Traduction par William Little Hughes.
Hennuyer (p. 252-262).


Le petit Phelps ouvrit la cage.
Le petit Phelps ouvrit la cage.

Le lendemain, à peine réveillé, Tom s’habilla à la hâte et courut à la ville où il acheta une grande ratière. Cette trappe-là valait l’argent qu’elle lui coûtait. À son retour, j’avais déjà débouché les meilleurs trous du cellier et une heure après nous tenions quinze ou seize beaux rats que nous comptions porter chez Jim dans l’après-midi. En attendant, nous les cachâmes sous le lit de tante Sally. L’endroit était mal choisi. Pendant que nous cherchions des araignées dans le grenier, le petit Franklin Jefferson Phelps aperçut par hasard la cage et l’ouvrit pour voir si les rats sortiraient. Ils ne demandaient qu’à déménager — un bébé d’un an aurait dû le deviner rien qu’à la façon dont ils grignotaient les barreaux de leur prison. Lorsque nous revînmes, tante Sally était perchée sur une chaise, criant comme si on l’écorchait et effrayant les pauvres bêtes, qui se sauvaient de tous les côtés, excepté du côté de la cage. Il nous fallut au moins deux heures pour les remplacer, et, pour l’entrain ou la vivacité, les nouveaux venus ne méritaient pas d’être comparés aux premiers. Tante Sally s’en prit à nous, au lieu de graisser les épaules du nigaud qui venait d’effaroucher la fleur du troupeau !

Quant aux chenilles et aux araignées, notre collection ne laissait rien à désirer, Tom aurait voulu y ajouter un nid de guêpes ; mais la famille faisait bonne garde, et nous dûmes lever le siège après avoir reçu des piqûres qui nous ôtèrent l’envie de les apprivoiser. En fait de serpents, il n’y avait guère que des couleuvres dans le bois voisin. Nous en fourrâmes deux douzaines dans un sac que je portai dans notre chambre. L’heure du souper avait sonné et nous avions assez travaillé pour nous sentir en appétit.

Eh bien, lorsque nous remontâmes, nos serpents s’étaient éclipsés. Tom avait bien ficelé l’ouverture du sac, la ficelle tenait toujours, et pourtant le sac se trouvait vide. Comment les couleuvres avaient-elles fait pour sortir sans dénouer la corde ? Si je le savais, je vous le dirais. Après tout, elles avaient beau se cacher, elles ne pouvaient être bien loin, et nous espérions les rattraper sans avoir à battre les buissons. En effet, si elles ne se montrèrent pas ce soir-là, elles se promenèrent du haut en bas de la maison le lendemain et les jours suivants. Elles étaient très jolies et pas plus méchantes qu’une mouche ; mais tante Sally ne les aimait pas, qu’elles fussent vertes, jaunes ou grises, rayées ou mouchetées. Elle ne les aurait pas touchées avec des pincettes.

À la vue d’une seule de ces petites bêtes, elle se sauvait en criant comme si le feu avait pris à ses jupes. Même lorsque la dernière couleuvre eut disparu — il ne nous en manquait que deux ou trois — il n’y avait qu’à chatouiller la nuque de tante Sally avec un brin de duvet pour la faire sauter jusqu’au plafond. C’était très curieux ; mais Tom me dit que toutes les femmes sont comme ça. Heureusement Sambo affirma qu’il suffit qu’un serpent se faufile dans une maison pour en attirer des centaines, de sorte que nous ne fûmes pas mis en cause.

Jim eut bientôt assez de compagnons de captivité pour contenter le prisonnier le plus exigeant, ce qui ne l’empêcha pas de bougonner. Du reste, il ne se plaignait pas des serpents ou des araignées, qui le laissaient tranquille ; mais il trouvait que les rats s’apprivoisaient trop, et plus ils s’habituaient à lui, moins il s’habituait à eux.

