeux : bientôt sa découverte fut connu de tout le monde, le propriétaire de l’argent, vint le reclamer au commandant, et ayant donné des indices sùrss, il lui fut rendu, il en fut si content qu’il donna trois louis au cavalier.


Il ne se passait pas de jour que nous n’eussions trois où quatre alertes, qui toutes se réduisaient à quelques misérables escarmouches, où quelques méprises de sentinelles. Cependant un parti des gardes et de royal Allemand etant occupé à fourager fut attaqué à l’improviste, deux d’entre eux furent faits prisonniers ; entr’autres un de mes camarades, nommé Mirambel, qui a ensuite été guillotiné à Paris, dans le nombre des quatorze prisonniers qu’ils avaient fait sur nous.

Le pays de la Champagne Pouilleuse, est situé dans la partie la plus élevée de la Champagne, et comme tel il est froid ; il forme une immense plaine, où les ruisseaux prennent leurs sources et sont peu communs ! le bois ne croit que sur leurs bords, et l’herbe ne tient que dans les parties basses qui peuvent être arrosées ; le reste du pays peut produire partout de l’avoine et quelque peu de froment ; il est sùr que l’avoine dans certains endroits est bien misérable, mais enfin, on n’y trouve point cc qu’on appelle en Écosse, et en Irlande mosses où bogs, ce qui, dans le fait, serait très heureux pour les habitant qui manquent de chauffage. Les villages sont communément situés à la source des ruisseaux et ainsi jouissent des avantages d’une eau pure, du bois, et de l’herbe pour les bestiaux. Ils sont presque tous entourés d’une espece de fortification en terre, avec un fossé peu profond. Comme dans des temps reculés, ce misérable pays était toujours le siege de la guerre, chaque parti cherchait à fortifier le poste où il était campé. C’est près de Somme Suippe, qu’Attilla donna sa fameuse bataille, et quand la Flandre appartenait à l’Espagne, et la Lorraine à ton souverain, c’était là, que la France avait ordinairement à combattre ses ennemis. Au surplus, ce canton ne passe pour si mauvais, que parce qu’il est entouré des meilleurs pays de la France, où les productions les plus recherchées et de la meilleure qualité, se trouvent en abondance, mais s’il sa trouvait transporté dans bien des pays de l’Europe, les habitant le regarderaient d’un autre oeil, et je n’ai pas le moindre doute que la culture ne le rendit très passable.

Après avoir demeuré dix jour. dans le village de Somme Suippe, on nous donna ordre de monter à cheval ; nous crumes que nous allions forcer le passage, marcher en avant, où tout au moins qu’en attendant miens, nous allions affamer un autre village, car il n’y avait plus rien dans le notre ! ..... Mais non, c’était la retraite à laquelle la plupart de nous ne pensions guères, et dont je puis assurer n’avoir pas eu la moindre idée avant le quatrieme jour de marche.

On dit que les chefs de notre armée, s’y refuserent quelque temps et offrirent même d’attaquer seuls la patriotes, pourvu que le roy de Prusse mit seulement ses troupes en bataille à vue : il ne voulut point y coosentir. Prince de Condé où étiez vous alors ! on savait bien ce qu’on faisait, quand on nous a divisé en quatre corps.

Au cantonement du premier jour, après que nous eumes été une heure où deux tranquilles, on sonna tout à coup le boute selle, et sùr les quinze cents hommes de cavalerie que nous étions dans le village, on en choisit quatre cents pour monter la garde, et passer la nuit à cheval. Nous pouvions distinctement appercevoir à quelque distance une garde à peu près de la même force que la nôtre ; mais ils ne troublerent pas notre repos, comme nous ne troublames pas le leur.

Le troisième jour nous sortimes de la Champagne Pouilleuse, par le même chemin que nous y étions entrés : nous suivions les Prussiens dont les chevaux morts et même les hommes indiquaient le passage ; cependant nous étions bien loin de nous imaginer, que nous étions sur les derrières et poursuivis de fort près.

Pendant tout le tems que nous fumes à Somme Suippe, le roy de Prusse nous avait fait l’amitié, de nous opposer, sans canons, sans infanterie et sans fourage au corps le plus considérable de l’armée républicaine ; pendant cette retraite il nous fit encore la grace, (sans que nous le scussions) de nous faire faire l’ariere garde de son armée, quoique ce ne soit pu trop l'usage d’y placer la grosse cavalerie ! que voulait-on faire de nous .... et pourquoi les républicains nous ont ils laissé aller, sans nous attaquer où plutôt sans nous enlever, puisque nous n’avions pas de moyens de défense ! ... La belle négotiation que celle de Dumourier et du Duc de Brunswick, où plutôt de Frederick William ! car je suis bien convaincu qu’un homme d’honneur comme le Duc de Brunswick, ne nous a trompé, que parce qu’il l’a été lui même.

