Les Bastonnais/03/18

Traduction par Aristide Piché.
C-O Beauchemin & fils (p. 204-205).

XVIII
les derniers jours.

Zulma passa la matinée suivante en tête à tête avec Cary. Batoche s’occupa de mille choses, à l’intérieur de la cabane et au dehors, tandis que la petite Blanche vaquait aux soins du ménage. Le blessé avait passé une bonne nuit, et grâce aux lotions et aux cataplasmes de son vieil ami, il se sentait beaucoup mieux. Vers midi, la compagnie fut agréablement surprise par l’arrivée de monsieur Sarpy que le domestique avait amené en voiture. Il était venu tout exprès pour voir Cary et tout en lui témoignant sa sincère sympathie au sujet de son accident, il constata, à sa grande joie, que le jeune officier était en bonne voie de guérison. Il approuva sans hésiter la conduite de sa fille en cette circonstance, et dans une longue conversation qu’il eut avec Batoche, il saisit l’occasion de donner sa cordiale approbation à la conduite que le vieux soldat avait jugé bon de suivre, dans cette guerre. Cet éloge fut très précieux au vieux solitaire et il déclara que cela l’encouragerait à continuer de faire tout en son pouvoir pour garder ses concitoyens au service de la cause sacrée de la délivrance.

Vers le soir, Zulma retourna à Charlesbourg avec son père, mais le lendemain matin, tous deux revinrent de nouveau à Montmorency et il en fut de même pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que, Batoche ayant déclaré que Cary était bien en état de voyager, ils parvinrent à le persuader de passer le reste de sa convalescence au manoir Sarpy. Batoche, que l’accident de son ami avait réduit à l’inactivité, appuya cette proposition qui lui permettait de reprendre son service militaire volontaire. Pour la même raison, il permit volontiers à la petite Blanche d’accompagner Zulma.

Cary demeura cinq jours avec la famille Sarpy et pas n’est besoin de dire que le temps passa comme sur des roues d’or. Ce qui ajouta à son bonheur, ce fut que, par l’entremise de Batoche, Zulma réussit à communiquer journellement avec Pauline et à recevoir d’elle des réponses dans chacune desquelles elle demandait tendrement des nouvelles du jeune officier.

Il aurait bien voulu demeurer plus longtemps dans cette délicieuse retraite, mais au bout de cinq jours, ayant appris que d’importants événements se préparaient au camp, il se déclara assez bien rétabli pour y prendre part. Il assura même qu’il paierait de sa personne, dût-il s’aider de béquilles. Zulma n’essaya pas de le retenir. Ses yeux étaient remplis de larmes, quand elle lui dit adieu, mais le beau sourire épanoui sur ses lèvres encouragea le jeune homme à marcher et à faire son devoir.

— Si je crains quelque chose, dit-il, c’est pour vous.

— Ne craignez rien, répondit-elle. Je ressens la certitude que nous nous reverrons.

En arrivant au camp, où son retour fut acclamé par tous ses camarades, Cary apprit que la fin approchait. Le grand coup allait enfin être frappé. Tout le mois de décembre avait été passé inutilement dans un siège sans résultat et Montgomery avait décidé, pour une multitude de raisons impérieuses, de tenter l’assaut de la fière citadelle. C’était une alternative désespérée, mais le léger espoir de succès qui accompagnait cette audacieuse entreprise suffit à en faire adopter le projet.