Au bout de trois semaines, tout était prêt ou peu s’en fallait. La chemise avait été expédiée par l’entremise du geôlier, dans un second pâté. Chaque fois qu’un rat mordait Jim, il se levait et traçait des gribouillages sur la toile pendant que son encre rouge était fraîche. La meule était presque couverte d’inscriptions. Le pied du lit fut scié en deux, et nous avalâmes la sciure qui nous donna des coliques atroces. Tom déclara qu’aucun prisonnier ne pouvait se vanter d’avoir rien avalé d’aussi indigeste et que j’avais grand tort de faire la grimace.

Enfin, ainsi que je l’ai dit, nos préparatifs étaient presque terminés et nous eûmes lieu de nous féliciter de n’avoir pas trop lambiné. M. Phelps avait adressé deux lettres à la plantation dont le nom figurait sur la fausse affiche imprimée par le duc. Naturellement, les lettres restèrent sans réponse. Il parla alors de mettre une annonce dans les journaux de Saint-Louis et de la Nouvelle-Orléans pour engager le propriétaire à venir chercher Jim et à payer les 200 dollars de récompense. Nous n’avions plus de temps à perdre.

— Jim commence à en avoir assez, me dit Tom, et, en somme, il a fait à peu près tout ce que doit faire un prisonnier. Le moment est venu de frapper le grand coup. En avant les lettres anonymes !

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demandai-je.

— Un avis pour prévenir le gouverneur du château qu’il se trame quelque chose et le mettre sur ses gardes.

— Ce n’est pas à nous de mettre ton oncle sur ses gardes.

— Oui, je sais bien. Il vaudrait mieux être dénoncé par un traître déguisé en femme ; mais nous sommes forcés de nous dénoncer nous-mêmes. À moins d’être prévenu, mon oncle demeurerait les bras croisés, et après toute la peine que nous nous sommes donnée, nous pourrions gagner le canot sans être poursuivis.

— J’aimerais autant ne pas être poursuivi.

— Ça ne ressemblerait plus à une évasion… Maintenant que j’y songe, nous aurons notre traître. Tu te déguiseras en femme pour glisser la première lettre sous la porte d’entrée.

— Je la glisserai aussi bien sans être déguisé.

— Est-ce que tu aurais l’air d’un traître dans tes habits de tous les jours ?

— La nuit, personne ne saura de quoi j’ai l’air.

— Ça n’a rien à y voir, Huck. Un traître doit toujours être déguisé et trembler d’être reconnu. D’ailleurs, il nous faut la robe pour autre chose. En général, c’est la mère du prisonnier qui l’aide à s’échapper — elle lui prête sa robe et il part à sa place. Le geôlier ne manque jamais de s’y laisser prendre.

— Qui sera la mère de Jim ?

— C’est moi qui suis sa mère.

— Alors tu seras forcé de rester dans la hutte pendant que Jim et moi filerons ?

— Pas si bête ! Je bourrerai de paille les habits de Jim pour faire croire que quelqu’un est couché sur le lit, et nous partirons tous ensemble.

Avant dîner j’avais emprunté la robe demandée, et, le soir, déguisé en traître, je glissai cet avis sous la grande porte :

Veillez au grain. Un orage vous menace. Ne dormez que d’un œil.

***

Il ne produisit pas beaucoup d’effet, ou du moins on s’abstint d’en parler devant nous. Tom pensa qu’il n’avait peut-être servi qu’à allumer la pipe d’un des nègres. La nuit suivante, nous collâmes un second avis sur la porte de derrière de la maison. C’était tout bonnement une tête de mort entre ces deux inscriptions tracées en lettres de sang :

PAR ORDRE DES RAVAGEURS. COMMANDEZ VOTRE CERCUEIL.

Tom me dit que personne ne rirait de ce message-là, parce qu’on respectait les sociétés secrètes. En effet, tante Sally se montra un peu effrayée quand Sambo lui apporta le dessin ; mais l’oncle Silas, moins facile à intimider, se moqua d’elle.

— Sois tranquille, me dit Tom. Au troisième avis, qui sera la vraie lettre anonyme, il finira par se décroiser les bras.