La plus terrible dissenterie régnait chez les Prussiens, leurs soldats mouraient par centaine, c’était le fruit de leurs premiers éxcès, et une suite du besoin dans lequel ils étaient souvent. Quant aux émigrés, le nombre des malades y était fort peu considérable, il n’y en avait pas un dans la compagnie où j’étais, et jamais de ma vie je ne me suis mieux porté. Les Autrichiens aussi, semblaient être beaucoup mieux qu’eux, ce qui provenait sans doute des repas réglés qu’ils étaient obligés de faire, peutêtre aussi des capotes, où redingottes qu’ils avaient avec eux, et qu’aucune autre troupe se portent.

Les Prussiens traitaient leur malades avec une barbarie incroyable. Lorsque le chariot qui les portait se trouvait trop plein, où qu’il fallait faire place à de nouveaux venus, sans beaucoup de cérémonie on choisissait les plus malades, et après les avoir mis tout nud, crainte que leur dépouilles ne tombassent entre les mains des ennemis, on les laissait sur le chemin. Quoique les habitant en ayent sauvés quelques uns, le seul bon office qu’ils fussent communément capables de leur rendre, c’était de les entêrrer.

On nous hâta trois où quatre jours dans la riche vallée de l’Argonne, qui paraissait encore beaucoup plus belle à la sortie des plaines de la Champagne Pouilleuse. Il y avait dans les environs quelques troupes de paysans, où de patriotes armés dans l’espoir de pillage, elles nous donnerent une alerte, mais cela n’en valait pas la peine. Les paysans du village où nous étions, savaient tout aussi peu que nous le chemin que nous allions prendre, car quoique mus eussions marché trois jours, nous étions presque tout aussi près de Rheims qu’a nôtre départ ; leur curé constitutionél s’était sauvé au commencement de la campagne, et les dévots n’ayant pas été à l’église depuis long temps, vinrent prier notre aumonier de leur dire la messe, il y consentit de tout son coeur, et nous y assistames tres dévotement.

Nous continuames notre route, et passames par un village qui avait subi une éxécution militaire, par ce que le curé constitutionel avait ameuté ses paroissiens, et la avait engagé à tirer sur les mousquetaires, qui étaient venus établir les contributions ; après que tout eut été réglé, ils tirerent quelques coups de fusils sùr eux, comme ils se retiraient, dont un fut bléssé. Les mousquetaires reçurent ordre de revenir en plus grande force, et après quelque résistance, le malheureux village fut presqu’entiérement brulé. Nous logeames dans un petit endroit, où on nous dit le lendemain, que trente grenadiers patriotes avaient aussi passés la nuit, mais ils ne se montrerent point, et nous ne le scumes que quand il n’était plut temps de rien faire. Ce fut a la sortie de ce cantonement que l’armée des princes fut attaquée par un parti considérable de la garnison de Sedan, qui s’était caché en ambuscade dans un bois sur le chemin.

Quelques gentils-hommes des compagnies Bretonnes à cheval, et des chevaux-légers et mousquetaires, ayant été logés dans un village ou ils ne trouverent que quelques femmes, remarquerent qu’une d’entre elles, allait et venait continuellement du bois au village ; on l’arrêta, et après qu’elle eut été interrogée, elle avoua qu’il y avait à peu près trois mille hommes cachés dans le bois ; on en donna avis au quartier général, mais cela semblat si improbable qu’on n’y fit point attention ; au matin les patriotes impatiens, tirerent onze coups de canon sur la colonne des gardes du Roy qui tueront quelques chevaux.

Si les patriotes c’étaient tenus tranquilles et eussent attendu le passage du quartier général ils eussent pu enlever les princes où du moins causer un dégat effroyable, avant que les troupes qui étaient deja passées, pussent se rassembler. On vit bien alors que c’était sérieux, on fit mine d’entourer le bois : les patriotes craignant d’étre coupés, se retirerent précipitament, en criant nous sommes trahis. C’était à cette époque leur cri de guerre ordinaire, en s’enfuyant à toutes jambes .... c’est un peu différent à présent!

On envoya quelque détachemens après eux,pour achever de les disperser ; nous eumes deux où trois hommes tués, entre-autres Mr. De la Porte, aide de camp de Mr. D’Autichamp ; il commandait un détachement de Houzards, et ayant donné la tic à un paysan armé, qui la lui demandait à genoux, il prit trop de confiance dans son air humilié, et ne lui ota pas son fusil ; il apperçut alors quelques autres paysans à une certaine distance, il courut à eux pour les désarmer ; le vilain se releva et le tua par derrière. Cela fut cause que les Houzards indignés, mirent le feu au village, et tombant en furie sur les paysans, en tuerent une douzaine et firent quelques prisonniers.

