Charpentier (1p. 292-316).


CHAPITRE XVII


COUP D’ŒIL RÉTROSPECTIF. — PREMIÈRE ANNÉE.


Lorsque George Bertram était reparti pour Londres après la petite conférence tenue dans le boudoir de mademoiselle Baker, il ne s’était pas senti de très-bonne humeur. Il avait causé en route, car il voulait dissimuler son chagrin ; mais Harcourt avait bien jugé, à l’amertume de son ton, qu’il s’était passé quelque chose. Une dizaine de jours s’écoulèrent sans nouvelles, puis George écrivit à Caroline une lettre pleine de bons arguments et surtout pleine de tendresse, où il tâchait de l’ébranler dans sa résolution. Sa lettre était énergique, sinon éloquente. Il travaillait, dirait-il, aussi rudement qu’homme pouvait travailler, et cela afin d’obtenir Caroline. Il savait parfaitement que son ardeur au travail ne lui venait que de cette seule pensée : qu’il se croyait le droit de la regarder comme sa femme. Il était reconnaissant à Caroline de lui fournir un aussi noble et un aussi nécessaire encouragement ; et il ajoutait que, depuis qu’il se sentait engagé vis-à-vis d’elle, il n’avait cessé de remercier la Providence pour le fardeau qui pesait sur ses épaules, aussi bien que pour le bonheur qui inondait son cœur. Mais la force lui manquerait pour supporter le fardeau quotidien, si le bonheur devait être indéfiniment ajourné. Il commençait déjà à perdre et le courage et l’énergie. Il lui semblait qu’on lui avait dérobé sa grande espérance. Ses rêves lui promettaient toujours le bonheur, mais le réveil ramenait le désappointement. Il sentait que cela ne pouvait pas durer, qu’il n’aurait pas la force de travailler avec l’ardeur qu’il voudrait, s’il était privé trop longtemps de sa récompense. « Par respect pour la sainteté du lien qui m’unit à vous, ajoutait-il un peu trop solennellement, j’ai renoncé au genre de vie auquel me portait peut-être ma nature. Ne pensez pas que j’en aie du regret ; au contraire, je me réjouis de l’avoir fait, de le faire encore, mais c’est pour vous que je le fais. N’est-ce point aussi de vous que je dois attendre ma récompense ? S’il y a des risques à courir, ne les partagerai-je pas ? S’il y a à souffrir, ne souffrirai-je pas aussi ? Et si l’homme peut, grâce à ses efforts, défendre la femme contre la souffrance, je vous défendrai. » En terminant, il suppliait Caroline de consentir à ce que leur mariage eût lieu l’automne suivant.

Le retour du courrier lui apporta trois lignes d’elle. Elle l’appelait son bien cher George, et lui demandait huit jours pour répondre longuement à sa lettre : « Elle ne pouvait répondre, disait-elle, qu’après mûre réflexion. » George, tout heureux, lui écrivit pour la prier de ne point se hâter. Il attendrait sa réponse avec la plus grande patience ; mais il la suppliait de nouveau d’être miséricordieuse. Il était clair cependant d’après cette lettre — du moins la chose parut claire à Caroline — qu’il croyait son éloquence irrésistible, et qu’il ne doutait pas un instant du succès. Aussi cette seconde lettre détruisit-elle en grande partie l’effet très-réel qu’avait produit la première sur le cœur de la jeune fille.

En la lisant le matin dans sa chambre avant l’heure du déjeuner, Caroline s’était sentie fort ébranlée. Mais elle se décida à n’en pas parler ce jour-là à sa tante. Elle savait que mademoiselle Baker lui conseillerait de céder sur-le-champ, et elle aurait préféré un conseiller plus sévère. Elle mit donc la lettre dans sa poche, et s’en alla tranquillement déjeuner, après quoi, elle écrivit le petit billet dont nous avons parlé plus haut.

Elle réfléchit tout ce jour-là et tout le lendemain à cette affaire. Vers la fin du second jour, elle avait presque pris le parti de céder. Puis vint le petit billet de George, dont le ton trop triomphant, selon elle, la rendit de nouveau inflexible. Avant la fin de cette journée, elle s’était raffermie dans ses premiers principes. Elle avait agi jusqu’alors d’après la règle qu’elle s’était tracée, elle persévérerait dans la même voie.

Le quatrième jour, elle se trouvait toute seule au salon — sa tante ayant quitté Littlebath pour la journée, lorsque Adela Gauntlet vint là voir. Sachant qu’Adela l’engagerait à céder, elle n’aurait certainement pas été lui demander conseil, mais son cœur était triste, et elle ne put s’empêcher d’abord de parler de la lettre qui se trouvait sur sa table à ouvrage, et bientôt de la faire lire à son amie.

L’avis que donnerait Adela ne pouvait faire l’objet d’un doute, mais Caroline ne s’attendait pas à l’entendre parler avec l’impétuosité et l’éloquence emportée que donne une conviction profonde. Elle était loin de croire Adela capable de montrer tant de passion.