Le soir même la lettre était prête ; elle disait :


C’est pour ce soir. Les Ravageurs veulent vous voler le nègre évadé. Ils ont essayé de vous effrayer pour avoir le champ libre. Je suis de la bande, mais je les dénonce parce que j’ai à me venger d’eux. Ils viendront juste à minuit. Ils ont une fausse clef pour ouvrir le cachot. Laissez-les entrer dans le cachot, et pendant qu’ils limeront la chaîne, vous les tuerez à votre loisir.

UN AMI INCONNU.


À souper, l’oncle Silas, afin de rassurer sa femme, avait promis de mettre un nègre armé en faction à chaque porte, de sorte que nous étions embarrassés pour envoyer le dernier message à son adresse. Tom descendit en glissant le long du paratonnerre, trouva la sentinelle endormie et épingla la lettre au chapeau du dormeur.

— Pour le coup, dis-je, lorsqu’il m’eut rejoint, nous voilà obligés de déguerpir.

— Oui, et on n’aura aucun reproche à nous faire ; nous aurons rempli notre devoir.

— Et en prenant une bonne avance… Si nous partions ce soir ?

— Vingt-quatre heures d’avance ! ça ne serait pas loyal, et puis nous avons à nous occuper du radeau.

— Pourquoi n’y as-tu pas pensé plus tôt ?

— J’y ai pensé, Huck. Tu sais bien que j’ai demandé campo pour demain, sous prétexte d’une partie de pêche. Nous profiterons de l’occasion pour inspecter le radeau. Notre canot est assez grand et en bon état ; mais c’est plus amusant de voyager à bord d’un radeau. Je voudrais déjà être installé sous ton wigwam.

En attendant, il se coucha sans se déshabiller et je suivis son exemple. Le lendemain, dès l’aube, nous partîmes avec le déjeuner et le goûter que tante Sally avait préparés la veille. On allait souper lorsque nous revînmes de notre expédition à l’île des Saules. Tom était enchanté du radeau. On ne nous dit pas un mot de la lettre des Ravageurs, qui devait pourtant être arrivée à bon port, car l’oncle Silas lui-même semblait inquiet.

Nous partîmes avec notre déjeuner.
Nous partîmes avec notre déjeuner.

Le souper terminé, tante Sally nous envoya nous coucher. Avant d’obéir, nous courûmes à l’office, où nous remplîmes de provisions un panier que nous emportâmes dans notre chambre. Il était près de dix heures. Tom commença par endosser la robe de la mère de Jim, puis il attacha une corde à l’anse du panier.

— J’ai bien fait de songer aux vivres, me dit-il ; nous avons de quoi en acheter ; mais il ne faut pas s’embarquer sans biscuits, et surtout sans chandelles, lorsqu’on a une lanterne à éclairer. Ah çà ! où as-tu mis les chandelles ?

— Si elles ne sont pas dans le panier, c’est que nous les avons laissées en bas.

— Nous ne pouvons pas nous en passer ; je n’ai pas envie de voir couler le radeau faute d’une chandelle. Va les chercher ; c’est l’affaire de quelques minutes et nous avons deux heures devant nous. Je partirai le premier pour habiller Jim et arranger le mannequin de paille ; nous gagnerons le canot dès que tu nous auras rejoints.

Tout en parlant, il avait déroulé la corde jusqu’à terre et enjambé la balustrade. Ce fut bien à contre-cœur que je retournai à l’office, où j’arrivai sans encombre. Je glissai les chandelles dans ma poche et je réparai, par la même occasion, un oubli de Tom, en emportant une petite motte de beurre qu’il avait posée sur une galette de maïs. Je soufflai ma lumière, me gaudissant de pouvoir montrer à Tom que je n’étais pas seul en faute. Au même instant, tante Sally sortit de la salle à manger, une lampe à la main. J’eus à peine le temps de fourrer la galette et le beurre sous mon chapeau.

— Qu’es-tu allé faire dans l’office ? me demanda-t-elle.

— Rien, ma tante.

En général, elle se contentait de ces réponses-là ; mais, depuis trois jours, la moindre chose la mettait sens dessus dessous.

— Rien ? répéta-t-elle. C’est pour rien que tu te promènes à une pareille heure ? J’en aurai le cœur net ; entre là et attends-moi.

