Charpentier (1p. 20-33).


CHAPITRE II


LE DÉJEUNER.


Wilkinson prit la plume et se courba sur le papier comme s’il allait écrire, mais il ne traça pas un mot. Comment écrire ? La chose eût été comparativement facile sans cette maudite dette. Bertram, en attendant, tournait les pages de son livre et regardait de temps en temps sa montre. Puis il s’écria tout à coup : — Eh bien ?

— Tu devrais bien me laisser, dit Wilkinson ; je serais mieux seul.

— Je veux être pendu si je te quitte. Allons ! où en es-tu ? Donne-moi le papier et je te ferai une lettre en un rien de temps.

— Merci ; j’aime mieux faire ma lettre moi-même.

— C’est ce que je te demande, mais c’est ce que tu ne fais pas, — et Bertram reprit Aristophane pendant quelques instants. — Tu vois bien que tu n’écris pas. Allons, mettons-nous-y tous deux, et voyons qui aura fini le premier. Je voudrais bien savoir si mon père attend une lettre de moi. Et, tout en parlant, il s’empara d’une plume et se mit à écrire :


« Mon cher père,

« Cette ennuyeuse besogne est enfin terminée. Vous serez fâché d’apprendre, qu’en ce qui me concerne, le résultat n’a pas été aussi satisfaisant qu’on aurait pu l’espérer. Je comptais être premier, et il se trouve que je ne suis que second. Si mon ambition s’était contentée d’aspirer au second rang, j’aurais peut-être été parmi les premiers. Je le regrette, surtout pour vous ; mais aujourd’hui on ne peut compter d’avance avec quelque certitude sur les premiers grades. Comme j’arriverai à la maison mardi, je n’en dis pas davantage. Je ne puis rien dire encore au sujet de l’agrégation. Bertram a eu sa chance habituelle. Il fait bien ses amitiés à maman et à mes sœurs.

« Votre fils affectionné,
« Arthur Wilkinson. »


Wilkinson prit la lettre, et, l’ayant lue pour voir qu’elle ne contenait rien d’absurde, la copia machinalement. Il n’ajouta qu’une phrase pour dire que la « chance » de son ami consistait à être le seul double-premier de son année, et un petit post-scriptum qu’il se garda bien de laisser voir à Bertram, puis il ferma la lettre et l’envoya à la poste.

« Dites à maman qu’elle ne se fasse pas trop de chagrin. » Tel était le post-scriptum.

La lettre écrite et expédiée, Wilkinson se laissa emmener.

— Et maintenant allons chez Parker, dit Bertram, tu seras bien aise de revoir Harcourt.

— Ma foi non ! J’aime assez Harcourt ; mais pour l’instant, je préférerais ne voir personne.

— Mais lui, il aimera à te voir, ce qui revient au même. Viens donc.

M. Harcourt était un jeune avocat, tout récemment appelé au barreau, qui avait fait sa dernière année à Oxford quand Bertram et Wilkinson étaient nouveaux, et comme, il avait été au même collège que Bertram, une certaine intimité s’était établie entre eux. Il commençait à plaider, et l’on disait généralement de lui qu’il ferait son chemin. À Londres, c’était encore un tout jeune homme ; mais à Oxford, grâce à ses trois années de séjour dans la capitale, il passait pour être très-versé dans la sagesse mondaine. Il venait souvent à Oxford, et, quand il s’y trouvait, passait volontiers son temps avec nos deux amis.

Wilkinson se mit en route avec son cousin, bras dessus, bras dessous. L’épreuve pour lui était rude ; mais quelque chose lui disait que plus tôt il l’affronterait, plus tôt la peine en serait passée. Dans la grande rue ils rencontrèrent une foule de gens qui les connaissaient l’un et l’autre. Il va sans dire que les amis de Bertram le félicitèrent, mais ce ne fut pas tout ; certains furent assez malavisés pour adresser des condoléances à Wilkinson.

— Avale la médecine tout de suite, lui dit Bertram à demi-voix, et la chose sera finie, maintenant et pour toujours.

