Les Aventures de Til Ulespiègle/XLI
CHAPITRE XLI.
à sa femme, à son garçon et à sa servante,
une vérité à chacun.
près avoir quitté le forgeron, Ulespiègle arriva
à Wissmar un jour de fête, et devant la porte
d’un maréchal il vit une belle femme avec
sa servante. C’était la femme du maréchal. Il alla
se loger en face. Dans la nuit il déferra son cheval des quatre pieds. Le lendemain il se présenta à la boutique
du maréchal, où il fut reconnu. Alors la femme
et la servante se mirent au balcon pour voir et entendre
ce qu’il ferait. Ulespiègle demanda au maréchal
s’il voulait lui ferrer son cheval. Le maréchal dit
oui ; il était content de parler à Ulespiègle. De propos
en propos, ils en vinrent à ce que le maréchal lui
dit qu’il lui ferrerait pour rien un des pieds de son
cheval s’il pouvait lui dire une vérité. Ulespiègle
accepta et lui dit :
« Maître, n’oubliez pas qu’il faut
Forger le fer tant qu’il est chaud. »
Le maréchal dit : « C’est vraiment une vérité ; » et il lui fit cadeau d’un fer. Le garçon mit ce fer au cheval, et dit à Ulespiègle que s’il pouvait lui dire une vérité qui le concernât, lui aussi lui donnerait un fer. Ulespiègle accepta et dit :
« Pour qu’on estime son ouvrage,
Il faut qu’un garçon maréchal
Soit fort comme un jeune cheval,
Et de travailler fasse rage. »
Le garçon dit : « C’est également vrai ; » et il lui donna aussi un fer. En voyant cela, la femme et la servante eurent envie de parler à Ulespiègle et lui dirent que s’il pouvait leur dire à chacune une vérité, elles lui donneraient aussi un fer chacune. Ulespiègle accepta et dit à la dame :
« Femme qui se tient sur sa porte
Et montre le blanc de ses yeux
Fait penser qu’elle n’est pas forte
Pour résister aux amoureux. »
La dame répondit : « C’est bien la vérité ; » et elle lui donna aussi un fer. Alors il dit à la servante :
« Lorsque tu prendras tes repas,
Si tu crains que le bouilli n’entre
Dans ta dent creuse, ou ne te fasse mal au ventre,
Le plus sûr est que tu n’en manges pas. »
« Dieu nous garde ! dit la servante, voilà bien une vérité » ; et elle lui donna aussi un fer. Ainsi Ulespiègle fit ferrer son cheval gratis, et il s’en alla.
Il manque, dans l’original, un chapitre entre celui-ci et le quarante-troisième. On a numéroté les chapitres ici comme dans l’original.