— Eh bien ! fit-elle, quand elle vit Adela replier lentement la lettre et la remettre dans l’enveloppe, eh bien ! quelle réponse dois-je lui faire ?

— Pouvez-vous en douter ? dit Adela dont les yeux brillèrent comme jamais Caroline ne les avait vus briller.

— Oui vraiment, je doute ; je doute beaucoup. Je ne devrais pourtant pas douter. Ce que je savais être la sagesse il y a huit jours est encore la sagesse aujourd’hui. Mais on est faible, et il est si difficile de refuser à ceux qu’on aime.

— Ah ! oui, bien difficile, dit Adela. Selon moi, il faudrait qu’une femme eût une pierre à la place du cœur pour rejeter une pareille demande, faite par un homme à qui elle aurait confessé son amour.

— Mais ce n’est pas une raison, parce qu’on aime un homme, pour qu’on veuille le plonger dans la misère.

— Nous redoutons trop ce que nous nommons la misère, dit Adela. Est-ce donc la misère, Caroline, que dix mille livres de rente ? Vous n’aviez pas le droit de dire à cet homme que vous l’épouseriez si vous ne comptiez pas le faire avec ce revenu-là. Il ne devrait rien demander : il a le droit d’exiger.

— Exiger ! non. Le temps d’exiger n’est pas encore venu pour lui.

— Pardonnez-moi, il est venu, si vous êtes fidèle à votre parole. Vous auriez dû réfléchir à tout ceci, et je ne doute pas que vous ne l’ayez fait avant de promettre de l’épouser. Vous n’avez pas le droit maintenant de le rendre malheureux.

— C’est pour cela justement que je ne veux pas le condamner à la pauvreté.

— La pauvreté ! hélas ! comme on la craint ! N’y a-t-il donc rien de pis qu’elle, rien de pis que ce que vous appelez la pauvreté, — cette pauvreté qui ne peut pas changer ses robes ? » — Caroline la regarda avec étonnement, — mais Adela continua. Ah ! sans doute, un cœur brisé n’est pas tant à redouter, ni les larmes de chaque jour, ni les espérances déçues, ni le désappointement vide et lourd, ni les tristesses amères. Tout cela n’est rien comparé à l’inquiétude de n’avoir pas un garde-manger bien garni ! Oui ! ne vous mariez pas que vous ne soyez parfaitement rassurée de ce côté-là, quelque vide que puisse être le cœur

— Adela !

— D’autres peuvent être excusables, continua celle-ci, — se reportant comme toujours à l’entrevue de West-Putford et défendant vis-à-vis d’elle-même celui qu’elle ne pouvait s’empêcher d’accuser au fond du cœur, — d’autres peuvent être excusables, mais vous, vous ne sauriez l’être. Si maintenant vous repoussez Bertram, tous les maux qui à l’avenir pourront l’atteindre pèseront sur votre cœur comme le remords. Il n’est pas homme à prendre la chose tranquillement et à attendre, si vous refusez de l’épouser aujourd’hui.

— Je saurais vivre sans lui.

— C’est votre orgueil qui dit cela, et je crois, en effet, que vous pourriez vivre sans lui. Mais j’ai trop bonne opinion de vous pour croire que vous pourriez être heureuse sans lui, pas plus que lui ne pourra être heureux sans vous. Vous serez tous deux fiers, endurcis et malheureux, — endurcis en apparence seulement, car vous n’aurez pas même le triste bonheur de l’être réellement.

— Mais vraiment, Adela, à vous entendre, on vous croirait la victime de quelque passion malheureuse qu’une prudence cruelle serait venue traverser.

— Et l’on aurait raison ! En disant ces mots Adela se leva, comme pour continuer debout l’avertissement passionné qu’elle donnait à son amie. Mais la force lui manqua, elle tomba à genoux devant le canapé, et, le visage caché dans ses mains, elle fondit en pleurs et en sanglots.

Caroline, toute consternée, fit son possible pour calmer son amie ; mais Adela la supplia de la laisser tranquille un instant.

— Une seule minute, dit-elle d’une voix plaintive et à peine reconnaissable, une seule minute et je serai remise. J’ai été absurde, mais n’en parlez jamais, jamais, jamais à qui que ce soit ; promettez-le-moi, Caroline, promettez-le-moi ! Chère Caroline, vous me le promettez, n’est-ce pas ? Personne n’en sait rien, personne n’en doit rien savoir.

Caroline promit de se taire ; mais naturellement elle se montra curieuse de savoir toute l’histoire. Adela se refusa positivement à en dire plus long sur elle-même. Dans un moment d’émotion poignante elle avait fait allusion à sa propre douleur, mais pour rien au monde elle n’aurait de nouveau recommencé à parler d’elle-même. Elle n’ajouta donc rien sur ce point, mais elle n’en persévéra pas moins, d’une voix devenue plus douce et plus touchante encore, à supplier son amie de ne pas aliéner à jamais le noble cœur qui se donnait à elle.