Elle ouvrit une porte et me poussa dans le parloir. Je vis alors que la lettre de Tom avait produit son effet. Une quinzaine de fermiers, dont chacun était armé d’un fusil, attendaient aussi quelqu’un. Ils ne paraissaient pas trop à leur aise. À chaque instant, ils ôtaient et remettaient leur chapeau, se grattaient la tête, ou tiraillaient un des boutons de leur habit, en essayant de se donner un air crâne. Ils me connaissaient tous et continuèrent à causer à voix basse sans s’occuper de moi. Je m’affaissai sur la première chaise qui se trouva derrière moi ; mais, en dépit de mon inquiétude, je me gardai bien de retirer mon chapeau.

Tante Sally revint au bout d’une minute ou deux et m’adressa un tas de questions. La peur m’empêcha de répondre comme il aurait fallu, car je tremblais pour Tom. Les fermiers discutaient de leur côté et parlaient d’aller se mettre en embuscade dans la hutte au lieu d’attendre l’arrivée des Ravageurs. Il commençait à faire joliment chaud dans ce parloir, ou peut-être était-ce moi seul qui avais trop chaud ; en tout cas, le beurre se mit à fondre et à me couler le long des joues.

— Bonté du ciel ! Qu’a donc cet enfant ? s’écria tante Sally, qui devint toute pâle. Quelle maladie est-ce là ? Je ne l’ai jamais vu transpirer comme ça — on dirait de l’huile.

Elle enleva mon chapeau, me laissant coiffé de la galette et de ce qui restait de beurre. Alors, tandis que les autres riaient, elle me sauta au cou.

— Quelle peur tu m’as faite, mauvais garnement ! dit-elle. J’aurais dû deviner ce qui t’amenait à l’office. Va te coucher et que je ne t’y reprenne plus !

En un clin d’œil, je remontai l’escalier ; je redescendis à l’aide du paratonnerre et je gagnai l’appentis. Lorsque je fis mon apparition dans le cachot, j’étais si essoufflé que je pouvais à peine parler.

— Voilà comment tu te dépêches, me dit Tom. As-tu les chandelles ?

— Il s’agit bien de chandelles ! Pas une minute à perdre. Je voudrais déjà être loin. La maison est pleine de gens armés de fusils !

— Vrai ! s’écria Tom, dont les yeux flamboyèrent.

— Il y en a au moins vingt.

— Peuh ! Si c’était à recommencer, j’en ameuterais deux cents.

— Pas une minute à perdre, Tom, répétai-je. Ils veulent s’embusquer dans le cachot et autour du cachot.

— Les lâches ! Ils n’ont pas le droit de venir avant minuit. Heureusement, le prisonnier est habillé ; j’ai eu soin de laisser le panier dans l’appentis ; la palissade n’est qu’à dix pas et, une fois de l’autre côté, nous aurons bientôt gagné le canot.

— Jim ne pourra pas courir avec sa chaîne.

— Oh ! il y a quatre jours, j’ai pris sur moi d’acheter une lime. Que veux-tu ? quand on est pressé… Là, éteignons les lumières et filons.

Nous filâmes par le tunnel. Tom, qui avait insisté pour passer le dernier, prit alors les devants et écouta à la porte de l’appentis.

— Rien ne bouge, dit-il à voix basse. C’est égal, prenons nos précautions, comme si nous courions les plus grands dangers. Nous allons ramper à la queue leu leu jusqu’à la palissade. Tu ouvriras la marche pour montrer le chemin au prisonnier et je formerai l’arrière-garde.

Tom et moi, nous escaladâmes la barrière sans avoir fait plus de bruit qu’une araignée ; mais le pantalon de Jim s’accrocha à la traverse d’en haut et ne se décrocha qu’en brisant un éclat de bois. Il n’en fallut pas davantage pour nous prouver que l’on était déjà en embuscade, car une voix cria :

— Qui va là ? Répondez, ou je tire.

