Premières Poésies : 1883-1886Société du Mercure de FranceLes Syrtes. Les Cantilènes (p. 149-152).


MARYO


Auprès de la fenêtre,
Assise à son rouet,
Maryo file la laine
Avec ses doigts fluets.

Maryo file la laine,
La soie et l’or aussi,
Pour faire la ceinture
Du beau klephte Ralli.


— « Ne filez pas, la belle,
La soie et l’or ainsi :
Une autre l’infidèle
Va prendre dans son lit.

— Je veux filer la laine,
La soie et l’or aussi ;
Qu’il prenne, l’infidèle,
Une autre dans son lit !

— Proche est la pentecôte,
Maryo, le jour aussi
Où l’infidèle une autre
Va prendre dans son lit. »

Sa mère, sa grand’tante,
Et ses petits neveux,
Et ses trente servantes
Lui peignent ses cheveux.


Pour aller à l’église
On lui met sur le sein
La lune, et sur la bouche
Le rose du matin.

L’évêque est à l’église,
Et les diacres aussi :
Une autre l’infidèle
Va prendre dans son lit.

Maryo part à l’église,
La lune sur le sein,
Et sur sa bouche rose
Le rose du matin.

Et la voilà qu’elle entre
Dans ses habits dorés :
Les diacres et les chantres
Ne savent plus chanter !


— « Évêque, mon évêque,
Et vous diacres aussi,
Voilà, voilà ma femme ! »
Dit le klephte Ralli.

« Évêque, mon évêque,
Et vous diacres aussi,
Jamais une autre femme
N’entrera dans mon lit ! »