Ils arrivèrent chez Parker, où ils trouvèrent tous ceux que Bertram avait nommés et d’autres encore. Harcourt était assis sur la table dans la salle du fond quand ils entrèrent, et les autres jeunes gens étaient debout. « Place au double-premier, messieurs, au héros du siècle, s’écria-t-il en voyant arriver Bertram. Vous savez qu’il est question de lui ériger une statue d’albâtre dans la grande salle du collège de Trinité. Moi, je demande qu’on se contente de la faire en marbre,

— Qu’on la fasse en croûte de pâté, dit Bertram, et que Parker soit l’artiste.

— Et puis nous dévorerons l’objet de notre culte, s’écria Madden, pour prouver combien est passagère cette gloire qui nous coûte tant de travail.

— Je serais enchanté de cette preuve de votre amitié, messieurs. Harcourt, vous n’avez pas vu Wilkinson ?

Harcourt se retourna et donna une poignée de main à son ami.

— Ma foi ! maître Wilkinson, je ne vous avais pas aperçu. Vous avez si bien l’habitude de vous cacher sous le boisseau qu’on ne vous voit pas, le plus souvent. Voilà donc le grand jour passé et la grande affaire finie. C’est une corvée faite, c’est autant de déblayé : voilà ce que je pense, quant à moi, d’un examen d’université.

Wilkinson se borna à sourire, mais Harcourt n’en comprit pas moins que c’était là un homme profondément désappointé. Le jeune avocat était trop homme du monde cependant pour lui adresser, soit des félicitations, soit des condoléances.

— Il y a moins de premiers cette année qu’il n’y en a eu depuis neuf ans, dit Gérard croyant adoucir ce qu’il y avait de pénible dans la position de Wilkinson.

— C’est peut-être parce que les examinateurs ont demandé davantage, ou bien encore parce que les examinés avaient moins à donner, répliqua Madden, qui ne songeait guère à Wilkinson.

— Que vous êtes donc bêtes ! s’écrie Bertram, ne savez-vous donc pas que tout cela se décide au hasard, à la roulette, la veille du jour où l’on publie les listes ! Si ce n’est pas ainsi que cela se fait, c’est ainsi que cela devrait se faire : le résultat serait tout aussi conforme à la justice. Allons, Harcourt, je pense qu’un homme de votre expérience ne daignera pas boire du vin d’Oxford ; mais vous voudrez bien regarder manger les moutards sans doute. Wilkinson, mettez-vous en face de moi et servez-nous le pâté.

— Messieurs, je vous demanderai un moment de silence, dit Harcourt quand l’œuvre sérieuse du déjeuner fut à peu près accomplie et que les convives commencèrent à peler languissamment des poires et à les découper en toutes sortes de formes au lieu de les manger ; messieurs, à tous les déjeuners auxquels j’ai assisté, j’ai toujours entendu dire, — et par parenthèse, ces repas du matin seraient les plus charmantes choses du monde si seulement on savait quoi faire quand ils sont finis…

— Quand ils sont finis, il est temps d’aller dîner, dit Gérard.

— Cela, c’est bon pour un nouveau, mais maintenant que vous voilà bachelier es arts, vous verrez que vous n’aurez plus cette capacité. Mais, pour l’amour de Dieu ! laissez-moi finir mon speech, ou nous n’aurons le temps ni de dîner ni de souper. Je le répète, on prétend généralement qu’il ne devrait point y avoir de discours à ces charmants petits repas du matin.

— Appelez-vous ceci un petit repas ? interrompit à son tour Madden, qui, renversé sur sa chaise, avait à peine la force de tirer de temps à autre une bouffée de son cigare.

— Je ne prétends point parler légèrement du menu qui n’a été que trop complet. Si vous me permettez d’achever, je dirai que cette loi du silence, toujours proclamée, est toujours violée ; je n’éprouve donc aucun scrupule à la violer à mon tour aujourd’hui. Un grand discours est très-ennuyeux, et un petit discours est un peu ennuyeux ; mais il faut savoir s’ennuyer. On ne peut guère s’en passer dans ce monde. Or, mon ennui sera un très-petit ennui, si l’on me permet de le mener à bonne fin sans interruption.