Du plus loin que nous apperçumes le clocher voisin, nous distinguames sans peine, écrit en gros caractere sur le toit au dessous du coq : Vive Louis seize, le bien aimé. Tous les paysans étaient dans les rues avec de grosses cocardes de papier blanc, que j’imagine ils ne porterent pas longtemps, car les patriotes passerent dans le même endroit peutêtre une heure après. Ce fut ce jour là que nos bons amis les Prussiens, pour empêcher nos bagages de tomber entre les mains des ennemis, eurent la bonté de s’en emparer ; voila du moins ce qu’on a rapporté : ce qu’il il y a de sùr, c’est, qu’ils furent perdus ce jour là ! Il m’est bien indifférent quo ce soit un Prussien où un Carmagnole qui se soit vêtu dans mes hardes ! Je ne préservai comme bien d’autres, que ce que j’avais derriere moi sur mon cheval.

Il est possible que ce soit seulement des préjugés, qui aient fait attribuer aux Prussiens ce petit trait de gentillesse ; cependant comme dans d’autres occasions, ils avaient été pris sur le fait, cela ne parait pas si extraordinaire. Une compagnie d’infanterie qui avait perdu ses bagages, fut toute surprise de voir la Charrette qui les contenait, conduite par nos bons amis, accompagnés de quelques bestiaux à la marque des princes ! elle réclamat ses effets ! les Prussiens les refusèrent : les autres insistèrent, et vraisemblablement messieurs de la Prusse allaient voir beau jeu : les sabres étaient tirés, lors qu’un général Prussien passa par la ; il s’informa du sujet de la querelle, et ne pouvant se refuser à l’évidence, (d’autant que les émigrés étaient les plus forts) il leur fit rendre leurs effets : ce n’était pas trop la peine, car la moitié des portemanteaux avaient été vidés d’avance *.


Un gentilhomme Breton étant obligé de s’arrêter un moment, avait mis à côté de lui un beau fusil à deux coups ; un soldat Prussien, le prit et s’en fut avec: l'autre, courut après ; un officier subalterne à cheval le voyant ainsi embarrassé, lui demanda, quel était le sujet de ses cris ; il appelle son soldat, qui se rendit à sa voix " coment coquin," lui dit-il, " vous avez volé cette arme à monsieur, qui est un des notres c’est abominable : allons drille, donnes moi ce fusil tout de suite," et il lui administra sur le champ quelques coups de baton, puis se tournant du côté du Français, " j’éspere monsieur, lui dit-il, que vous etes satisfait ..." oh, certainement," répondit il, je vous suis infiniment obligé," c'est pon répondit le Prussien, qui piqua des deux et s'en fut au grand galop, avec le fusil.


La maison de Madame De Dampierre, (la femme de ce gentilhomme, qu’un zéle trop ardent fit tuer près la voiture du roy, quand on le ramenait de Varennes † ) fùt entierement pillée, quoique le roy de Prusse y fut logé ;


Pendant qu’on ramenait le roy de Varennes à Paris, comme je l'ai dit, entouré d’une foule de toute espéce. Le Marquis de Dampierre sùr la terre de qui, le convoi funèbre passait, poussé par l’ardeur de son zèle s’élança à cheval et tout seul au milieu de la foule en lui reprochant les outrages dont elle accablait sa majésté. Il arriva ainsi jusqu’auprès de la voiture du roy, et lui addressa la parole. Il fut sùr le champ culbuté de cheval et massacré sous les yeux du roy.



le roy lui même fut plusieurs fois m’a-t-on dit, obligé de se passer de diner parce que ses braves sujets avaient dévorés ses provisions *.


Un de leurs soldats mourant à la porte d’une maison, où deux Français prenaient une tasse de caffé, les priat de le trainer auprès du feu, afin que du moins il ne mourut pas dans la rue ; ils y consentirent et ayant eu l’occasion de s’absenter un moment, en rentrant ils trouverent les petites cuillers d’argent manquantes dans leur tasse et le Prussien décampé ; " oh, " dit l’un, " il ne doit pas être loin nous le trouverons bien vite," effectivement, à peine eurent ils fait vingt pas, qu’ils le trouverent étendu sur la terre, roide mort et les deux cuillers d’argent dans sa poche.


Leur gloutonnerie était quelque chose d’incroyàble, aussi bien que leur appétit pour les choses grasses ; un d’eux presqu’ivre mort, entrant à Stenay dans la boutique d’un apothicaire, dévorat malgré sa résistance des onguents bien gras et bien onctueux et en mourut presque sur le champ.

Nos éspérances n’étaient point encore tout à fait éteintes ; nous croyions passer notre quartier d’hiver sur terre de France et dans le pays où nous étions ; mais bientôt notre sort ne fut plus douteux. Nous reçumes ordre de nous rendre à Longuion, nous partîmes de grand matin, et passames sur les huit heures près du camp des Autrichiens, nous eumes lieu d’admirer la bonne mine qu’ils avaient encore, après cette désastreuse campagne ; ils nous parurent être en fort bon état, et n’avoir que fort peu souffert. Je ne saurais prendre plus à propos l’occasion d’assurer, que les relations qui ont dit que les Autrichiens et les émigrés avaient été les plus maltraités, sont (au moins quant à ma connaissance,) entièrement dépourvues de fondement, aussi bien que ces rapports où l’on assurait qu’ils ne laissaient rien derriere eux, tandis que les Prussiens observaient la plus éxacte discipline. Voici le fait purement et simplement, tel que tous ceux qui ont fait cette campagne, l’ont vu aussi bien que moi.

