Les Blasons du Plaisir/Souvenir
SOUVENIR
Je n’eus jamais en mon destin
Pour son vertige
Un don plus doux, plus clandestin,
Que cette tige
Tendue en bois d’arc, teinté d’or,
Jonc merveilleux,
Qu’était l’offrande de ce corps,
Voluptueux.
Vous étiez nue et m’appeliez
Comme mon rêve,
Toute au plaisir, vous trembliez,
Plus belle qu’Ève,
Et moi, tout noir d’un autre amour.
Qui m’assassine,
Je devins sur votre poitrine
Le Dieu du jour !
L’immense élan
De nos désirs, puis la tendresse,
À pas plus lents,
Qui nous berçait ensuite, bas,
Tout bas, le cœur ?
Car vous, non plus, ne teniez pas
Le vrai bonheur.
C’est d’une double confidence
De trahison
Que nous supportions en silence,
Lourds de passion,
Que nos yeux troubles, ce grand soir,
À trop mêler leur azur sombre,
Composèrent un seul miroir
Dont plus d’un astre étoila l’ombre.
Bien entendu,
Puis chacun de nous a repris
L’amour perdu,
Vous votre amant, moi ma maîtresse…
Un peu plus calmes,
Nous savons sur notre allégresse
Bercer ses palmes.
Mais quand le doute nous reprend
Vers ce qu’on aime.
Comme moi, songez-vous au temps
Où tout de même,
Pour vaincre, enfin, l’affreux mensonge
À notre tour,
Nous y plongions mieux que le songe
D’un double amour ?