Roy (p. 9-16).
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II

LA CHAPELLE DE LA VIERGE

À quinze ou seize lieues environ de Port-de-Paix, au milieu d’une savane magnifique, traversée par un large cours d’eau et abritée du vent de mer par de hautes montagnes boisées, s’élève une charmante petite ville espagnole, nommé San Juan de Goava, qui contenait alors quatre à cinq mille habitants. À cause de sa situation qui l’exposait aux attaques des aventuriers, elle était entourée de fossés et de murs en terre battue, qui lui formaient des remparts suffisants pour résister à un coup de main de ses hardis voisins.

Presque au milieu de la rue principale de cette ville se trouvait alors une maison en briques rouges, dont le portail, soutenu par deux colonnettes artistement travaillées, supportant un fronton, donnait accès dans une vaste cour, au centre de laquelle se trouvait un puits.

Un perron à double escalier conduisait dans l’intérieur du principal corps de logis, flanqué à droite et à gauche par des tourelles curieusement sculptées.

Le jour où commence notre histoire, vers huit heures du matin, la plus grande animation régnait dans cette maison qui était alors une hôtellerie ou posada, et qui, à présent, sans doute, n’existe plus.

Des valets empressés entraient et sortaient ; des voyageurs arrivaient, d’autres partaient ; des mozos de mulas réunissaient leurs recuas, tandis que des peones sellaient des chevaux ou les conduisaient à l’abreuvoir ; les appels, les cris et les jurons se croisaient dans l’air avec cette volubilité particulière aux peuples méridionaux.

Au moment le plus animé, un cavalier, soigneusement drapé dans les plis d’un large manteau, entra dans la cour.

Un peon, qui sans doute guettait son arrivée, s’approcha vivement de lui, saisit la bride de son cheval, l’aida à mettre pied à terre, et se penchant à son oreille :

— À l’église de la Merced, lui dit-il à demi-voix.

— Merci, répondit le cavalier sur le même ton, et après avoir laissé tomber une pièce d’or dans la main du peon, il tourna le dos sans autrement s’occuper de sa monture, releva les plis de son manteau sur son visage, sortit de la cour et se dirigea à grands pas vers l’église, située un peu plus haut seulement dans la même rue.

Comme tous les monuments religieux espagnols, l’église de la Merced de la ville de San Juan de Goava est un véritable joyau, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur.

Excepté deux femmes enveloppées dans leurs coiffes, agenouillées et paraissant prier avec ferveur, l’église était déserte.

Au bruit causé par l’entrée du cavalier, dont les éperons résonnaient sur les dalles, elles se retournèrent.

L’inconnu fixa sur elles un regard perçant, puis il s’avança jusqu’à un confessionnal placé dans l’angle d’une chapelle latérale, s’arrêta, laissa tomber son manteau, croisa les bras sur sa poitrine et sembla attendre.

Les deux femmes, après avoir échangé quelques mots à voix basse, se levèrent : l’une se dirigea vers la porte de l’église ; l’autre, bien que d’un air timide et craintif, marcha droit au confessionnal auprès duquel se tenait le jeune homme.

Arrivée à quelques pas de lui elle releva ses coiffes et montra le plus délicieux visage de jeune fille de seize ans que puisse rêver un poète.

Le gentilhomme s’inclina respectueusement devant elle, en murmurant d’une voix étouffée par l’émotion :

— Soyez bénie, Juana, pour m’avoir accordé cette entrevue suprême.

— J’ai eu tort, peut-être, répondit-elle avec un accent d’ineffable tristesse, mais je n’ai pas voulu partir sans vous dire, un dernier adieu encore une fois.

— Hélas ! murmura-t-il, votre départ est-il donc si prochain ?

— Ce soir, demain au plus tard, la frégate sur laquelle nous nous embarquons doit mettre à la voile ; bientôt nous serons séparés pour jamais ; vous m’oublierez, Philippe.

— Vous oublier ! Juana !… Oh ! vous ne le croyez pas ! s’écria-t-il avec douleur.