Une pareille scène ne pouvait manquer de produire quelque effet sur Caroline. Mais en fin de compte, le résultat ne fut pas tel que le souhaitait Adela. Mademoiselle Waddington s’était promis qu’en aucune circonstance de la vie, elle ne se laisserait entraîner par la passion. Pourquoi donc se laisserait-elle persuader aujourd’hui par la passion d’une autre ? Qu’était-ce, en réalité, que l’histoire d’Adela ? Elle ne savait absolument rien du fond des choses. Il se pouvait qu’Adela eût été indignement traitée. D’où venaient les torts ? de ses amis, de celui qu’elle aimait, ou d’elle-même ? Ne serait-ce pas folie, qu’elle, Caroline Waddington, se laissât influencer par l’exemple d’une personne qui ne voulait pas même lui expliquer de quelle nature était cet exemple ?

En définitive, le délai d’une semaine écoulé, Caroline écrivit à George pour lui dire que, malgré tout ce qu’il lui en coûtait de le chagriner, elle se voyait obligée de s’en tenir à sa première résolution. Elle s’exprima avec force et employa une logique plus serrée, peut-être, que celle de son pauvre amoureux.

« J’espère, disait-elle, qu’il viendra un temps où vous comprendrez que j’avais raison. Mais il est une chose dont je suis parfaitement certaine, c’est que, si aujourd’hui je consentais à faire ce que vous me demandez, vous ne tarderiez pas à reconnaître que j’ai eu tort ; et si je découvrais cette pensée chez vous, j’en mourrais. Je sens que ni ma nature ni mon éducation ne me rendent propre à être la femme d’un homme pauvre. Je dis ceci en toute humilité ; mais s’il vous plaît d’y voir de l’orgueil, je n’ai aucun moyen de vous convaincre du contraire. Vous ne sauriez pas davantage être le mari d’une femme pauvre. Aujourd’hui, l’amour et l’enthousiasme vous font parler légèrement de la gêne ; mais l’avez-vous jamais connue ? Depuis votre sortie de l’école, n’avez-vous pas eu tout ce que l’argent peut donner ? Avez-vous jamais eu un désir raisonnable que vous n’ayez pu satisfaire ? Jamais, à ce que je crois. Il en est de même pour moi. Et de quel droit supposerions-nous que nous pourrons faire l’un pour l’autre ce que nous n’avons jamais fait pour nous-mêmes ?

« Vous parlez du chagrin de l’attente. Ne serait-ce pas parce que jusqu’ici vous n’avez connu aucun autre chagrin ? Tout homme qui veut réussir ne doit-il pas savoir attendre, — travailler, attendre et patienter ? Je sais que vous vous appliquez trop. Vous mettez trop d’ardeur à tout ce que vous faites. Ne vous tuez pas de travail. Ménagez-vous pour l’amour de moi, s’il m’est encore permis de parler ainsi. Vous me dites que vous avez abandonné le genre de vie auquel votre nature vous portait ? Je ne vous crois point une mauvaise nature et je serais fâchée de penser que vous vous privez de plaisirs, honnêtes en eux-mêmes, parce que vous vous sentez lié envers moi. » L’ardeur des protestations de Bertram sur ce dernier point devait flatter toute jeune fille ; mais Caroline, en y réfléchissant, ne se soucia pas d’être ainsi flattée. Elle eût désiré trouver chez son futur mari moins de passion et plus de jugement. Elle souhaitait de lui voir mieux comprendre que le véritable but de leur union devait être de s’engager ensemble dans le combat de la vie afin que, réunis, ils pussent lutter avec plus de chances de succès qu’isolément. C’était ainsi qu’elle l’entendait.

— « C’est avec douleur que je vous écris, poursuivait-elle, car je sais que ce que j’écris vous fera de la peine. Mais j’ai la conviction aussi que je remplis un devoir. Je suis prête à reconnaître pourtant que ce délai peut se trouver en désaccord avec les intentions que vous aviez quand vous m’avez priée d’être votre femme. Nous ne nous sommes pas trompés volontairement l’un l’autre, j’en suis certaine, mais il est possible que nous nous soyons mal compris. S’il en est ainsi, cher George, tâchons d’oublier tout le passé. Je ne dis pas ceci pour moi. Si vous le désirez, je suis prête à me regarder comme engagée à vous appartenir un jour et j’attendrai. Prête, ai-je dit ! Prête est un mot bien froid ; remplacez-le par celui que votre cœur préférera. Mais, dans le cas où cette attente serait contraire à vos idées, où vous ne voudriez pas vous y soumettre, regardez-vous comme absolument libre de prendre une décision nouvelle. Je n’ai aucunement le droit d’enchaîner votre volonté à la mienne. Je vous demanderai seulement de ne point tarder à vous décider. »

