Les Catacombes/Tome I/02

Werdet, éditeur-libraire (Tome ip. 1-6).


AVERTISSEMENT

DE L’ÉDITEUR.



Quand nous avons été pour proposer à l’auteur des petits volumes que nous publions de nous permettre de faire un choix, pour en composer plusieurs volumes, parmi les brillantes fantaisies qui échappent chaque jour à cette plume infatigable, il a d’abord refusé d’une façon très-nette de satisfaire à notre désir. Il disait qu’il y avait déjà assez de livres dans le monde, et que pour sa part il en avait enfanté une trop grande quantité, — sans compter ceux qu’il veut faire encore, — pour consentir à nous laisser fouiller dans ce qu’il appelle les catacombes de son esprit. Il disait encore qu’autrefois, il y a cinq ans, il avait eu la faiblesse de publier huit volumes de contes fantastiques et non fantastiques dont il n’avait jamais entendu parler, non plus que le public ; — enfin il ajoutait qu’à un homme prudent et bien posé dans le monde littéraire un livre nuit plus qu’il ne sert, et qu’aussi, ces pages-là n’étant pas faites pour être arrangées dans un volume régulier, il ne savait pas pourquoi on les voudrait tirer de leur petit néant très-agréable, moitié nuage et moitié lumière pour les faire reparaître dans tout l’éclat exorbitant de l’in-8o. — Donc à toute force il ne voulait pas nous donner pour les réimprimer une seule de ces pages lues si avidement au jour le jour, et dont lui-même il se souvenait à peine comme on se souvient d’un rêve, ou d’une improvisation dans un cercle d’amis, — confusément et sans y attacher plus d’importance qu’à un bon mot qui vous échappe dans un moment d’inspiration.

Mais nous, bien convaincu que nous étions dans notre droit, nous n’avons pas cédé la place si vite. Nous avons répondu à l’auteur de L’Âne mort, de La Confession, de Barnave, du Chemin de traverse, des Contes fantastiques et des Contes nouveaux ce qu’il fallait lui répondre, à savoir : — Que le public ne pouvait pas faire un accueil médiocre aux mêmes pages qu’il avait le plus applaudies, par la seule raison que ces pages, au lieu d’être disséminées et perdues dans un recueil, seraient imprimées dans un livre ; — que le style était le meilleur prétexte que pût trouver un éditeur à réunir des essais épars çà et là sans méthode, non pas sans art et sans talent ; — qu’à défaut de l’unité rigoureuse, la pensée qui avait présidé à ces divers travaux subirait bien à leur donner l’apparence d’un livre : — que les huit premiers volumes de ses contes, nouvelles et autres mélanges, traités si lestement par l’auteur, avaient été complètement acceptés par le public, et, qui plus est, entièrement vendus jusqu’au dernier ; — que c’était un usage établi de nos jours par tous les écrivains qui savent écrire, et même par quelques-uns qui ne savent pas écrire ; — et qu’enfin il ne s’agissait pas comme il en avait peur, de gros volumes in-8o, mais bien de quelques petits volumes in-18, si petits qu’on les lirait sans aucune espèce de prétention, — tout comme ils seraient publiés.

Cette dernière raison plus que toutes les autres a paru décider notre auteur. En effet un modeste petit in-18, quel danger peut-il courir ? Quant à nous qui avons choisi nous-même, et depuis longtemps, les divers chapitres qui composent ces petits volumes, et qui savons tout le succès qu’ils ont obtenu séparément, jetés çà et là au hasard, selon le caprice ou la fantaisie de l’écrivain, nous sommes encore plus rassuré que lui.

Une autre condition qu’il nous a faite est celle-ci : — Que, quel qu’ait été le succès de ses contes publiés en 1833 et en double édition, nous n’en réimprimerions pas un seul dans ces nouveaux mélanges. Après avoir encore débattu cette nouvelle condition nous y avons consenti, et nous la tiendrons rigoureusement. — Seulement nous réimprimons, sans y rien changer, la préface des Nouveaux contes. Dans ces pages éloquentes, les plus touchantes peut-être qui lui soient échappées, l’auteur raconte avec une naïveté pleine de charme ses premiers pas dans cette carrière littéraire où il est entré si jeune, qu’il a parcourue avec tant de popularité, tant de bonheur, et dans laquelle il est attendu, n’en doutons pas, par de nouveaux succès plus complets sans doute et plus sérieux.

Voici donc ce que raconte de lui-même M. Jules Janin.