Les Avadânas, contes et apologues indiens/60

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 209-211).


LX

LE FILS DU MAÎTRE DE MAISON QUI FAIT LE PILOTE.

(De ceux qui exagèrent leurs talents.)


Jadis, le fils d’un maître de maison s’embarqua avec une compagnie de marchands pour aller recueillir des pierres précieuses. Ce jeune homme avait étudié avec soin l’art de naviguer et de conduire un vaisseau. « Si l’on se met en mer, disait-il à ses compagnons, et qu’on arrive dans un remous ou près d’un écueil, il faut faire comme ceci, comme cela ; tantôt se servir du gouvernail, tantôt jeter l’ancre. Je connais complètement tous les secrets de la navigation. »

Après l’avoir entendu parler ainsi, tous ses associés eurent une foi profonde dans ses paroles. Ils arrivèrent bientôt au milieu de la mer ; mais, au bout de quelque temps, le pilote tomba subitement malade et mourut. Le fils du maître de maison prit sa place ; et quand le navire eut rencontré un violent remous et un impétueux rapide, il cria à haute voix aux matelots : « Faites ceci ! faites cela ! » Mais le navire tourna sans pouvoir avancer jusqu’à l’île des pierres précieuses (Ceylan) ; tous les marchands furent engloutis dans les flots et y périrent.

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Pe-yu-king, ou le Livre des cent comparaisons, partie II.)