Voilà ce que disait la lettre, ou plutôt une partie de la lettre de mademoiselle Waddington, car nous n’en avons guère donné que la moitié. Cette lettre frappa Bertram de découragement. Dans son cœur, il accusa Caroline de froideur et d’insensibilité, et son premier mouvement fut de la prendre au mot et de rompre avec elle. En ce qui la touchait, il l’eût volontiers fait, mais il manqua de courage vis-à-vis de son propre cœur. Il ne se sentait pas la force de se séparer d’elle, bien qu’il n’eût pas demandé mieux que de la punir en lui disant qu’elle avait perdu tous ses droits sur lui. Bref, il ne fit rien. Il resta trois semaines sans lui répondre, sans l’aller voir, et sans que rien pût lui prouver même qu’il pensât à elle.

Enfin vint un petit billet de mademoiselle Baker qui l’invitait à les venir voir à Littlebath. Ce petit billet était plein de bonne humeur et de gaieté ; il était plus spirituel, surtout, que ne le comportait le talent épistolaire de mademoiselle Baker, et George y reconnut à l’instant la collaboration de Caroline. Elle avait donc le cœur léger !

La réponse que Bertram adressa, bien entendu, à mademoiselle Baker, contenait quelques lignes également enjouées et aimables, et peut-être plus spirituelles encore, dans lesquelles il s’excusait de ne pas aller à Littlebath pour le moment à cause de ses nombreux engagements à Londres. On était au mois de juin, et il ne pourrait s’échapper sans se rendre coupable d’une foule de parjures. Mais, en allant en Écosse au mois d’août, il s’arrêterait sans faute à Littlebath.

Bertram avait compté que chaque parole enjouée serait un coup de poignard dans le cœur de Caroline ; mais il n’en fut rien, et elle n’en ressentit pas même une piqûre d’épingle. Si Bertram avait montré un sombre chagrin, elle en aurait été blessée. Elle se serait sentie blessée aussi s’il l’eût prise au mot, et s’il eût mis fin à leur engagement, car elle commençait à découvrir qu’elle l’aimait plus qu’elle ne l’avait d’abord cru possible. Sous l’empire de la prudence, elle avait pensé et elle avait écrit qu’elle pourrait, au besoin, rompre avec lui, mais quand vint le moment où elle put s’attendre à recevoir de lui une lettre pour lui dire qu’il acceptait cette offre de rupture, elle sentit battre son cœur à chaque coup de sonnette, et elle dut s’avouer qu’elle avait peur. La réponse de Bertram, si gaie, si rieuse et si spirituelle, la satisfit pleinement. Elle l’aimait, mais elle pouvait attendre ; elle l’aimait, mais elle ne désirait pas le voir triste parce qu’il était loin d’elle. Son amour était plein de raison et de mesure, mais c’était de l’amour. Elle venait d’en acquérir la preuve, non sans un certain étonnement.

Les nombreux devoirs de société auxquels George avait fait allusion existaient réellement. Le lendemain du jour où il avait reçu la lettre de Caroline, il avait fermé les Commentaires de Coke sur Lyttleton, et avait secoué la poussière de ses pieds sur le seuil de M. Die. Pourquoi travailler ? pourquoi se tapisser la cervelle de toiles d’araignées, et passer son temps à déchiffrer dans le grimoire légal de vieilles règles moisies qui ne sont bonnes qu’à aider les hommes à se tromper entre eux ? Le but qu’il s’était proposé n’existait plus. Son but avait été de prouver à celle qu’il aimait que, malgré sa jeunesse, malgré sa pauvreté, elle ne devait pas craindre de se mettre sous sa protection. Mais tant d’arides travaux entrepris pour elle ne l’avaient pas rassurée ! Il se dit alors qu’il les abandonnerait, — qu’il les abandonnerait du moins tant que durerait le beau temps.

Il alla passer la journée à Richmond avec ses amis. Dieu sait tout ce qu’ils firent à leur retour ce soir-là ! Et pourquoi Bertram s’y serait-il refusé ! Caroline n’avait-elle pas dit qu’il lui était indifférent de le voir partager les plaisirs de ses camarades ? Jusque-là il les avait évités pour l’amour d’elle. Mais, puisque cela lui était égal à elle, pourquoi maintenant se gênerait-il ? Donc il ne se gêna pas. Il ne fut plus question de jurisprudence, et M. Die ne prodigua plus ses éloges ; mais en revanche il y eut bon nombre de parties à Richmond et autres lieux, et les réunions joyeuses ne manquèrent pas à Londres. Mademoiselle Waddington avait été très-prudente, sans nul doute ; mais, en agissant autrement, elle se serait montrée peut-être plus prudente encore.