Les Prussiens n’avaient point d’ordinaires fixes, ils vivaient comme ils pouvaient, un jour mourant de faim, et l’autre mangeant trop, pillant sans miséricorde amis et ennemis. Les Autrichiens au contraire, vivaient en ordinaire réglé, suivaient la plus éxacte discipline, et par conséquent ne passaient jamais comme les Prussiens d’un excès à l’autre. Quoique les émigrés ne fussent pas fournis à une discipline aussi éxacte, ils vivaient cependant entre eux, et le vieux point d’honneur, ne leur aurait pas permis de faire aucun pillage où dégat, du moins publiquement ; cependant je ne prétends point dire, qu’il n’y eut pu de désordre parmi eux ; mais seulement, qu’il n’était pas poussé au point qu’on a voulu le faire entendre, et que ce qui en éxistait, était la suite très naturelle de leur position critique.

Nous traversames pour nous rendre à Longuion, des montagnes, des vallées et des bois obscurs, par des chemins larges de cinq où six pieds, au milieu de gorges étroites, où deux cent hommes auraient pu arrêter une armée. On avait placé quelque troupes Autrichiennes, avec du canon sur une hauteur dominant la vallée dans laquélle la forteresse de Montmedy est située, et notre passage ne nous fut point disputé.

Quoique la retraite des émigrés, annonça assez clairement que les Prussiens ne tarderaient pas à les joindre : cependant on était si peu persuadé, qu’ils abandonneraient totalement cette partie du pays ou nous étions, vù la facilité de la défense, que dans le village où nous nous arrêtames, le fils du seigneur qui était émigré lui même, se prèsenta avec sa famille à l’instant de notre départ avec la cocarde blanche au chapeau, et résta après nous. A quelque distance de Longuion, les chemins étaient si mauvais par les pluies continuelles, que les chariots chargés ne pouvaient passer qu’avec beaucoup de peine ; les Prussiens, suivant leur louable coutume, les déchargèrent en partie, et plusieurs de mes camarades eurent l’horrible spéctacle, de vingt un misérables couchés dans la boue, entièrement nuds, parmi lesquels il y en avait sept à huit encore vivant.

Après avoir resté trois jours à Longuion, nous passames le quatrieme sous les murs de Longwi, dont nous fimes le tour, car on ne nous permit pas de passer par la ville. Deux heures après nous sortimes de France. — Ainsi se terminerent les vains projets que nous avions formés, les espérances chimériques qui nous avaient bercées de voir na malheurs finis dans peu de temps, tandis que ce que nous avions deja éprouvé, n’était que le prélude de ce que nous devions réellement souffrir.

A peine fumes nous sùr terre étrangere, que l’on refusa de fournir aux princes, la nourriture da trois cent prisonniers qu’ils avaient fait ; ils furent obligés de les laisser aller ! ce ne fut qu’après cette démarche inconsidérée, que les patriotes condamnerent le petit nombre qu’ils avaient fait sur nous, à être guillotinés, et qui j’ose le dire, a été la cause du massacre de milliers d’émigrés ! appercevant que les allies ne réclamaient pas les malheureux qu’ils avaient fait prisonniers, et n’osaieat pas même user de représaille, ils firent cette loi de sang qui condamnait à la mort, tout émigré qui leur tomberaient dans les mains. Si les alliés eussent offerts de changer ces trois cent prisonniers, contre les quatorze émigrés qu’ils avaient pris, vraisemblablement ils ne l’eussent pas refusé et c’eut été un modéle pour d’autres traités d’échange.

Ceci est une vérité d’autant plus incontestable, qu’aprés cinq ans d’une guerre horrible, dans laquelle il semble qu’on se fit un devoir de laissr les émigrés comme garnison, dans les places fortes qu’on abandonnait à elles mêmes, sans que jamais on capitulat pour eux à la réddition de la place ; l’Archiduc Charles vient enfin, de menacer si positivement d’user de représailles, sur les prisonniers républicains, dans le cas où aucuns des gentils-hommes où soldats de l’armée de Condé seraient mis à mort, pour avoir été pris les armes à la main : qu’à la fin les républicains ont consenti à les échanger. … pourquoi n’a-t-on fait cette déclaration, dès cette époque.

Les princes établirent leur quartier général à Arlon, petite ville, à quelque distance de Luxembourg et de Longwi, dont nous apprimes bientôt la honteuse évacuation aussi bien que celle de Verdun. Je crois à propos d’en parler un peu, et de rapporter les bruits qui couraient sùr la reddition de ces deux places.

