Les Cantilènes/Madrigal
Premières Poésies : 1883-1886, Société du Mercure de France, , Les Syrtes. Les Cantilènes (p. 139-140).
MADRIGAL
Incarnate et dodue et narguant les chloroses,
Avec ta bouche rutilante et ton maintien
Impudique, et ton front que le remords chrétien
Ne saurait assombrir de hantises moroses ;
Avec tes seins petits et tes hanches décloses,
Et tes cheveux tordus, tu représentes bien
Ce conventionnel amour, que l’art païen
— Mais le nôtre — para de rubans et de roses.
Or, je rêve d’un temple aux doriques piliers
Où grimpent les volubilis parmi les mauves ;
Et dans le pur acier de tes prunelles fauves
Je vois des bois de myrte aux nymphes familiers,
Et des ruisseaux furtifs où boivent les dorcades,
Et qui coulent par mélodieuses saccades.