En allant en Écosse, Bertram s’arrêta, comme il l’avait dit, à Littlebath, et il y passa trois jours. Il s’était décidé en route à ne parler à Caroline de leurs dernières lettres échangées que si elle abordait la première cette question. De son côté, celle-ci avait pris la même résolution, et comme ils tinrent bon l’un et l’autre, il arriva que pas un mot ne fut dit à ce sujet. Ce silence satisfit pleinement Caroline, et nullement Bertram. En son cœur il l’accusa de nouveau d’être froide et insensible — « aussi froide que belle, » se dit-il en rentrant le soir à l’hôtel de la Charrue.

Les trois jours que nos amoureux passèrent ensemble à Littlebath parurent s’écouler assez agréablement. Ils montèrent à cheval ensemble, ils se promenèrent ensemble, ils dansèrent même ensemble un soir ; que dis-je ? ils causèrent beaucoup ensemble, et mademoiselle Baker crut que tout allait pour le mieux. Mais Bertram, en se remettant en route pour l’Écosse, se dit que Caroline était bien indifférente, et se demanda tout bas si réellement elle l’aimait.

— « Écrivez-moi, je vous prie, et donnez-moi des nouvelles de votre chasse, lui avait-elle dit au moment du départ. » La chasse ! quel sujet à choisir pour les lettres d’un amoureux ! Elle ne lui avait pas dit : Écrivez, écrivez souvent ; et toujours en écrivant, redites-moi que vous m’aimez.

— Oui, oui, j’écrirai, avait répondu Bertram en riant ; je vous enverrai un compte détaillé des pièces que j’abattrai.

— Et vous nous en expédierez aussi, j’espère, avait ajouté mademoiselle Baker.

— Sans doute, avait répondu Bertram ; — et il tint parole.

Cette tournée d’Écosse se fit en compagnie d’Harcourt et de deux ou trois autres amis ; et ce fut à cette occasion que Bertram confia à son ami le tourment que lui causait l’obstination de sa fiancée. Harcourt lui donna à peu près les mêmes conseils que lui avait donnés Caroline.

— Attendez, mon cher, prenez un peu de patience ; vous avez bien le temps de vous mettre dans les tracas du ménage. Pourquoi se presser d’avoir une demi-douzaine d’enfants autour de soi au moment où l’on commence à jouir de la vie ? Voilà certainement ce que se dit mademoiselle Waddington ; quoique, bien entendu, elle ne puisse pas vous le dire à vous.

Puis, un peu plus tard, Bertram raconta également à son ami ce qu’il savait de la naissance de mademoiselle Waddington.

— Ouf ! dit Harcourt, est-ce bien possible ? Ce que vous m’apprenez là me confond !

— C’est comme je vous le dis.

— Et votre oncle consent au mariage ?

— Il en est instruit du moins, et il ne s’y oppose pas. Il a même été jusqu’à proposer je ne sais quelle misérable somme d’argent.

— Mais à vous, qu’en a-t-il dit ?

— Rien ; pas un seul mot. Je ne l’ai vu qu’une fois depuis la Noël, et alors ni lui ni moi, nous n’en avons parlé.

Harcourt fit plus de cinquante questions à ce sujet, et toujours avec une ardeur qui témoignait de toute l’importance qu’il attachait à la nouvelle qu’il venait d’apprendre. Bertram répondit à toutes ses questions jusqu’à ce qu’il fût las de parler de son oncle.

— Et qu’importe, après tout, qu’elle soit la petite-fille de mon oncle ou d’un autre ?

— Mais il importe énormément. J’avoue que maintenant je suis surpris que mademoiselle Waddington veuille remettre votre mariage. J’avais jusqu’ici cru comprendre ses sentiments et sa conduite, et je les trouvais admirables. Aujourd’hui, je ne vois plus au juste ce qu’elle veut. Il me semble qu’elle devrait se sentir à l’abri de toute inquiétude pour l’avenir. Que ce soit elle ou vous que choisisse votre oncle pour son héritier, cela reviendra toujours au même.

— Écoutez-moi, Harcourt. Si elle voulait m’épouser demain afin de s’assurer l’héritage de mon oncle, je vous jure que je ne voudrais pas d’elle. Si elle ne me prend pas pour moi seul, et avec ce que je peux faire pour elle, elle n’a qu’à me laisser là.

Ainsi parla fièrement Bertram en se reposant avec son ami sur le sommet d’une montagne d’Écosse, en compagnie d’un paquet de sandwichs et d’un flacon de cognac.

— Alors, mon cher, vous n’êtes qu’un âne, dit Harcourt en vidant le flacon.