Personne ne répondit, et sauve qui peut ! Pan ! paf ! pan ! Trois coups de feu retentirent. Décidément, les sentinelles y allaient bon jeu, bon argent.

— Les voilà ! Nous les tenons ! Lâchez les chiens !

Ils ne nous tenaient pas encore. Nous les entendions, parce qu’ils avaient des bottes et criaient à tue-tête ; mais nous avions retiré nos chaussures et nous nous gardions bien de souffler mot. Nous suivions le sentier qui menait à la scierie et, quand le bruit se rapprocha, nous nous blottîmes derrière un buisson pour les laisser passer. Les chiens, que l’on avait enfermés afin de mieux surprendre les Ravageurs, arrivèrent en aboyant. Les deux ou trois premiers s’arrêtèrent à peine — le temps de nous donner le bonjour — et la meute reprit sa course pour rejoindre les braillards.

— Bon, dis-je à Tom, ils ont dépassé la scierie ; ils sont sur une fausse piste. Au canot ! Coupons à travers bois avant qu’ils reviennent.

Tom s’était assis sur l’herbe.

— Jim, demanda-t-il au nègre, pourrais-tu me porter sur tes épaules jusqu’au canot ? C’est une course de dix minutes. Huck te guidera.

— Je vous porterais pendant une journée, massa Tom, et Huck par-dessus le marché.

— Eh bien, laisse-moi grimper sur ton dos.

— Comment ! tu es déjà fatigué ? demandai-je à mon tour.

— Ne t’inquiète pas de moi. En route, Jim !

Un quart d’heure après, nous étions à bord de mon canot, que nous avions caché dans une petite crique, un peu au-dessus de la scierie, juste en face de l’île des Saules. Pendant que Jim ramait, je tenais le gouvernail, et il nous fallut près d’une demi-heure pour atteindre le radeau.

— Hourra ! Jim ! te voilà libre ! m’écriai-je.

— Oui, grâce à vous, Huck, et à massa Tom. Je ne l’oublierai pas, allez.

Il dansait de joie. Tom était encore plus content que nous, parce qu’il avait une balle dans le mollet. Nous dûmes le porter dans le wigwam, où j’allumai une chandelle.

Laisse-moi grimper sur ton dos.
Laisse-moi grimper sur ton dos.

— Quelle chance, hein ? dit-il, tandis que nous détachions le mouchoir qu’il avait roulé autour de sa jambe. Une évasion sans coups de fusil ne vaudrait pas deux cents.

Je n’avais plus envie de chanter victoire et Jim n’était plus disposé à danser. Il courut chercher de l’eau pour laver la blessure et déchira une des chemises du duc pour faire un bandage.

— Donne-moi les chiffons, dit Tom. Ne vous occupez pas de moi ; éclairez la lanterne et démarrez ! Ça ne sera rien. Je n’ai senti que comme un coup de fouet.

— Je connais ces coups de fouet là, massa Tom. Ils ne font pas trop de mal d’abord, quand il n’y a pas d’os cassé et que le trou a beaucoup saigné ; après, c’est autre chose. Il faut un médecin pour dénicher la balle.

— Éclairez la lanterne et démarrez la barque ! Je suis le capitaine.

— Huck, ne l’écoutez pas, dit Jim ; il commence à avoir la fièvre. Si un de nous avait été blessé, massa Tom aurait-il voulu partir tout de même ? Non, pour sûr. Tant pis si on me reprend ; je ne bouge pas d’ici.

Je savais bien que mon vieux Jim était blanc en dedans.

— Tu as raison, répliquai-je. Dès qu’il fera un peu jour, je retournerai là-bas et je ramènerai le docteur Thompson.

Tom se mit en colère et déclara que nous allions gâter l’aventure ; mais, lorsqu’il reconnut qu’il ne pouvait pas se lever, il finit par céder.

— Soit, dit-il, puisqu’il n’y a pas moyen de t’en empêcher. Tu lui mettras un bandeau sur les yeux ; tu le conduiras jusqu’au canot par de longs détours et tu le ramèneras de la même façon. C’est le moyen que l’on emploie en général pour ne pas être dénoncé.