La jeune fille hocha tristement la tête.

— L’absence, c’est la mort, murmura-t-elle.

Le jeune homme lui lança un clair regard, et, lui saisissant la main qu’il pressa doucement :

— Vous m’oublierez donc, vous, Juana ? lui demanda-t-il d’une voix tremblante.

— Moi ? Oh ! non, fit-elle ; je mourrai fidèle à mon premier, à mon seul amour. Mais vous, Philippe, vous êtes beau… Séparé de moi par l’immensité des mers, ne devant plus me revoir, une autre femme viendra qui chassera mon amour de votre cœur et mon souvenir de votre mémoire.

Il y eut un court silence.

— Juana, reprit le jeune homme, croyez-vous à mon amour ?

— Oui, Philippe, j’y crois, j’y crois, de toutes les forces de mon âme.

— S’il en est ainsi, pourquoi doutez-vous de moi ?

— Je ne doute pas de vous, Philippe… Hélas ! je crains l’avenir.

— L’avenir est à Dieu, Juana. Lui, qui nous sépare aujourd’hui, peut s’il le veut, nous réunir un jour.

— Jamais je ne reverrai Hispaniola, murmura-t-elle, je le sens ; je mourrai dans ces pays sauvages et inconnus où l’on me condamne à habiter loin de tout ce que j’aime.

— Non, vous ne mourrez pas, Juana ; car si vous ne pouvez revenir, vous, pauvre enfant, moi, je suis un homme ; moi je suis fort ; je saurai vous rejoindre.

— Oh ! fit-elle avec joie. Mais, se reprenant aussitôt : Non murmura-t-elle, je n’ose croire à tant de bonheur.

Philippe sourit doucement en entendant ces paroles.


L’aubergiste, grand gaillard sec et long comme un échalas, était venu tourner autour de ces singulières pratiques.

— Enfant ! lui dit-il avec tendresse.

La jeune fille lui lança un long regard sous ses paupières demi-closes.

— Hélas dit-elle, vous êtes un fier et vaillant gentilhomme, Philippe… Bien des femmes se disputent peut-être l’honneur de votre alliance, tandis que moi, je ne suis qu’une pauvre fille…

— Que voulez-vous dire, Juana ? reprit-il avec feu ; n’êtes-vous pas celle que j’aime, que je préfère à toutes ?

— Oui, vous le croyez, Philippe ; vous êtes sincère en me parlant ainsi, mais un jour viendra…

— Jamais ! je vous le répète, Juana.

Elle secoua tristement la tête à plusieurs reprises.

Le jeune homme l’observa avec étonnement, ne comprenant rien à cette méfiance obstinée.

— Philippe, dit-elle enfin avec un accent de tristesse qui serra le cœur du jeune homme, cette fois est la dernière peut-être qu’il nous sera permis de nous voir ; laissez-moi parler, mon ami, fit-elle en posant sa main mignonne sur sa bouche comme pour l’empêcher de l’interrompre ; je ne veux pas me séparer de vous sans que vous sachiez qui je suis. Mon nom, voilà tout ce que vous connaissez de moi… Un jour, il y a deux mois de cela, une jeune fille, qui s’était imprudemment risquée dans la grande savane, avait tout à coup été assaillie par un taureau furieux. Le féroce animal, après avoir éventré deux chevaux, blessé et mis en fuite ses domestiques, accourait vers elle tête baissée en poussant des mugissements terribles ; la jeune fille, folle de terreur, fuyait éperdue à travers la savane, emportée çà et là par son cheval, et sentant derrière elle le galop effréné du taureau qui se rapprochait avec une rapidité vertigineuse. Soudain, au moment où tout espoir la quittait, où elle recommandait son âme à Dieu dans une suprême prière, un homme apparut, se jeta résolument entre elle et le taureau, épaula son fusil : le taureau roulant foudroyé sur le sol vint avec un mugissement de rage impuissante expirer aux pieds mêmes de son vainqueur. Cette jeune fille, c’était moi, Philippe ; son sauveur, c’était vous. Vous vous souvenez de cet événement terrible, n’est-ce pas ?