Bertram tint parole comme nous l’avons dit, et raconta minutieusement à la dame de ses pensées ses succès de chasse. Il lui donna également des détails sur le paysage, sur ses amis, et sur le caractère écossais. Ses lettres étaient naturelles et pleines d’amusants bavardages, telles enfin que la plupart des gens aiment à en recevoir de leurs amis ; mais il y était peu ou point question d’amour. Il se risqua pourtant une ou deux fois à lui parler de quelque jolie personne qu’il avait rencontrée, d’une aventure avec la fille d’un laird écossais, et il lui donna même à entendre, en plaisantant, qu’il ne s’en était pas tiré sans quelque légère blessure au cœur. Caroline lui répondit sur le même ton en lui racontant le plus plaisamment du monde les grands événements de Littlebath, et en lui conseillant vivement de ne pas négliger la fille du laird. Elle lui dit quelle avait été la joie de son cœur en rencontrant inopinément M. Mac Gabbery à l’établissement des bains, et quel avait été son désappointement en apprenant bientôt après qu’il existait maintenant une madame Mac Gabbery. M. Mac Gabbery avait épousé cette mademoiselle Jones dont M. et madame Pott n’avaient pas voulu pour belle-fille. Tout ceci était fort gentil, fort amusant et fort amical ; mais, en sa qualité d’amoureux, Bertram ne se sentit pas satisfait.

Lorsqu’il eu assez de la chasse et de la fille du laird, il se rendit à Oxford, mais cette fois sans s’arrêter à Littlebath. Puis d’Oxford il alla voir Arthur Wilkinson dans son presbytère. Pendant cette visite, il vit souvent Adela et trouva une grande consolation à lui parler de Caroline. En causant avec elle, il ne dissimula pas son profond mécontentement. Il écrivait d’aimables et spirituelles lettres à sa future, et en même temps il disait sur son compte à Adela les choses les plus dures, — des choses d’autant plus dures qu’elles étaient vraies.

— Je m’étais dévoué à elle, disait-il ; je travaillais pour elle comme un forçat, et je m’en estimais heureux. J’aurais tout risqué, tout souffert, tout supporté si elle avait consenti à partager ma vie. Tout ce que je possède aurait été employé à la mettre à l’abri de la gêne. Je l’aime encore, Adela ; c’est peut-être là mon malheur. Mais jamais plus je ne pourrai l’aimer comme je l’aurais aimée si elle était venue à moi tout d’abord.

— Comment travailler maintenant ? disait-il encore. Je serai reçu avocat, cela va sans dire, c’est la chose du monde la plus simple ; il est possible que je gagne alors de quoi nous faire vivre d’une façon convenable. Mais l’ardeur, la noble ardeur qui me soutenait a disparu. Elle préfère qu’il en soit ainsi. Elle est intolérante vis-à-vis de l’enthousiasme. N’est-il point malheureux, Adela, que nos caractères soient si différents ?

Que pouvait lui répondre Adela ? Chacune des paroles de Bertram lui semblait une vérité, une triste et accablante vérité, une répétition de cette vérité qui lui rongeait le cœur. Elle éprouvait pour lui une entière et cordiale sympathie. Elle ne blâmait pas positivement Caroline ; mais elle admettait, et admettait même très-volontiers que, selon elle, Caroline avait tort.

— Si elle a tort ! s’écriait alors Bertram. Mais qui en doute ? Il suffit d’avoir un cœur pour n’en pas douter. Et Adela répondait : En effet, il suffit d’avoir un cœur pour n’en pas douter.

— Elle n’a pas de cœur, reprenait Bertram. Elle est belle, gracieuse, spirituelle, charmante. Elle a tout ce que doit avoir une femme, moins le cœur, — moins le cœur. Puis il détournait le visage, et Adela le voyait passer brusquement la main sur ses yeux.

Que pouvait-elle faire, sinon pleurer aussi ? Et tout homme ne sait-il pas, — toutes les femmes le savent, — combien sont dangereuses de telles larmes ?

Pendant son séjour à Hurst-Staple, Bertram alla donc souvent à West-Putford pour voir Adela ; mais il remarqua qu’Adela ne venait guère au presbytère d’Arthur, et que celui-ci, de son côté, n’allait que fort rarement à West-Putford.

Il était évident pourtant que les deux familles étaient dans les mêmes bons rapports que par le passé. Adela voyait constamment Mary et Sophie Wilkinson ; le vieux M. Gauntlet dînait fréquemment à Hurst-Staple, et Arthur Wilkinson ne semblait éprouver aucune gêne en parlant de lui. Mais Bertram ne voyait Adela que chez elle, et, bien qu’il y eût dîné avec les demoiselles Wilkinson trois ou quatre fois, Arthur n’avait été qu’une seule fois de la partie.

— Êtes-vous donc brouillés, Arthur et vous ? dit-il un jour en riant à Adela.

— Oh ! non, nullement, répondit-elle, mais elle ne put s’empêcher de rougir vivement, et Bertram crut comprendre. Il ne lui reparla plus à ce sujet.

— Mon cher Arthur, pourquoi ne te maries-tu pas ? demanda-t-il le lendemain matin à son cousin.

Ce fut au tour d’Arthur de rougir, en se rappelant, non pas précisément Adela, mais la promesse qu’il avait faite à lord Stapledean d’abandonner la plus grande partie des revenus de la cure à sa mère, — promesse dont il n’avait jamais cessé de se repentir depuis le jour où il l’avait faite.