Le général patriote qui attaqua Verdun, et à qui l’on permit d’élever une batterie à deux cent toises de la citadelle sans la moindre molestation, donna ordre à l’officier qui en vint sommer le commandant, de se retirer sans parler, en cas qu’il fut Autrichien : mais étant Prussien, il se présenta, et en fut comme chacun sait, parfaitement reçu. Cependant les émigrés qui étaient dans la ville, n’étaient point du tout informés que l’armée dut se retirer, et présumaient que le roy de Prusse protégerait la ville, et y prendrait ses quartiers. Toutes fois l'évêque se doutant de quelque chose, écrivit m’a-t-on dit, an roy de Prusse, lui demandant s’il était sùr, pour lui et les autres émigrés retournés, de rester dans la ville ; sa majésté répondit assurre-t-on fort briévement, "Autre temps, autre maniere de voir et d’agir." La dessus l’évêque et les autres, prirent leur parti, et profiterent promptement du peu de temps qui leur restait, pont s’échapper à la suite de l’arriere garde Prussienne. Le grand nombre d’entre eux se sauva à pied, laissant derriere eux tout ce qu’ils pouvaient avoir. Je sais des dames très riches, qui firent ainsi la moitié du chemin à la suite des Prussiens et enfin à dix où douze lieues d’Arlon, trouveront quelques misérables charettes, sùr lesquelles elles arriverent.

Les mêmes circonstances occurerent à la réddition de Longwi, quoique plus en petit ; la seule chose remarquable, c’est que l’officier qui prit possession de la place, se plaignit qu’il y avait deux canons de moins, que quand la place avait été prise, et que le roy de Prusse fit répondre qu’on les avait transporté à Luxembourg, mais qu’il les renverrait, ce qu’il fit efféctivement.

Ce fut à Arlon, que la désolation la plus grande, commença à se faire sentir générallement parmi les émigrés ; on voyait que la campagne était manquée, et toute éspérance de retour fermée : il s’en fallait cependant beaucoup, que l’on s’imaginat que ce fut pour jamais : l’on donnait des passeports, à tous ceux qui demandaient à se retirer : cependant l’on ne parlait point encore de licenciement, et un grand nombre, soit par nécéssité, soit par l’idée d’être employé, réstait à ses étendards ; la misère, le chagrin, la fatigue, le manque de tout, les humiliations qu’on recevait tous les jours, tant des habitans que des gouverneurs des pays où nous étions, nous avaient aigris les uns contre les autres. Les égards mutuels, la politésse, l’amitié même étaient bannis, et avaient fait place à une humeur querélleuse qui se développait prèsque tous les jours, pour des sujets souvent si ridicules, que même dans ce temps là, on ne pouvait s’empêcher d’en rire, lorsque la premiere colere était passée.

Les paysans nous avait d’abord fourni les vivres gratis, mais il vint bientôt un ordre d’Arlon, de ne rien donner sans payer. Cependant le commandant consentit, qu’on nous fournit le couvert et quelque peu de paille d’avoine pour nos chevaux, plus sur des bons comme en France, mais sùr des reconnaissances, dont la forme nous fut donnée, pour nous faire entendre, que cela ne nous était point dû.

Nous traversâmes cette partie des Ardennes qu’on apelle Famine : jamais nom ne nous sembla mieux donné : nous suiviont le quartier général et une partie de notre armée delabrée, les villages étaient entierement dépouillés de tout, ou plutôt les paysans cachaient leur vivres, dans la crainte de manquer eux mêmes, où de n’être pas payés. La plus grande partie de ces montagnes, ressemble assez à la Champagne Pouilleuse quoique un peu mieux cultivées, ce qui provient peutêtre, de ce que le pays aux environs n’a pu si bon. Enfin gagnant Marche, la capitale de Famine, nous fumes étonnés de retrouver quelques égards : c’étaient des Autrichiens qui y étaient en garnison, et cela fut la seule fois depuis la retraite, que nous ayions été traités eut bien que leurs soldats : notre nourriture était grossière, mais elle était suffifante, et nos chevaux eurent du foin, dont ils s’étaiens passés depuis long temps.

Me promenant dans le village, je liai conversation avec un hussard Autrichien, qui parlait franchement et ouvertement de cette funeste campagne ; dans un moment d’enthousasme, me rapellant la plaine de Champagne, ou l’armée des émigrés avait paradée inutilement pendant huit à dix heures ; oh, camarade ! me dit-il (en me frappant rudement sùr l’épaule) si on avait voulu, comme nous les aurions frottés.

Nous n’étions là, qu’à quelques lieues de Givet, dont la garnison fit une éxcursion ce jour là même, assez près de notre village ; on envoya des Hussards après eux, et l’un d’eux ardent à la poursuite d’un Carmagrol, le suivit dans une maison sur son petit cheval, monta les éscaliers au galop, entra après lui dans une chambre, et l’y aurait atteint, si le pauvre diable effrayé ne s’était jette par la fenetre, au bas de laquelle on le fit prisonier, avec une jambe cassée.