— Oui, Juana, je m’en souviens pour le bénir ; car je lui dois le bonheur de vous avoir connue, dit-il avec passion.

— Maintenant, écoutez-moi, mon ami. Vous avez peut-être supposé, me voyant richement vêtue et entourée de domestiques nombreux, que j’étais riche et que j’appartenais à une noble famille ?

— Je n’ai rien supposé, Juana ; je vous ai aimée, voilà tout.

Elle soupira en essuyant une larme.

— On me nomme Juana, reprit-elle ; je n’ai jamais connu ni mon père ni ma mère ; on m’a dit que mon père avait été tué dans les guerres avant ma naissance et que ma mère était morte en me donnant le jour. Voilà tout ce que je sais de ma famille ; son nom même n’a jamais été prononcé devant moi. Mes premières années sont enveloppées d’un nuage que je ne suis jamais parvenue à soulever ; je ne me rappelle rien, seulement il me semble que j’ai habité d’autres contrées ; que je suis demeurée longtemps sur mer, et qu’avant de me fixer à Hispaniola j’avais vécu dans des pays où le ciel est moins pur, les arbres plus sombres et le soleil plus froid ; mais ce ne sont que des conjectures qui ne reposent sur aucune base solide. Il me semble aussi avoir entendu parler et avoir parlé moi-même une autre langue que le castillan : mais quelle est cette langue, voilà ce que je ne saurais dire. La seule chose que je crois positive, c’est que je suis protégée dans l’ombre par une famille puissante, qui veille incessamment sur moi et ne m’a jamais perdue de vue. Don Fernando d’Avila, mon tuteur, n’est pas mon parent, j’en suis certaine. C’est un soldat de fortune qui, selon toute probabilité, ne doit la haute position à laquelle il est parvenu et celle plus haute encore qui lui est promise, qu’aux soins dont il a entouré mon enfance. Voici mon histoire, Philippe, elle est bien courte, bien sombre et bien mystérieuse ; mais je devais à l’amour que j’ai pour vous, je me devais à moi-même de vous la faire connaître, et, convaincue que j’ai accompli un devoir sacré, je me courberai sans me plaindre devant votre volonté, quelle qu’elle soit.

Le jeune homme la considéra un instant avec une expression indéfinissable, où se mêlaient à la fois l’amour, la honte et la douleur.

— Juana, dit-il enfin d’une voix tremblante, vous êtes une sainte et noble enfant ; votre cœur est pur comme celui des anges ! Je suis indigne de votre amour, car, moi, je vous ai trompée !

— Vous m’avez trompée, vous, Philippe ? c’est impossible ! fit-elle avec un radieux sourire ; je ne vous crois pas.

— Merci. Juana… Mais à mon tour de vous faire connaître qui je suis.

— Oh ! je le sais, vous êtes un beau et brave gentilhomme que j’aime ; que m’importe le reste !

— Laissez-moi parler, Juana : lorsque vous saurez tout, vous me condamnerez ou vous m’absoudrez. Je suis gentilhomme, vous avez dit vrai, gentilhomme de grande race même, mais je suis pauvre.

— Que me fait cela, à moi ?

— Rien, je le sais ; mais il me reste un secret à vous dévoiler ; secret terrible qui, lorsque vous le saurez, brisera peut-être à jamais mon bonheur.

— Continuez, dit-elle en hochant la tête avec un mouvement de mutine incrédulité.

— Je ne suis pas Espagnol, Juana,

— Je le sais, fit-elle en souriant ; je sais encore que vous êtes Français, que, de plus, vous êtes un des chefs de cette terrible association de Ladrones, ainsi que les nomment les Espagnols, devant laquelle tremble la puissance castillane : est-ce donc là, Philippe, le secret terrible que vous hésitiez à me révéler ? Allez, mon ami, il y a longtemps que je suis instruite de tout ce qui vous touche ; n’êtes-vous pas une partie de mon être ?