— Bien dit, Harcourt ! s’écria Bertram. Allez de l’avant ; nous ne sommes que trop heureux de vous écouter. Nous n’avons pas tous les jours un avocat de Londres.

— Ce n’est pas tous les jours, non plus, que nous avons un double-premier à notre vieux « Trinité. » Messieurs, nous sommes ici six qui appartenons à Trinité, si je ne me trompe. Vous vous ferez un devoir de boire avec moi à la santé et à la prospérité de notre ami Bertram. Il y a plus d’un homme de Trinité dont nous avons raison d’être fiers ; mais si je suis doué de quelque perspicacité, si je possède le don de juger les hommes (il faut se rappeler que M. Harcourt, qui n’était qu’un tout jeune homme à Londres, était loin d’être un jeune homme à Oxford), il y en a eu bien peu qui aient atteint une place aussi élevée que celle qui lui est réservée dans l’avenir, et dont le nom ait eu plus de retentissement que n’en aura un jour le sien. Il y a ici des membres d’autres collèges : ils ne verront pas d’un mauvais œil notre triomphe ; ce sont les vieux amis de Bertram, et ils doivent être aussi fiers de l’étudiant d’Oxford que nous le sommes de l’étudiant de Trinité. Messieurs, je bois à la prospérité de notre ami le double-premier et à sa santé, afin qu’il puisse jouir du fruit de son travail.

Le toast fut accueilli avec un prodigieux enthousiasme ; il semblait merveilleux que dix convives pussent faire tant de tapage. Même Wilkinson, dont une petite pointe de vin avait relevé un peu le cœur, sortit des profondeurs de son découragement et joignit son acclamation aux autres.

Bertram, selon l’usage, remercia ses amis avec la modestie d’emprunt qui caractérise le discours de remercîment. Il se rassit, puis, avec un certain embarras et en rougissant, il se releva.

— Au risque de faire momentanément de la peine au meilleur ami que j’aie au monde, je vais vous proposer, messieurs, de boire à la santé de quelqu’un que la fortune n’a point favorisé, — je veux dire à la santé de mon cousin Arthur Wilkinson. Les listes, je veux le croire, sont rédigées avec justice ; en tout cas, ce n’est point à moi à m’en plaindre ; mais j’oserai dire que s’il existait une pierre de touche infaillible pour découvrir l’homme le plus méritant, nul nom n’eût été placé cette année avant le sien. Il est un peu moins en train que nous autres aujourd’hui parce qu’il n’a réussi que partiellement, mais un jour viendra où il réussira complètement. — Et l’on but à la santé d’Arthur Wilkinson avec un enthousiasme un peu amoindri, mais cependant avec assez d’animation encore pour faire résonner tous les verres dans la maison de M. Parker.

Wilkinson sentit le sang lui bourdonner aux oreilles quand il entendit prononcer son nom, et dans le moment, il eût donné tout au monde pour qu’on le laissât tranquille. Mais il est au moins douteux s’il n’eût pas été plus blessé d’être passé sous silence. Rien n’est plus difficile que de se mettre exactement au diapason d’un homme désappointé. — Je romprai la glace pour lui, s’était dit Bertram ; quand il aura une fois parlé, il souffrira moins.

Wilkinson avait toujours été considéré dans les conférences et les clubs d’étudiants comme un très-habile discoureur, et, bien que doué d’un peu plus de prolixité et d’un peu moins de vivacité que son cousin, on l’avait généralement regardé comme l’égal, sinon le supérieur de celui-ci, à cause de son érudition plus grande et de son débit plus assuré ; mais en cette occasion sa facilité de parole l’abandonna complètement.