C’est peut-être ici le lieu de dire que, plus Arthur se repentait d’avoir fait cette promesse, en reconnaissant combien sa position était devenue par là fausse et humiliante, plus sa mère, d’un côté, semblait surmonter la répugnance qu’elle avait d’abord exprimée à l’idée de prendre le revenu de son fils. Cette répugnance avait toujours été en diminuant, et au moment où nous parlons, elle avait pour ainsi dire cessé d’exister. Comment pourrait-on blâmer madame Wilkinson d’avoir perdu tout remords ? Cet arrangement lui paraissait si excellent ! L’avenir de ses enfants était par là confortablement assuré, et il lui semblait si naturel d’être maîtresse au presbytère ! Bref, nous ne la blâmons pas, nous nous bornons à constater le fait. Elle avait déjà appris à se considérer comme propriétaire légitime des revenus ecclésiastiques, et comme son fils prélevait là-dessus des appointements de quatre mille francs, rien que pour faire le travail de la cure, — un vicaire se serait contenté de la moitié, disait-elle souvent — et qu’il avait en sus son traitement d’agrégé, elle ne se faisait aucun scrupule de lui faire largement payer toutes ses dépenses de vie, absolument comme si ce bon M. Wilkinson son père eût été encore de ce monde. Grâce à toutes ces heureuses circonstances, ce bon M. Wilkinson père n’était peut-être pas autant regretté que si les choses s’étaient arrangées autrement. Madame Wilkinson se plaisait à louer quotidiennement l’excellent lord Stapledean qui s’était si généreusement préoccupé d’elle au moment de son triste veuvage.

En ces occasions, Arthur prenait un air sombre et ne disait rien, et sa mère comprenait qu’il n’était pas content.

— Il n’est pas possible qu’Arthur nous envie notre revenu, dit-elle un jour à sa fille aînée.

— Non, non ; je suis sûre qu’il n’a pas cette idée, répondit Mary ; mais, je ne sais pourquoi, rien ne semble lui faire le même plaisir qu’autrefois.

— Alors, il n’est qu’un enfant ingrat. En effet, que pouvait désirer de mieux ce jeune homme que d’être confortablement installé à l’abri des cotillons de sa mère ?

— Et pourquoi ne te maries-tu pas ? avait donc demandé Bertram à son cousin. Il lui semblait étrange qu’Arthur ne se mariât pas ; Adela était une si proche voisine, et Adela était si charmante.

Bertram ignorait les circonstances qui avaient accompagné la nomination d’Arthur à sa cure ; celui-ci les lui raconta et termina son récit en disant :

— Tu vois bien que le mariage pour moi est hors de question.

Alors Bertram crut comprendre pourquoi Adela ne se mariait pas non plus, et il se demanda si tout le monde avait donc aussi peu de cœur que sa Caroline. Se pouvait-il qu’Adela elle-même eût refusé de se risquer dans le mariage jusqu’à ce que son futur mari fût en possession d’un bon et solide revenu ? Mais, s’il en était ainsi, que signifiait l’ardente sympathie qu’elle lui avait témoignée ? Pourquoi Arthur et elle s’évitaient-ils ? Était-ce Arthur Wilkinson qui était lâche ?

Bertram ne parla pas de tout ceci à ses deux amis, car ni l’un ni l’autre ne lui avaient confié leurs peines, — si toutefois ils avaient des peines. Il ne chercha pas à pénétrer leurs secrets. Il avait parlé en l’air, et le peu qu’il savait, il ne l’avait appris que par hasard. Mais il fut moins discret en ce qui le touchait personnellement. Il leur parla ouvertement de son amour ; il en parla quelquefois à Arthur et très-souvent à Adela.

Les conversations avec Adela auraient toujours pu se résumer ainsi : Pourquoi, pourquoi donc Caroline ne ressemble-t-elle pas davantage à Adela ? Des deux, Caroline était, à n’en pas douter, la plus belle, la plus intelligente et la plus séduisante ; mais qu’est-ce que la beauté, le talent et la grâce sans le cœur ? Et Bertram était convaincu qu’Adela avait le cœur tendre.

Cette année-là, il ne retourna plus à Littlebath. Il fit peut-être bien, — bien ou mal, c’est selon. S’il y eût été dans les dispositions où il était, il aurait certainement rompu avec mademoiselle Waddington. Mais, au lieu d’accepter l’invitation de mademoiselle Baker pour passer les fêtes de la Noël à Littlebath, il alla pendant trois ou quatre jours à Hadley. Il trouva moyen d’y être fort mal à l’aise lui-même sans pour cela faire le moindre plaisir à son oncle.

— Est-il permis de te demander, lui dit un jour son oncle pendant cette visite à Hadley, ce que vous comptez faire tous les deux, Caroline et toi ? M. Bertram savait alors que son neveu était au courant des liens de famille qui l’unissaient à Caroline.