— Ainsi vous me pardonnez !

— Qu’ai-je à vous pardonner, Philippe ? Je ne suis pas un homme, moi ; sais-je même seulement si je suis Espagnole ? Ces querelles et ces haines ne m’intéressent pas ; je suis femme et je vous aime, voilà tout ce qui me regarde.

— Oh ! soyez bénie pour ces paroles, Juana, elles me rendent la vie.

— Vous avez douté, Philippe ?

— Je n’osais espérer, répondit-il doucement.

— Les femmes seules savent aimer, murmura-t-elle avec tristesse ; hélas ! il va falloir nous séparer.

— Oh ! pas encore, rien ne nous presse.

— À quoi bon augmenter notre douleur en prolongeant des adieux cruels ?

— Ne voulez-vous donc plus nous revoir ?

— Hélas ! après ce que je vous ai appris, me jugerez-vous encore digne de vous, moi qui ne suis qu’une pauvre fille ?

L’œil de Philippe lança un fulgurant éclair.

— Venez, lui dit-il.

— Où me conduisez-vous ?

— Venez, Juana, c’est au pied de cet autel que je veux vous répondre.

Elle le suivit, tremblante d’espérance et de crainte, jusqu’à une chapelle latérale dédiée à Notre-Dame des Douleurs.

— À genoux près de moi, Juana, et retenez bien les paroles que je vais prononcer ; recevez le serment que je vais faire en présence de la Mère de Dieu.

La jeune fille s’agenouilla sans répondre.

— Je jure, dit alors le jeune homme d’une voix ferme, de ne jamais aimer que vous ; je jure de vous rejoindre quel que soit le lieu où vous alliez ; je jure d’être près de vous avant un an. Que la Vierge, qui voit et m’entend, me punisse si je fausse ce serment que je prononce du plus profond de mon cœur.

— Je jure de vous attendre Philippe, et d’avoir foi en vous, quoi qu’il arrive, répondit la jeune fille en joignant les mains et levant les yeux sur la sainte image.

Ils se relevèrent.

— Tenez, Juana, reprit Philippe en retirant une bague qu’il portait à la main gauche, prenez cet anneau, c’est celui de nos fiançailles ; vous seule, en me le renvoyant, pourrez me rendre la liberté.

— Qu’il soit fait ainsi que vous le désirez, Philippe, je vous aime et je crois en vous ; j’accepte votre anneau, prenez celui-ci en échange, ajouta-t-elle en lui présentant une riche bague en diamant, cet anneau ne m’a jamais quittée. Toute jeune, je le portais suspendu au cou par une chaîne d’or : peut-être est-ce le dernier souvenir de ma mère, le legs suprême qu’elle m’a fait en mourant. Gardez-le, il vous appartient désormais ; car je suis votre fiancée, votre épouse devant Dieu.

Au moment où les jeunes gens échangeaient ainsi leurs anneaux, un clair rayon de soleil jaillit à travers les vitraux de la chapelle et les inonda d’une resplendissante lumière.

— J’accepte cet augure, dit en souriant le jeune homme, nous serons heureux, Juana, la Vierge nous protège et sourit à notre amour.

— Qu’elle soit bénie, répondit dévotement la jeune fille.

— Quand partez-vous et où allez-vous, Juana ?

— Notre départ n’est pas encore positivement fixé ; don Fernando d’Avila attend d’un moment à l’autre sa nomination de gouverneur de Panama.

— Si loin ! dit-il en fronçant le sourcil.

— Hélas ! vous voyez que nous sommes séparés à jamais.

— Ne parlez pas ainsi, ma bien-aimée, rien n’est impossible pour certains hommes ; j’ai juré de vous rejoindre, je tiendrai mon serment.

— Le Ciel vous entende !

— Mais, j’y songe, don Fernando d’Avila n’est-il pas gouverneur, pour l’Espagne, de l’île de la Tortue ?

— En effet.

C’est un bon soldat et un rude adversaire, nous nous sommes vus de près déjà.