« Il leur était fort reconnaissant, dit-il, bien que peut-être après tout valait-il mieux que les hommes qui se plaçaient dans une position médiocre fussent laissés à leur médiocrité. Quant à lui, il ne doutait pas de la justice des listes. Il ne lui servirait de rien de nier qu’il avait eu l’ambition de quelque chose de mieux : tout le monde, — pour lui c’était tout le monde, — ne savait que trop qu’il avait eu de l’ambition. Mais il avait reçu une leçon qui lui serait sans doute utile pour le reste de ses jours. Échouer, ou ne pas échouer, c’était là une chose qui dépendait des espérances qu’on fondait sur soi. Il comptait bien à l’avenir n’en plus former que d’assez modestes pour que la réalisation de ses désirs eût quelque probabilité. » Après avoir prononcé ces paroles lugubres, il se rassit ayant réussi à éteindre toute gaieté dans la réunion.

Donc, après un dernier verre de punch et un dernier cigare, on se sépara.

Bertram et Harcourt demeurèrent seuls, Bertram ayant en vain engagé son cousin à rester avec eux. Wilkinson avait besoin d’être tranquille et regagna solitairement son collège.

— Vous avez toujours surfait ce garçon-là, dit Harcourt.

— Je ne le pense pas, et le temps me donnera raison. Au bout du compte, un bon grade universitaire n’est pas tout dans ce monde. À Londres, qui donc songe aux grands prix et aux doubles-premiers, je vous le demande ? Une fois le but atteint, je n’en vois pas trop l’utilité.

— En effet, on ne songe guère aux grands prix et aix doubles-premiers dans le monde, mais cela n’empêche pas que ce sont ces hommes-là qui attrapent les gros lots. Le bois qui flotte sur une eau flotte sur toutes les eaux.

— Vous verrez que Wilkinson surnagera.

— C’est-à-dire qu’il ne coulera pas au fond. Je le crois comme vous. Les neuf dixièmes des hommes ne surnagent ni ne coulent complètement en ce monde ; ils voguent péniblement comme des navires à moitié engagés dans l’eau, se tenant difficilement à la surface, portant à grand’peine les fardeaux dont ils sont chargés, et pourtant ne sombrant pas ; ils livrent de grands combats pour conquérir le pain quotidien et, dans cette lutte ardue, perdent de vue toute autre ambition. Quand ces gens-là obtiennent du pain, on peut dire qu’ils ont surnagé.

— Wilkinson fera mieux que cela.

— Un peu mieux ou un peu moins bien, c’est selon. En tout cas, ce n’est pas un homme qui primera. Il ne suffit pas pour cela d’être industrieux, et surtout d’être industrieux avec des intervalles de six mois de paresse. Mais allons faire un tour au bord de l’eau ; le vin de Champagne de M. Parker me fait tourner la tête, et je ne me sens pas de force à affronter le dîner de Gérard.

Les deux amis prirent le chemin de halage, et, tout en cheminant, se mirent à discuter leurs plans d’avenir. Harcourt avait choisi sa carrière et se sentait à peu près sûr d’avoir fait un bon choix. Il n’avait à aucune époque beaucoup douté, et depuis qu’il avait pris sa résolution, il ne doutait plus du tout. Il travaillait beaucoup dans le présent, et il se proposait de beaucoup travailler dans l’avenir, ne comptant pas trop sur son talent, mais comptant fermement sur son application. Bertram, avec un génie bien supérieur, manquait, du moins à l’époque dont il s’agit, de la persévérance qui distinguait son ami. Le monde était devant lui et il n’avait qu’à choisir ; mais il aurait eu grand besoin qu’on l’aidât à faire son choix. Il avait une grande ambition, mais une ambition vague. Le barreau, l’Église, les lettres, les arts, la politique, tout l’attirait ; mais parmi tant d’espérances, laquelle choisir ?

— Quand viendrez-vous à Londres ? lui demanda Harcourt.

— À Londres ! Je ne sais si j’irai à Londres. Je vais aller passer quelques semaines à Hadley d’abord, — c’était dans le village de Hadley que demeurait l’oncle de Bertram, mais ensuite je ne sais ce que je ferai.

— Moi, je le sais. Vous viendrez à Londres et vous ferez votre droit.

— Il est probable que je ferai quelque chose de plus prosaïque encore ; je reviendrai peut-être ici pour entrer dans les ordres.

— Entrer dans les ordres ! vous ! Je digérerais plus facilement le dîner de Gérard que vous ne digéreriez les trente-neuf articles de l’Église anglicane.