Bientôt nous arrivames sur le térritoire du prince de Liège, où l’on nous fit entendre que nous pourrions bien passer l’hiver aux dépens de son altesse celcissime, que le roy de Prusse disait lui devoir douze millions de livres tournois, (500,000 l. Sterling), pour l’avoir replacé sùr son trône, quelques années avant, et avoir appaisé les troubles de son pays avec sa troupes, en dédomagement de quoi, il nous mettait à sa charge pour l’hiver. Je ne sais pas s’il y avait là rien de bien réel, mais il est sûr que les états et le prince consentirent à nous cantonner dans les petites villes et les villages, à nous donner une livre de pain de munition, une demie livre de viande par jour, et le fourage à nos chevaux. En attendant que les cantonnement fussent formés, on nous logea comme on put dans de misérables villages, dont les habitant cependant ne nous traitaient point mal, et partageaient avec nous le peu qu’ils possédaient.

Après quelques jours de repos, me trouvant si près d’une grande ville, je me sentis un désir violent de savoir ce qui se passait au monde ; depuis plus de cinq mois, je l’ignorais aussi entièrement, que si j’eusse passé ce temps à dormir, et mon éxistence n’avait pas été très différente de celle d’un arbre dan» une forêt, qui reçoit toutes les impulsions que le vent donne à ses voisins et à lui même, sans savoir d’où il vient. Un jour donc, je me rendit à Liège * où je fus

fort étonné d’apprendre dans les papiers, les détails de cette campagne tels que les Prussiens l’avaient faite, ainsi que les petites rencontres auxquelles on donnait le nom de bataille, et dont à peine jusqu’à lors j’avais eu la moindre idée. Bientôt nos cantonnement furent fixés, et on nous dispersa dans les petites villes et villages aux environs de Maestricht.


Plusieurs maquignons vinrent éxaminer mon cheval, qui était réélement

en fort bon état et n’avait que cinq ans, fort et même assez joli ; après s’être étonnés de le trouver aussi bien conservé, ils n’avaient pas honte de m’en offrir un où deux louis, tout sellé et bridé. Dans le fait, grand nombre d’émigrés, n’ayant pas même de quoi subsister, avaient encore bien moins de quoi faire vivre un cheval, et étaient bien aises de s’en débarrasser à quelque prix que ce fut ; heureusement n’étant pas réduit si bas, je les écoutais en riant faire leurs offres, et ils venaient m’importuner à chaque quart d'heure, m'offrant quelque chose de plus ; ils monterent jusqu’a six louis, et m'assurerent qu’ils n’avaient pas payé un seul cheval si cher, depuis la retraite.


Ayant promis de dire quelque chose du siege que ceste ville fut obligée de soutenir quelques tems après, et auquel les émigrés ont en tant de part ; je crois devoir placer ici le peu de détails que j’ai eu à ce sujet. Quoique depuis l’arrivée des républicains à Liége, on eut mis la ville dans un certain état de défense : elle était cependant, loin d’être aussi bien garnie de troupes, de canons et de munitions qu'elle aurait dù l'être.

Un très grand nombre d’émigrés, se fiant sur la paix de la Hollande avec la France, avaient soufferts patiemment que les républicains entourassent le territoire de la ville et que toutes communications fussent interrompues. La France quelque temps après, declara la guerre à l’Angleterre, et à la Hollande, et ils se trouverent entourés, sans aucuns moyens d’echapper.


en fort bon état et n’avait que cinq ans, fort et même assez joli ; après s’être étonnés de le trouver aussi bien conservé, ils n’avaient pas honte de m’en offrir un où deux louis, tout sellé et bridé. Dans le fait, grand nombre d’émigrés, n’ayant pas même de quoi subsister, avaient encore bien moins de quoi faire vivre un cheval, et étaient bien aises de s’en débarrasser à quelque prix que ce fut ; heureusement n’étant pas réduit si bas, je les écoutais en riant faire leurs offres, et ils venaient m’importuner à chaque quart d'heure, m'offrant quelque chose de plus ; ils monterent jusqu’a six louis, et m'assurerent qu’ils n’avaient pas payé un seul cheval si cher, depuis la retraite.

Le gouverneur alors, pour épargner les provisions qui n’étaient pas très abondantes, proposa de faire sortir les émigrés de la ville. Ceux-cy offrirent de se rendre utilles, à la défense de la place qui manquait de garnison, au cas qu’elle fut attaquée ; leurs services furent accéptées, on leur donna des armes et ils se formerent sur le champ en compagnies, commandés par trois officiers généraux Français. Les Autrichiens avaient été obligés de se retirer derriere le Roer et d’abandonner la défense du pays : La premiere opération du Général Dumourier après la déclaration de guerre, dans le mois de Mars 1793, fut de mettre le siege devant Maestricht, par son lieutenant Miranda.

