Les Avadânas, contes et apologues indiens/77

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 17-20).


LXXVII

LA PERDRIX[1], L’ÉLÉPHANT ET LE SINGE.

(De l’humilité et de la déférence.)


Jadis les habitants du Djamboudvîpa (l’Inde méridionale) ne savaient pas montrer des égards et du respect aux vieillards. Des hommes vertueux avaient essayé de les convertir par de sages discours, mais ils n’y avaient pas encore réussi. À cette époque, le Bôdhisattva (le Bouddha) se métamorphosa et prit la forme d’un Kapindjala. Cet oiseau avait deux amis intimes ; l’un était un grand éléphant, et l’autre un singe. Ils demeuraient ensemble au pied d’un Pippala[2]. Ils s’interrogèrent l’un l’autre et dirent : « Nous ne savons pas quel est celui qui doit être le chef. — Jadis, dit l’éléphant, j’ai vu cet arbre qui ne s’élevait pas jusqu’à mon ventre, et maintenant vous voyez comme il est grand. On peut en conclure que je dois être regardé comme l’aîné.

— Moi, dit le singe, après m’être assis sur la terre, à l’aide de mes mains, je suis monté au haut de l’arbre. On peut en conclure que je dois être regardé comme le supérieur.

— Moi, dit l’oiseau, comme je demeurais au milieu de ce Pippala, j’en mangeais les fruits et je rendis un jour des pépins qui ont donné naissance à cet arbre[3]. On peut en conclure que je dois être regardé comme le plus âgé. »

L’éléphant reprit la parole et dit : « C’est le plus ancien qui mérite de recevoir des hommages. » Aussitôt, il se plaça derrière le singe, et l’oiseau prit le premier rang. Comme ils voyageaient dans cet ordre, les autres animaux, les ayant vus, leur en demandèrent la raison. « Tels sont, répondirent-ils, les marques de déférence et de respect qui sont dues à ceux qui sont le plus avancés en âge. »

Les animaux se convertirent, et les hommes imitèrent leur exemple.

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Ta-tchi-tou-lun, livre XII.)
  1. Perdrix du genre francolin.
  2. Figuier sacré.
  3. Littéralement : Grana cum stercore exierunt.