— On ne sait ce qu’on peut faire que quand on a essayé. Un prêtre peut faire beaucoup de bien s’il est convaincu et s’il n’est pas trop asservi à l’Église établie.

— Je vous dis que vous serez avocat. Vous êtes taillé pour cela, et c’était toujours là votre idée.

— C’est la profession qui me tente le plus, je l’avoue ; — mais les avocats sont de bien grands coquins. Vous serez une exception, cela va sans dire.

— Je ferai à Rome ce que font les Romains — du moins je l’espère. J’ai pour doctrine qu’il n’existe point de loi immuable du bien et du mal.

— C’est une doctrine commode. Je voudrais y croire.

— Cela vous viendra ; en pratique vous êtes déjà de mon avis. Mais le sujet est trop vaste pour l’entamer ici. Je vous le répète, vous n’entrerez pas dans l’Église et vous serez installé à Londres avant la Noël.

— Et de quoi vivrai-je, mon cher ?

— Comme tous les bons neveux ; vous vivrez de votre oncle. De plus vous aurez votre revenu d’agrégé ; vous en pourrez vivre comme moi.

— Vous n’avez pas que cela ; et quant à mon oncle, s’il faut tout vous dire, je ne me soucie pas beaucoup de dépendre de lui. Je soupçonne qu’il veut me faire comprendre qu’il me fait la charité. Du reste, je compte tirer la chose au clair sans plus tarder.

— Tirer la chose au clair !… Faire la charité ! Triple imbécile ! Mais un oncle, c’est comme un père !

— Mon oncle n’est pas pour moi comme mon père.

— Non ; et d’après ce que j’ai ouï dire, cela est fort heureux pour vous. Ne lâchez pas votre oncle et venez à Londres. Vous aurez les cartes en main.

— J’ai une autre idée, c’est d’aller à la recherche de mon père. Je voudrais savoir à quoi il ressemble. Il y a quatorze ans que je ne l’ai vu.

— Il est à Téhéran, n’est-ce pas ?

— À Hong-Kong, je crois, pour le moment, à moins qu’il ne soit à Panama. Il est mêlé à l’affaire de l’isthme.

— Bah ! ce serait perdre beaucoup de temps. Et puis, vous parliez d’argent tout à l’heure, songez que ce voyage coûterait cher…

Tout en causant, ils avaient rebroussé chemin et rentraient à Oxford. Après avoir parlé de mille choses indifférentes, Bertram revint à la charge :

— Après tout, il n’y a qu’une carrière en Angleterre pour un homme qui se respecte.

— Et quelle est cette unique carrière ?

— La politique et le parlement. Appartenir à une nation libre qui se gouverne elle-même, tout cela est bel et bon, si l’on est un des gouvernants. Sinon, on serait encore moins mortifié, à tout prendre, sous le gouvernement d’un roi absolu. On ne serait dominé que par un seul homme, tandis que chez nous ils sont sept cent cinquante, — sans compter les pairs.

— Oui, mais on a la chance d’être l’un des sept cent cinquante.

— Je compte essayer, dit Bertram. Mais qui diable me nommerait ? Comment s’y prend-on ? Faut-il présenter mes compliments empressés aux électeurs de Marylebone, et leur dire que je suis un homme très-distingué ?

— Tout juste ; seulement il faut d’abord faire quelque chose pour prouver que vous l’êtes. J’ai la même ambition, mais je me tiendrai pour content si j’arrive au parlement dans vingt ou trente ans d’ici.

— Vous voulez dire en qualité d’avocat ?

— Comment arriver autrement quand on n’a pas le sou ?

— C’est ce que je me demande. Mais je n’entends point, pour mon compte, mon cher Harcourt, patienter vingt ans avant de débuter dans la vie. On n’a pas besoin d’électeurs pour écrire un livre, par exemple.

— Pour l’écrire, non ; mais pour le faire lire, c’est autre chose. Pour qu’un auteur fasse un peu de bien, il faut qu’il soit élu à l’aide de suffrages aussi loyalement obtenus, pour le moins, que ceux qui font les membres du parlement.