La ville n’étant pas dans un état bien régulier de défense, se serait probablement rendue, si les chefs des émigrés ne s’y fussent absolument opposés, en déclarant que la ville pouvait se rendre, mais qu’ils étaient déterminés à ne le pas faire. Cette résolution détermina à tenir ; on confia bientôt aux émigrés, les postes les plus honorables *. On chargea les officiers d’artillerie parmi les émigrés, d’ériger une batterie, qui faisait à elle seule autant, et plus d'effet que toutes celles de la ville †.


Les patriotes étaient assez près d’eux, pont qu’ils pussent entendre intelligiblement , ce sont ces B――― d’émigrés qui font tenir la ville, mais patience, dans peu nous les traiterons comme ils le méritent.


Lorsqu'un boulet faisait beaucoup de ravage, les patriotes qui connaissaient, la déxtérité et le savoir de ces officiers, avaient coutume de dire, c'est un émigré qui passe dans les rangs.


Les bombes pleuvaient avec violence on en jetta pendant les cinq jours et cinq nuits que dura le siege, plus de mille par jour, et cependant on ne voyait pu la moindre apparence de mécontentement parmi les habitans ; lorsque leurs maisons s’écroulaient sous le poids des bombes, on les en voyait sortir froidement, et se retirer chez un voisin sans plaintes, ni murmures. Le crainte il est sùr, d’avoir bientôt à essuyer un second siége de la part des alliés, dans le cas que les patriotes réussissent à s’emparer de la place, servait beaucoup à maintenir leur courage, et à les empêcher de penser à se rendre.

Cependant la ville ne pouvait guères tenir que deux où trois jours de plus, par le manque de provision et de munition. L’on s’apperçut dans la cinquieme nuit, que le feu se ralentissait et vers le matin qu’il avait entierement cessé. On peut penser quelle joye eclata, en appercevant de loin, les colonnes Autrichiennes et la retraite précipitée de leurs ennemis ; on détacha plusieurs compagnies d’émigrés après eux pour les hâter : elles firent prisonniers quelques traineurs et s’emparerent de trois où quatre pieces de canon.

Quelques jours après, la bataille près de Tirlemont eut lieu, et la déroute des républicains fut telle, que grand nombre coururent sans s’arrêter jusqu’a Lille ; les habitans ce cette ville crurent pendant quelque tems, que les Autrichiens en étaient maitres, et en sortirent crainte du pillage.

Cependant les magistrats de Maëstrich, crurent devoir montrer leur reconnaissance aux émigrés qui l’avaient sauvé. ... ils fournirent chacun deux, d’une attestation en forme, comme quoi il était un des gentils-hommes qui avaient montré leur zèle dans cette occasion, et leur donnerent .... ordre de quitter la ville sur le champ.

L’année suivante, les Français battirent les Autrichiens à leur tour, les forcerent d’évacuer une seconde fois les pays bas et après un siége peu vigoureux, ils s’emparerent de Maëstrich, qu’ils possedent encore *.


Ce fut à Maëstricht, qu’au retour de la fameuse campagne, j’eus le plaisir de voir sur le bonnet des grenadiers Brunswickois qui y étaient en garnison, la devise de leur maitre nunquam retrorsum, au dessus d’un cheval au grand galop.


Quelques jours après la fameuse bataille de Jemmappe, nous reçumes ordre tout à coup, de nous rendre en trois jours, dans le pays de Juliers, chez l’Elécteur Palatin ; notre marche n’était nullement prévue par les habitans, ni ordonnée par le souverain, ainsi on peut aisément juger de l’extrême désordre. Cependant comme il n’eut pas été très prudent de refuser les vivres à un corps nombreux, on nous promit de nous en donner, et nous cheminames avec une difficulté incroyable ; on nous fit l’affront de nous arrêter aux barrieres : on voulut nous faire payer les droits. Je laisse à penser, si jamais on s’était avisé de faire une pareille demande, aux individus d’une armée marchant à leurs drapeaux.

Nous arrivames à Rannerak, dont les pauvres habitant épouvantés, ne firent aucune difficulté de nous fournir le logement et les vivres ; un ordre vint bientôt de Juliers, et nos hôtes refuserent de rien fournir, même pour de l’argent; nous ne vécumes jusqu’au moment du licenciement, que sur ce qui restait à la bourse du corps, et dont on acheta un petit magazin de fourage et de farine.

Le coup décisif arriva enfin. ... nous fumes licentiés ! les souverain, ne craignirent pu d’exposer aux yeux de leur sujets, les défenseurs du trône récompensés de leur dévouement, par le déséspoir, la misere et le mépris qu’elle entraine *.


Lorsque j’étais presque à la fin de l'impression de cet ouvrage, on m’a procuré un livre traitant de l'état réel de la France à la fin de 1795, et de la situation politique de l'Europe à la même époque certainement écrit par un officier français émigré, la noble chaleur et la vérité avec laquelle les malheurs de l'Europe y sont traités, le rend digne de l’attention ; lorsque je me suis trouvé au moment de notre licenciement fatal, je me suis permis de faire usage de quelques reflexions que j’y ai trouvé. On les trouvera sages, quoique vigoureuses et respirant la loyauté la plus pure, quoique blamant la conduite des roys.

