Les Cantilènes/La détresse dit

Premières Poésies : 1883-1886Société du Mercure de FranceLes Syrtes. Les Cantilènes (p. 213-214).



La DÉTRESSE dit : ce sont des songes anciens,
Des songes vains, les danses et les musiciens.
La tête du Roi ricane du haut d’une pique ;
Les étendards fuient dans la nuit, et c’est la panique.

La DÉCRÉPITUDE dit : êtes-vous fous, vraiment,
Vraiment, êtes-vous fous d’avoir encor cette pose,
D’avoir encor sur les dents ce sourire charmant,
Ce sourire devant le miroir, et cette rose
Dans votre perruque, ah ! Vraiment, quelle est cette pose !


Le TEMPS dit : je suis le temps, un et si simultané,
Et je stagne en ayant l’air de celui qui s’envole,
Mirage fruste et kaléïdoscope frivole,
Je vous leurre avec l’heure qui n’a jamais sonné.

Alors MAYA, Mayâ l’astucieuse et la belle,
Pose ses doigts doux sur notre front, qui se rebelle
Et câline susurre : Espérez toujours, c’est pour
Votre sacre que vont gronder les cymbales vierges,
Et vous aurez l’or et la pourpre de Bedjapour,
Esclaves dont le sang teint les cordes et les verges.