— Sans doute, mon oncle, cela vous est très-permis. Malheureusement nous ne sommes pas d’accord. Notre mariage est arrêté, et moi je voudrais remplir mon engagement.

— Et elle voudrait rompre le sien ? Franchement, je ne puis te cacher qu’elle me semble plus sage que toi.

— Je n’oserais dire que sa sagesse aille aussi loin que vous le supposez. Elle est résignée à son malheur, mais elle voudrait ajourner le terme fatal.

— En d’autres mots, elle a un peu de prudence. Sais-tu que j’ai proposé d’augmenter considérablement sa fortune, — sa fortune à elle, entends-tu bien, — à la condition qu’elle remettrait son mariage jusqu’à l’année prochaine ?

— Je crois bien avoir entendu dire que vous aviez parlé d’une certaine somme à mademoiselle Baker, mais les détails m’ont échappé.

— Les affaires d’argent te sont bien indifférentes, monsieur l’avocat.

— Les affaires d’argent des autres me sont indifférentes. Je n’épousais pas mademoiselle Waddington pour sa fortune lorsque j’ignorais qu’elle fût votre petite-fille, et je ne le ferai pas davantage maintenant que je sais ce qui en est.

— Pour sa fortune ! si tu l’épouses en comptant sur plus que sa fortune personnelle, avec peut-être quelque cinquante mille francs ajoutés, tu courras grand risque de te tromper.

— Je ne me tromperai jamais de cette façon-là. En tant que cela me regarde, vous êtes parfaitement libre de garder vos cinquante mille francs.

— Tu es vraiment bien bon.

— Je suis prêt à l’épouser demain sans votre argent, et il n’est pas dit que je l’épouse l’année prochaine quand elle l’aura reçu. Si, en votre qualité de grand-père, vous avez quelque autorité sur elle, vous devriez bien lui dire cela de ma part.

— Par ma foi ! tu le prends de bien haut pour un amoureux.

— Je ne pense pas le prendre de trop haut pour un homme.

— Écoute, George, et rappelle-toi bien ceci, une fois pour toutes, — et le vieillard prit un air grave — souviens-toi que je n’interviendrai jamais en ma qualité de grand-père. Je n’entends pas, en outre, que cette parenté soit connue. M’entends-tu bien ?

— Je comprends, mon oncle, que vous désirez qu’on n’en parle pas généralement.

— Je me plais à croire que tu t’es conformé jusqu’ici à ce désir, et que tu continueras à t’y conformer.

Ces derniers mois ne furent pas précisément dits sous forme de question, mais George crut comprendre qu’ils avaient pour objet d’obtenir de lui une promesse pour l’avenir, ainsi qu’une assurance pour le passé.

— J’en ai parlé à un de mes amis intimes avec lequel j’étais pour ainsi dire obligé de discuter la chose…

— Obligé de discuter mes affaires privées ?

— J’en ai parlé à un ami, mon oncle…, à deux, c’est-à-dire. Je crois même… je crains d’en avoir parlé à trois personnes.

— Ah ! vraiment, à trois personnes ! Tu étais obligé de discuter tes affaires particulières qui sont en même temps les miennes, avec trois amis intimes ! Je te fais mon compliment d’avoir tant d’amis intimes. Mais puisque tu les as entretenus de mes affaires, aussi bien que des tiennes, tu voudras bien peut-être me dire leurs noms ?

George nomma les trois personnes : c’étaient M. Harcourt, le révérend Arthur Wilkinson, et mademoiselle Adela Gauntlet. La colère de M. Bertram fut grande. Si son neveu avait hardiment nié qu’il eût parlé de cette affaire à qui que ce fût, et que plus tard le mensonge se fût découvert, M. Bertram n’aurait pas été, de beaucoup, aussi irrité. La faute, accompagnée de dénégations mensongères, aurait prouvé, du moins, de la crainte et de la déférence et lui aurait paru bien moins grave, que la faute sans mensonge, mais aussi sans crainte et sans déférence.

Malgré sa colère, M. Bertram ne reparla plus de la chose, ni ce jour-là ni le lendemain ; mais le troisième jour, au moment où George se disposait à quitter Hadley, il lui dit de son ton de raillerie habituel : — Tâche de ne plus avoir tant d’amis intimes, lorsqu’il s’agira de mes affaires personnelles.

— C’est bon, mon oncle, j’y veillerai, répondit George.

Ce fut à la suite de cette mention du nom de M. Harcourt, que M. Bertram l’oncle fit sa connaissance. Le vieillard se dit que, puisque M. Harcourt savait sa parenté avec Caroline, il valait mieux le connaître. Il le vit donc, et, comme nous l’avons dit, ils devinrent bientôt amis.

Ainsi se passa la première de ces deux années dont il nous a fallu donner l’histoire succincte.