Ce que j'ai tiré est marqué avec des guillemets.


" Ainsi secondant les plans des démagogues et accomplissant les vastes projets des désorganisateurs de la société, ils ont donné le spectacle impolitique de la degradation perpétuelle," de la noblesse la plus fiere et la plus pleine de sentimens d’honneur, " à tous les démocrates du monde, bien plus flattés de la mort morale qui la tue, que de l'échaffaud qu’ils lui ont dréssés.

" En vain quelques ésprits droits, quelques coeurs honnêtes lui ont fait sentir que des malheurs ne sont pas des crimes, qu’une misere doit la source est aussi honorable, est une vertu : la générosité de quelques ames grandes, n’a pu lui faire oublier l’indélicatesse des petites," infiniment plus nombreuses. " Etrangere par-tout, en butte a l’ironie où à la persécution, elle n’a recueilli de son attachement à la royauté et aux anciennes loix de son pays, qu’un arrèt sévere qui la proscrit à jamais ; en France on la condamne à la mort, mais cette mort n’est point ignominieuse ; dans tout le relie de l’Europe, on la laisse vivre, et cette vie est presque une ignominie. "

" Reduits à ce que sont les hommes, quand aucuns prestiges en les environnent plus : ils apprennent à ces peuples, dont les plus sages les payent encore de quelque pitié, ce que peuvent devenir à leur tour ceux qui ne sont au dessus d’eux, que parce qu’ils n’ont pas encore brisé le piedestal qui les élève. "

C’était donc pour cela, que les Roys de l’Europe s’étaient coalises : c’était donc afin de livrer à l’ignominie, ceux qui par un sentiment d’honneur, avaient abandonné ce qu’ils avaient de plus chèr, pour défendre la cause royale ! " Puisque l’Autriche et la Prusse, n’étaient pas décidées à user de toute leur puissance pour rétablir la monarchie ; puisque la question morale de soumettre un peuple, attaquant les principes de la souveraineté, n’était pas la question positive : le rassemblement et l’armement des émigrés était aussi impolitique que barbare. "

" En vain dira-t-on, que l’on ne s’est rendu qu’à leur cris, que l’on n’a cédé qu’a leur impatience l’impartiale postérité ne se payera point de cette raison puérile ; elle saura faire une différence, aussi juste que sévere, de gens outragés, dépouillés, bannis, nourrissant dans leur coeur le sentiment de l’honnêteté de leurs principes, avec des hommes d’état, qui si peu passionés depuis, étaient déja les maitres de juger de sang froid, de la sagesse et de l’humanité du refus qu’ils avaient à faire. " " Quoi ! l’on a consenti pour avoir quelques soldats de plus, à sacrifier une grande partie des propriétaires de la France, on a pu les voir avec insouciance se vouant à la loyauté de deux souverains, se séparer de tout ce qui leur était chèr, sans avoir la certitude de les en dédommager * : en les associant aux desseins que l’on nourrissait en secret, ce n’était plus à la restauration seule de leur roy que l’on les destinait. En faisant, ce que la politique et l’éxemple de tous les peuples autorise, le plan de gagner à cette campagne, de détacher quelques provinces du royaume que l’on venait secourir : on entrainait de malheureux Français à la dépouille de leur patrie et l’on transformait ainsi en un véritable crime, ce dévouement généreux qui n’était chez eux, que l’élan du courage et de la vertu. "


On licencia l’armée des gentils-hommes émigrés, sans même pourvoir à sa subsistance pour un seul jour : tout ce que l’on présenta aux gentilshommes qui composaient l’infanterie se reduisit à un jour de paye de soldat, sept sous de Liège (4 pences.), que le grand nombre ne se soucia pas d’accepter. Ou n’offrit rien à la cavalerie, mais les princes laisserent aux gardes du corps du roy et aux leurs, les chevaux qu’ils leurs avaient fournis, ce qui quoique tres faible ressource, servit à les faire attendre quelques tems.


Enfin désabusé sur notre trop grande confiance, la larme à l’oeil et le coeur ulcéré, je quittai mes anciens camarades : laissant derriere moi les vains projets et le chimérique espoir qui nous avaient tous bèrcés au commencement de cette funeste campagne : éclairé sur les maux, dont nous avions été (bien involontairement) les instrumens : je regardai dès lors, la querelle des puissances avec la France, comme étrangere à la cause, qui nous avait fait un devoir de la quitter ; tres résolu, quant à moi de ne plus être partie active dans cette lutte sanglante, je me suit éloigné bien loin du théatre des malheurs qu'elle occasione et j’ai depuis ce tems, toujours borné mes vœus, à la cessation de l’effusion inutile du sang humain.



C'est pour occuper le Loisir de ce long éxil, que je me suis amusé à faire dans la Grande Bretagne et l'Irlande, les promenades, qui formeront le sujet du deux volumes suivans.