— Je dois, ce soir ou demain, me rendre auprès de lui ; c’est de l’île de la Tortue que nous partirons pour la terre ferme ; vous voyez donc, Philippe, qu’il ne faut plus songer à nous revoir, d’ici à bien longtemps du moins.

— Peut-être, ma bien-aimée ; ne suis-je pas venu ici, au milieu de mes ennemis ? Pourquoi ne parviendrais-je pas à m’introduire dans l’île de la Tortue ? L’un, croyez-moi, n’est pas plus difficile que l’autre.

— Mais si vous étiez reconnu, ce serait la mort pour vous.

— Rassurez-vous, ma bien-aimée, le péril n’est pas aussi menaçant que vous le supposez.

La jeune fille soupira tristement.

— Maintenant, reprit-elle au bout d’un instant, séparons-nous, Philippe.

— Déjà nous quitter ! ma Juana chérie, dit le jeune homme avec prière.

— Il le faut, Philippe, une plus longue absence pourrait éveiller les soupçons. D’ailleurs, ne devons-nous pas nous revoir ? Maintenant, je suis heureuse : j’espère !

— Je vous obéis, Juana ; je pars, puisque vous l’exigez ; un dernier mot encore.

— Dites.

— Quoi qu’il arrive, quelque chose qu’on vous rapporte sur mon compte, il en est une que vous ne devrez jamais croire, c’est que je puisse jamais cesser de vous aimer.

— J’ai foi en vous, Philippe, je ne croirai que vous, je vous le jure.

— Je reçois votre serment, Juana ; il est désormais écrit dans mon cœur en caractères ineffaçables, et maintenant je pars plein de foi et de confiance, ma bien-aimée ; ainsi, je ne vous dis pas adieu, mais au revoir.

— Au revoir, Philippe, répondit-elle en lui tendant la main.

Le jeune homme conserva un instant cette main mignonne dans la sienne, la baisa tendrement à plusieurs reprises, puis, faisant un effort suprême :

— Au revoir, Juana ; au revoir, dit-il d’une voix étouffée.

Il se détourna brusquement et sortit à grands pas de l’église.

Doña Juana le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il eût disparu sous le porche, puis elle retomba à genoux devant l’autel de la Vierge des Douleurs, en murmurant d’une voix brisée par l’émotion :

— Au revoir, mon bien-aimé Philippe !

— Señorita, dit la suivante qui s’était doucement rapprochée de sa maîtresse après le départ du jeune homme, il y a déjà bien longtemps que nous avons quitté la casa ; ne craignez-vous pas qu’on trouve votre absence bien longue ?

— Ne sommes-nous pas dans une église, ña Cigala ?

— En effet, señorita, dans une fort belle église même ; cependant peut-être mieux vaudrait-il en sortir et retourner à la casa : ne faut-il pas tout préparer pour votre départ ?

— C’est vrai ; mais puisque je ne dois plus revenir ici jamais peut-être, répondit-elle avec un doux soupir, soyez bonne, ña Cigala, laissez-moi prier encore la Vierge pour celui que j’aime, cinq minutes seulement.

La dueña hocha la tête en femme prudente ; mais elle attendit.

Quelques minutes plus tard les deux dames, bien emmitouflées dans leurs coiffes, quittèrent enfin l’église.

Sous le porche elles se croisèrent avec un homme soigneusement embossê dans son manteau et qui les salua en s’inclinant respectueusement devant elles.

La jeune fille ne put réprimer un tressaillement nerveux à la vue de cet homme et, se penchant à l’oreille de la dueña tout en doublant le pas :

— Croyez-vous qu’il nous ait reconnues ? murmura-t-elle d’une voix basse et tremblante.

— Qui sait ! répondit la dueña sur le même ton.

Cependant l’inconnu s’était arrêté sous le porche de l’église et les suivait d’un regard railleur.

— C’est à recommencer, dit-il entre ses dents, je suis arrivé un quart d’heure trop tard ; patience !