Les Callipyges/Avant-Propos

(Émile Desjardins)
Au dépens de la Compagnie (p. --10).

AVANT-PROPOS.

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Deux jeunes Ladies, appartenant à la meilleure société de Londres, amies ferventes de la verge, pourvues toutes deux d’une remarquable chute de reins, qui eût balancé certainement, sinon dépassé, la croupe vantée par les anciens Grecs de la Vénus Callipyge, s’étaient liées d’une tendre amitié, attachées l’une à l’autre par la similitude de leurs qualités physiques et morales. Quand elles se visitaient, c’était des extases qui n’en finissaient pas, des agenouillements pieux devant leur fière beauté, qu’elles se caressaient mutuellement de la main ou de la verge.

Ces deux belles dames, que nous appellerons, pour ne pas les désigner trop clairement à la cupidité des curieux, lady Lovebirch et lady Fairbottom, s’adjoignirent plus tard lady Richbuttock, porteuse, elle aussi, d’une magnifique proéminence, puis une autre, lady Splendidorb, une autre encore, Lady Plentiful, et enfin une dernière, lady Finefleece, toutes du meilleur monde et très hardiment cambrées.

Quand notre sextuor de grandes dames, réuni pour la première fois, exhiba l’ensemble de ces croupes incomparables, elles décidèrent, d’un commun accord, qu’elles ne sauraient avoir de rivales, et que le groupe prendrait un nom qui s’imposait : les Callipyges. Jamais titre, en effet, ne fut mieux justifié. Elles s’organisèrent en petit comité, choisissant pour présidente la plus âgée, lady Lovebirch, qui allait sur ses vingt-trois ans, et pour secrétaire lady Finefleece, la plus jeune, qui en avait dix-neuf depuis la veille. Inutile d’ajouter que ces fonctions étaient de véritables sinécures.

Ces superbes encroupées composèrent naturellement leurs maisons à leur image. Le personnel féminin n’était accepté que quand les plus brillantes perspectives séduisaient l’œil des Callipyges. Encore prenaient-elles trois jours, pour l’acceptation définitive. Chaque nouvelle venue, avant d’entrer en fonctions, devant prendre un bain, qui d’ailleurs se renouvelait très souvent, la maîtresse exigeant une excessive propreté et une élégance extrême, extérieure et intérieure chez ses femmes de chambre, pour plusieurs raisons, dont l’explication naturelle se trouvera dans le cours de cet ouvrage ; ce n’était qu’après ce premier bain que la jeune fille était définitivement admise ou refusée. Comme l’on ne se gêne pas entre femmes, la maîtresse éblouissait pour l’examen de leurs formes, l’heure de son bain quotidien. Les deux baignoires se faisaient face, et la dame avait ainsi tout le loisir de se rendre compte de l’état des lieux. Une figure avenante et la plus jolie possible, était de rigueur. Aussi, nos jeunes ladies étaient elles entourées d’un essaim gracieux de ravissantes beautés de tous les pays ; car toutes les nations participaient au peuplement de ces palais Callipygiaques. Cependant les Françaises y étaient en majorité, sans doute à cause de leur minois agaçant, et de leur facilité d’assimilation pour toutes choses.

Comme elles étaient des fanatiques de la verge, ce qui s’explique facilement avec de pareils terrains de manœuvre, nos Callipyges coururent pendant longtemps les divers pensionnats de jeunes filles de la Cité, sondant toutes les directrices, et Dieu sait le nombre en est grand, pour trouver d’habiles conférencières, disposées à leur montrer la théorie et la pratique de la discipline, voulant, disaient-elles, s’instruire dans l’art de la flagellation, mais, en réalité, pour se procurer d’aimables passe-temps, qui sont bien les plus piquants du monde, elles arrêtèrent leur choix sur quatre jeunes directrices, qui joignaient à leur passion pour la verge l’amour du plaisir, ce qui promettait de jolis divertissements. L’engagement ne fut d’ailleurs signé par les deux parties contractantes, que lorsque nos jeunes Callipyges se furent assurées par elles-même, d’une façon irréfragable, de leur talent en tout genre. Elles réussirent le plus facilement du monde à les amener à leurs fins. Ces quatre directrices étaient dans l’âge des passions, de vingt-six à trente ans, voluptueuses jusqu’au bout des ongles ; aussi leurs tentatrices, jeunes et fort belles, appartenant, ce qui ne gâtait rien, à l’aristocratie anglaise, n’eurent pas de peine à les séduire.

Dès qu’on eut cause gagnée, il fut convenu qu’on se réunirait à des jours et à des heures qu’on désignerait dans l’un des pensionnats, pour écouter des conférences sur la verge, ou assister à des séances ; et chez chacune des Callipyges, au thé de cinq heures (le five o’clock tea des Anglais), pour y entendre de piquantes anecdotes.

C’est le compte rendu de ces conférences, séances et anecdotes, que je traduis dans cet ouvrage, auquel je donne pour titre, le nom que portent si justement nos héroïnes :


LES CALLIPYGES

Si vous voulez savoir de qui je tiens le texte de ces conférences, devinez au milieu de ces dix belles encroupées, car elles le sont toutes, même les quatre conférencières, laquelle est ma maîtresse.


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